[dropcaps style=’2′]Est-il vraiment utile de vous présenter Naughty Dog ? Votre profil de gamer avisé n’est pas sans savoir que ces vilains clébards amourachés de Sony depuis ses premiers pas dans le monde du jeu vidéo ont marqué plusieurs générations de joueurs à l’aide d’une poignée de personnages emblématiques faisant limite figure de mascottes non officielles aux différentes Playstation sur le marché. Crash Bandicoot, Jak & Daxter, eh bien, c’était eux ! Tout comme vous n’êtes pas sans savoir qu’en observant le passé du studio, la sortie d’une nouvelle génération de consoles se voit octroyée d’une toute nouvelle licence de leur part au détriment de la précédente, laissée derrière eux comme le témoignage d’une époque. La PS3 n’a pas échappé à cette règle. Fini les aventures des deux compères Jak & Daxter et bienvenue à un certain Nathan Drake au travers d’Uncharted.[/dropcaps]
Un canidé plus ambitieux
Rien de bien exceptionnel jusque là, quiconque d’un minimum observateur aurait été à même de prédire l’avènement d’une nouvelle licence de la part de Naughty Dog. Sauf qu’à part être doué d’un don de médium, étions-nous à même de prédire la cabriole que la meute canine nous réservait avec la next-gen ? Uncharted se distingue en effet des travaux passés du studio. On ne se retrouve plus avec des univers chatoyants de couleurs et de personnages enfantins dignes d’un dessin animé. L’univers est ici bien plus mature, se rapprochant bien plus d’un film que d’un dessin animé. Preuve que la nouvelle génération apportant moult broutilles gadgets à leur appareillage vidéo-ludique se veut à demi-mot orienté vers un public adulte. La société a évolué et il commence à devenir loin le temps où le jeu vidéo était considéré par le grand public comme un énième jouet pour les gosses au même titre qu’une boîte de Lego. Le jeu vidéo n’est plus un simple amusement juvénile mais une véritable vitrine hi-tech. Toujours plus puissant pour servir plus de réalisme au point d’avoir plus l’impression de se retrouver vers de « vrais » personnages en chair et en os dans notre écran plutôt qu’un tas grossier de pixels comme on pouvait le voir dans le passé. Peut-être est-ce parce que ces nouvelles technologies amènent un tel bond en avant dans le réalisme ou cette politique grandissante que le jeu devient peu à peu un joujou pour adultes, toujours est-il que Uncharted pousse le bouchon de l’ambition bien plus loin. On passe de l’aventure colorée à une véritable revisitation interactive d’Indiana Jones. Certes, ce n’est pas nouveau que le jeu vidéo s’est toujours vu lorgné du côté du cinéma en terme d’influence, encore fallait-il la technologie nécessaire pour légitimiser et crédibiliser ce lien entre ces deux formes culturelles. Naughty Dog semble avoir considéré que la PS3 était à même de leur apporter les moyens techniques nécessaires afin de partir visiter les sentiers cinématographiques et c’est justement pour cela qu’ils ont osé sauter le pas avec Uncharted.
Dans cette optique, on ne pourra pas reprocher aux vilains clébards de ne pas avoir mis les petits plats dans les grands. Le jeu vidéo d’aujourd’hui n’est plus une limite pour une immersion cinématographique. Ce premier Uncharted sous-titré Drake’s Fortune n’a pas à rougir de honte en terme de réalisation. Les graphismes et environnements sont d’une beauté à chialer, jamais les animations des personnages et modélisations faciales n’auront paru aussi convaincantes de réalisme. Oh bien sûr, lire un truc pareil en fera rire plus d’un, le troisième opus de la série notamment ayant brillamment démontré que la PS3 en avait vachement plus dans le ventre que cela mais il ne faut pas oublier le contexte et l’année de sortie de ce premier volet. En 2007, aucun jeu de PS3 ne pouvait se targuer d’autant exploiter la machine, Drake’s Fortune reste par conséquent un pionnier en terme de prouesse technique. Il serait tout de même bien malvenu et emprunt de mauvaise foi de ne pas lui reconnaître cela, même si les années suivantes ont été marquées par d’autres productions le dépassant des pieds à la tête, lui octroyant en toute logique un caractère vieillot lorsqu’on le regarde aujourd’hui. Exotique, dépaysant, voilà les maîtres mots qui régissent en terme d’univers lorsqu’on parle d’Uncharted. Et que dire de l’IA ? Dans le fond, cette dernière est assez impressionnante. Même dans un mode de difficulté relativement bas, les ennemis n’attendront pas forcément leur rendez-vous avec la mort sans bouger, ne se contentant que de sortir et pointer leur arme sur vous pour leur donner bonne conscience d’avoir au moins fait une petite chose pour vous empêcher de le trouer. Non, ici, les adversaires sont pourvus d’un véritable caractère vivant et dynamique. Ils bougent, ils n’hésitent pas à se déployer dans la zone, soit pour devenir moins accessibles pour notre canon, soit pour se rapprocher dangereusement de vous et pourquoi pas vous prendre à revers. Bref, il y a eu un véritable effort de fait de ce côté-là aussi pour ne rien laisser au hasard en terme de mise en œuvre technique.
