Dans son envie de saborder l’enfance de millions de joueurs, Infogrames, après s’être s’immiscé dans le paysage gaulois d’Asterix, porte son dévolu sur la licence Tintin. Très en vogue dans les années 90 au travers, certes, des bandes dessinées mais surtout de la série animée, elle est logiquement apparue dans les consoles de nos petites têtes blondes. Pas de bol, le Infogrames de l’époque n’apprécie pas les enfants et Tintin au Tibet, sous son manteau d’adaptation grand public, cache un corps bien vicelard…
En vacances, Tintin fait un rêve étrange dans lequel son ami Tchang, rencontré au cours de l’histoire du Lotus Bleu, l’appelle à l’aide en pleine montagne, visiblement blessé. Pendant ce temps, à la télévision, se tient le récit d’un crash aérien survenu dans les montagnes du Népal. Le lendemain matin, une lettre dudit Tchang arrive, lui indiquant qu’il prend l’action depuis HongKong pour aller voir sa famille d’accueil et son oncle à Katmandou… au Népal. Tintin a la confirmation au travers d’un journal local que Tchang était bien dans l’avion qui s’est écrasé. Bien qu’aucun survivant n’ait été retrouvé, notre reporter est intimement persuadé que son ami est vivant. N’écoutant que son courage – et son inconscience, nous sommes d’accord – il prend la direction du Népal pour le retrouver.
Qui ne connaît pas cette histoire ? En revanche, ce que vous ne savez peut-être pas est que de l’hôtel où il passe ses vacances à la grotte finale du Yéti, tous les éléments de la vie attenteront à celle de Tintin. L’aventure reprend fidèlement les étapes de la BD, en y ajoutant davantage de dangers pour les besoins du jeu. Celui-ci se présente comme un classique titre de plateforme 16 bits, à savoir présenté au travers d’un scrolling horizontal. Tout débute par un flashback dans lequel Tintin sauve Tchang. La narration enchaîne ensuite dans le fameux hôtel où résident Tintin et Le Capitaine Haddock. L’occasion pour vous de vous initier à l’esprit tordu des développeurs. Ici, l’objectif de Tintin, peu clair, est de récupérer les informations sur le crash aérien du Népal, tout en évitant les serveurs, les chiens, les balles, les enfants, … bref, tout ce qui bouge. Au moindre toucher avec le monde extérieur, Tintin clignote indiquant la perte d’un point de vie, à la quatrième touche, vous perdez un crédit. Au bout de trois crédits, « Vous avez échoué ». Clair, net et précis. Malheureusement, cette logique est également réclamée en cours de jeu. Autrement dit rigueur et sens du doigté sont requis pour espérer ne serait-ce que finir les quatorze niveaux. En effet, seuls les professionnels du pad ne se tireront pas une balle en se rendant compte que les sauts sont la plupart du temps millimétrés, tandis que certains dangers imprévisibles, induisant une logique de Die and Retry pas forcément au goût de tout le monde.
« ATTENTION Chez certaines personnes, l’utilisation de ce jeu nécessite des précautions d’emploi particulières qui sont détaillées dans la notice ci-jointe »
Non : rien ne nous avait préparé à cela, pas même la notice. Il faut même bien comprendre que Tintin au Tibet est un jeu qui ne vous aime pas. Si les niveaux de plate-forme dits classiques ne seront pas des plus accueillants, ils se font tenir la dragée haute par ceux vous demandant de dévaler une pente à toute vitesse ou les traversées de ruisseaux. Plus originaux, ils font intervenir des obstacles nécessitant plusieurs tentatives avant de pouvoir les esquiver proprement. Et si l’idée de réfléchir à la meilleure solution pourrait vous passer par la tête, sachez que chaque niveau est chronométré : pas question de dépasser dix minutes pour arriver jusqu’à Milou, la ligne d’arrivée made in Moulinsart. Tout ceci combiné aux points de vie et crédits limités fait que le public visé, à savoir les jeunes fans de Tintin, peuvent être amenés à s’encorder très vite, et c’est sans compter sur l’aberrant système de sauvegarde à base de mot de passe : 14 niveaux, 3 mots de passe, renvoyant vers les paliers 4, 8 et 12. Le game over à un niveau intermédiaire nécessite de retenter l’aventure au palier précédent.
Pourtant, Tintin au Tibet disposait d’une plastique quasiment irréprochable, extrêmement proche du dessin original. Chaque niveau est entrecoupé de reproductions de vignettes issues de la BD, rappelant que le fil de l’histoire est conservé. Les bruitages, sans être horribles, sont corrects ; bien que les musiques, elles, aient été réalisées dans la même logique que le game design… A des années lumière de celles de la version Game Boy Color, un comble. La possibilité de les enlever dans les options ne trompe pas. Même quand il s’agit de lister les points positifs, les négatifs prennent le pas. Seuls les souvenirs de la plate-forme de la même couleur que le fond, le précipice dans lequel il est obligatoire de tomber la première fois, le piège que l’on évite désormais par cœur qui décide un jour de se déclencher avec un temps de retard, la manette qui glisse quand il ne faut pas, le chemin qu’il faut parfois deviner au prix de nombreuses vies gâchées, … Tintin au Tibet possède son lot de moments cultes, tels celui de la Tempête ou de la grotte du Yéti.
Le fan est donc heureux de retrouver son univers mais une fois la manette en main, le constat est plus amer. Difficile, laborieux, sadique, vicelard, Tintin au Tibet est en quelque sorte le jeu que l’on conseille délicieusement aux personnes antipathiques. Un stock de manettes Megadrive est requis pour espérer découvrir le – rachitique et limite foutage de gueule – générique de fin. La nostalgie l’emportera peut-être aux yeux de certains – les yeux d’enfants sont souvent plus conciliants, les miens les premiers – mais ne nous y trompons pas, Tintin au Tibet est un jeu de plate-forme très moyen. Il a juste eu la chance de présenter la bonne licence, sur la bonne console au bon moment…