Les Griffins, American Dad!, The Cleveland Show… Derrière ces séries animées injustement qualifiées par certains de plagiats des célèbres Simpsons (ou de plagiats de plagiats), se cache la remarquable patte de Seth MacFarlane, un homme plein d’imagination et d’humour, qui aime beaucoup rire de tout et de n’importe quoi de la manière la plus directe possible. Un humour particulièrement incisif, parfois gratuit, mais totalement assumé, qui lui ont apporté une grande notoriété au point qu’aujourd’hui, il passe de son univers de prédilection, le petit écran, aux vastes projecteurs des salles de cinéma, avec tout un nouveau public à convaincre. Voilà qu’arrive donc, en ce début d’automne dans nos humides contrées, son premier film, sobrement nommé Ted. Notez que « sobrement » ne sera utilisé que deux fois dans cet article, à savoir dans le présent paragraphe, le coup d’essai du réalisateur américain piétinant ce mot avec entrain et une grande vigueur, et ceci pour notre plus grand plaisir.
Du haut de ses huit petites années, John Bennett est un enfant qui a bien du mal à se faire des amis. Alors quand ses parents lui offrent comme cadeau de Noël un énorme ours en peluche, John est le garçon le plus heureux du monde, et considère d’emblée son jouet comme son véritable ami, et souhaite qu’il soit toujours à ses côtés. C’est alors que durant la nuit suivante un miracle de Noël se produit : Teddy, ou « Ted », prend vie! La véritable amitié prend véritablement place, et nous projette 25 ans plus tard. John et Ted sont adultes, toujours potes pour la vie, fans du film Flash Gordon et vivent encore ensemble, dans un petit appartement. L’homme (Mark Wahlberg) occupe ses journées avec un job miteux dans une société tout aussi ridicule, mais sort depuis maintenant quatre ans avec la belle Lori Collins (Mila Kunis), qui commence à trouver la présence de l’ours en peluche de plus en plus gênante. Ted, en effet, est légèrement alcoolique, carrément drogué, totalement irresponsable, et indiscutablement vulgaire. Pour John, il va falloir choisir. Continuer sa vie éphémère avec son meilleur ami ou débuter une nouvelle avec sa tendre moitié.
Vous imaginez bien qu’avec ce génie qu’est Seth MacFarlane aux commandes, ce qui durant cinq lignes semblait être un mignon conte de fées va rapidement se transformer en une comédie trash et aucunement pas prude. A l’écran, deux minutes suffisent pour s’en apercevoir, surtout quand la voix du narrateur (Patrick Stewart en VO!) commence à dévier sur des propos grinçants. Globalement nous avons à faire ici à un scénario fort simple, avec une morale vite cernée qui sert plus de base à pétrir l’humour qu’à nous faire prendre conscience que la vie d’adulte c’est pas facile. Ça on le sait déjà, c’est pour ça que l’on va parfois au cinéma pour voir des films poilants. Et on peut dire qu’on est servit. La base fondatrice de cette humour c’est évidemment Ted, ours en peluche vivant qui s’amuse à bousculer sauvagement l’image du jouet mignon que nous avons toujours eu en tête: véritable bombe à retardement de répliques grinçantes gavées d’humour noir et parfois bien bien gras à vous provoquer des « rrooooooohh » coupables chez le spectateur suivis de rires bien sentis et communicatifs. A peu prêt tous les domaines de notre société en prennent pour leur grade, que cela soit les stars, les religions, l’humanité en général… Agrémenté de la spécialité du réalisateur, à savoir les situations anodines qui dégénèrent en véritables cataclysmes grâce à un comique de répétition aiguisé, et surtout les références à de nombreux films et autres personnes cultes (Top Gun, Star Wars, Indiana Jones…) qui constituent un véritable régal à découvrir, même si certaines ne sont pas toujours faciles à déceler pour le visionneur français, il est vrai. Film « réel » aidant, nous avons également le droit à d’insoupçonnables cameos, entre acteurs qui passaient par là et une chanteuse qui donne sa petite réplique avec bon cœur. Mais rien ne sera relevé ici, vous vous en doutez. Qu’on se le dise, l’amateur d’au moins une des trois séries citées au le début de l’article retrouvera avec plaisir cette combinaison explosive qui génère parmi nous de l’endorphine, tandis qu’elle entrainera l’incompréhension des autres. Car oui, si vous ne trouvez aucune de ces séries drôles (pour X ou Y raisons tout à fait valables), il y a vraiment très peu de chances que vous accrochiez à Ted.
Toutes admirables considérations vis à vis du géniteur d’American Dad!, une des séries préférées de votre serviteur, il faut bien avouer que Ted souffre de quelques problèmes facilement décelables et plus ou moins pardonnables par le cinéphile du dimanche que je me considère. On remarque que visiblement que Monsieur MacFarlane a appliqué la même recette que sur un épisode d’une de ses créations télévisées. Une histoire fort simple mais très prévisible, excellent prétexte pour nous arroser de gags excellemment écrits mais qui ne couvrent malheureusement pas toutes les parties du film. En résulte quelques longueurs, où l’on attend avec plus ou moins de patience la prochaine livraison d’extravagances du duo John et Ted, et où l’on doit se coltiner à la place un simili speech à l’eau de rose. Le mieux aurait été de parodier cette partie là, tant qu’à faire. Il y a également par si par là quelques incohérences dans l’avancée et les connexions vis à vis du scénario, mais allez, on chipote. Pour le reste, il s’agit d’une comédie bien hollywoodienne, avec une photographie quelconque. Mais autant rendre à César ce qui est à César: les acteurs jouent superbement bien, se sont apparemment bien éclatés, et le rendu 3D de Ted et sa présence à l’écran est véritablement crédible, presque vraie.
Pour son premier essai sur grand écran, Seth MacFarlane applique son savoir faire acquis dans ses propres séries pour nous pondre au final Ted, une comédie délicieusement grinçante (et grasse, allez) et richement bien écrite dans ses innombrables gags, références, et ses excellentes répliques, à savourer de préférence en VO. Si d’un point de vie scénaristique on ne retiendra qu’une histoire d’amour et d’amitié simplette (bizarrement trop mise en avant dans les bandes-annonces), qui n’est finalement qu’un prétexte au rire, mais qui souffre de quelques vides, on ressort de la salle avec une banane et une pêche comme rarement les films du moment nous offrent. A milles lieux des teen-movies sans saveur et de ces espèces de machins « malgré lui » où l’on nous fiche une star musclée dans un métier où il sera ridicule mais pas drôle, Ted est incontestablement une des meilleurs comédies de cette année, et une belle entrée d’un réalisateur qui sait vraiment nous faire rire, et qui doit le faire plus souvent.