De même que l’évolution du jeu vidéo permet maintenant de totalement décomplexer le gameplay, Uncharted n’ira pas limiter l’immersion vers l’aventure d’un chasseur de trésors en se contentant de ne montrer qu’une seule facette. On peut maintenant se permettre de métisser les genres sans que personne n’aille crier au loup. C’est ainsi qu’on se retrouvera au cours de notre épopée à passer de séances de gunfights pas si éloignées d’un Gears Of Wars, à de la plate-forme/grimpette d’un Prince Of Persia simplifié, des énigmes que n’aurait pas renié un Tomb Raider grand public et même quelques petits passages véhiculés. La vie d’un aventurier ne s’arrête pas à la mitraillette et il était bien avisé d’en prendre compte et d’affirmer un gameplay sous plusieurs facettes afin que le résultat soit crédible à l’objectif d’immersion. En cela, Uncharted réussit une fois encore à convaincre les foules.
La barre est placée, encore faut-il l’atteindre…
Mais bon, avoir les idées, de l’ambition, tout plein de bonnes intentions, c’est une chose. Nous avons le fond et la forme. Et si, dans le fond, Drake’s Fortune est loin d’avoir à rougir, on ne pourra pas en dire de même en terme de forme. Et c’est bien à partir de là que toutes les louanges s’arrêtent. Sans non plus crier à la catastrophe pure et dure, on ne peut pas dire que ce premier Uncharted nous montre une façade des plus reluisantes. Il est bien beau d’avoir une belle gueule, encore faut-il qu’elle ne soit pas finie à l’urine. Naughty Dog s’est peut-être fortement appliqué sur la réalisation mais peut-être aurait-il fallu qu’elle comporte moins de failles. Le titre se voit truffé en effet de bugs tout bonnement décevants pour une production de cette ampleur au point de se demander s’il n’aurait pas mieux fallu sacrifier de la finesse au service d’une finition irréprochable. De la saccade, des soucis de caméra, de collisions allant même jusqu’à nous amener à recommencer au checkpoint précédent, un mystérieux magnétisme d’un mur magique nous sommant de sauter, sauter, sauter et… sauter, et sans même pression d’un bouton. Prenez garde, certains murs ont des caractéristiques hypnotiques et n’ont pas l’air de comprendre le dicton comme quoi « les blagues les plus courtes sont les meilleures ». Le jeu est très loin d’être infaillible et cela passe au travers de moult petits détails allant même jusqu’à des choses plus graves. Quoi de plus gonflant qu’une prise en main un brin capricieuse lors d’une séquence typée plate-forme ou une IA pas toujours bien gérée où l’on se voit enchaîner les headshots sur un ennemi se relevant continuellement. Comme quoi, certains ont la tête bien dure. Mais le fin du fin demeure dans les phases de jet-ski où il y a vraiment de quoi se tirer les cheveux. Ces phases sont poussives à souhait, une rigidité très convaincante pour un cargo de trois tonnes tout comme il est très dans l’air du temps de devoir s’arrêter pour tirer sur les ennemis (un comble lorsqu’on sait que le conducteur et le tireur sont deux personnages différents à l’écran). Toute une accumulation amenant une bonne dose de frustration obstruant dangereusement l’expérience de jeu et ce, même si les checkpoints sont distribués comme des petits pains et qu’on ne se retrouve jamais à recommencer bien loin. En même temps, on serait tenté de dire que si l’on en venait à mourir à cause de ces dysfonctionnements (et uniquement), c’est bien la moindre des choses de ne pas devoir se recoltiner la moitié du niveau.
Au même titre que ces soucis de finitions, ce premier épisode souffre d’un cruel handicap afin de vraiment immerger le joueur. Le jeu vidéo, c’est une bonne part de technique, il est vrai mais pas que… Et là, Drake’s Fortune ne pourra que décevoir sur le plan de l’écriture. Le scénario est d’une platitude affligeante, une resucée du pauvre d’Indiana Jones. Fadasse, Uncharted ne fait que reprendre et s’approprier des codes vus et revus, usés jusqu’à l’os. Tellement que l’indigestion n’est vraiment pas loin. Et il ne faudra pas compter sur les personnages, totalement dénués de charisme, pourvus d’une personnalité superficielle et toute aussi clichesque que l’histoire. Nathan Drake, pourtant destiné à être ce mec beau gosse un brin négligé, fait plus office de lourdingue de service avec son humour potache et ses répliques tellement entendues. N’est pas Harrison Ford qui veut. Le meilleur ami, tantôt con, tantôt muni d’un cerveau, d’une fidélité troublante même au travers de l’adversité. Et bien entendu, nous avons bien la figure féminine, dont le rôle n’a aucune autre utilité que de servir de récompense sentimentale à notre héros s’étant si durement démené durant cette aventure. Quoi ? Je vous spoile ? Vous m’en voyez désolée, jamais personne n’aurait pu se douter de ce léger détail dès la cinématique d’ouverture, c’est vrai…
Panpan cucul : au-delà de la niaiserie
Et alors, cette histoire ? Soit, jugez par vous mêmes. Nathan Drake, chasseur de trésors, dans les pas de son ancêtre Francis Drake, lui aussi éminent flaireur de richesses, se retrouve dans la jungle de Panama en compagnie d’une journaliste télévisée en manque de scoop et son meilleur ami endetté jusqu’à l’os, à rechercher l’El Dorado. El Dorado, fabuleux trésor, légende locale dont personne n’a pu retrouver trace depuis des siècles et des siècles. La belle affaire : le gros lot additionné à l’honneur de réussir ce que son ancêtre, bien plus légendaire que le petit descendant en la matière, ne semblait pas avoir achevé avant de passer l’arme à gauche. Mais bon, si cela aurait pu s’apparenter à une petite promenade de santé sous la moiteur de la jungle, c’était sans compter sur l’invitation inopinée à la fête d’une belle brochette de malfrats sans scrupules.