Certains se souviennent de Paper Boy, ce jeu à la difficulté d’un autre âge où l’on contrôlait un charmant bambin prêt à affronter vents, marrées, voisins inconscients et caniveaux vicieux pour livrer à vélo une précieuse feuille de choux à des abonnés ingrats et toujours insatisfaits. Le temps passe mais comme le yoyo ou les boomerangs, les concepts reviennent toujours, notamment chez New Level Software, humble développeur qui s’est dit que le deux roues n’avait pas été assez souvent dans un jeu-vidéo, notamment si le conducteur a un job pas toujours facile impliquant l’usage dudit véhicule.
Mais pas question pour le studio de nous élaborer un scénario alambiqué digne des plus grands jeux de rôles. Dans Courier Crisis, on n’incarne pas un fonctionnaire des postes comme pourrait le laisser suggérer le titre, mais un simple coursier, jeune, fier avec son casque et ses lunettes de soleil, et surtout prêt, de son chariot de feu, à faire chauffer le bitume… Pour le compte d’un sombre crétin tyrannique qui n’arrête pas de nous insulter et mal nous payer. Un patron restant un patron, il faut bien bosser dans les conditions qu’il a décidé pour que votre salaire tombe, sinon c’est la porte. Direct et sans appel. Alors enfourchons notre vélo et bougeons nous les fesses! Le concept du jeu est fort simple, et rappellera sous doute pour beaucoup le mythique Crazy Taxi, sorti un peu plus tard en arcade et sur Dreamcast. On est lâché en pleine ville, avec pour but premier d’aller chercher un pli, détenu par un “client” très visible de par son costume trois pièce, agitant frénétiquement son bras en l’air et poussant des gémissements pour indiquer sa position. Une fois le document récupéré, il faut se rendre vers le destinataire, généralement caché un bon pâté de maisons et pris des mêmes spasmes musculaires et sonores. Selon le temps que l’on mettra à effectuer la course, la paie ne sera pas la même, et parfois le chronomètre sera plus ou moins atteint d’une folie meurtrière, demandant à ne pas flâner pour regarder le paysage. Pour boucler un niveau, il faut livrer entre trois et six paquets, et si par mégarde le temps imparti est dépassé durant la livraison de l’un d’entre eux, la sentence est irrévocable : VOUS ÊTES VIRÉ !
Bien évidemment, toute course chronométrée mérite bien son petit lot d’obstacles visant à nous ralentir, voir nous faire crever: poubelles, arbres, murs, voitures et bus aux conduites dangereuses et insoupçonnées, chiens enragés, piétons… Car oui, absolument tout, je dis bien absolument le monde dans le jeu a passé une journée pourrie, du business man à la grand mère en passant par le gamin en skateboard. Et ils vont sûrement pas se gêner pour se venger sur notre pauvre coursier qui a décidément un boulot des plus ingrats. Heureusement ce dernier peut se défendre efficacement en donnant mandales ou coups de pieds, mais aussi, et c’est souvent très drôle, en leur roulant dessus. On pourra également réaliser quelques tricks propres au vélo afin de regagner de la vie, obtenir un boost de vitesse ou encore ajouter quelques secondes au temps restant… Mais garde à la chute et aux bris de testicules.
On se retrouve en présence d’un gameplay plutôt rigolo, qui demande pas mal d’attention et de réflexes quand on sait que le développeur a pensé à scripter certaines situations (comme le classique coup de la voiture qui se pointe par surprise à un carrefour) ou à positionner stratégiquement des objets pour pousser le joueur naïf à se viander d’une manière souvent hilarante vu l’absence d’un réel moteur physique. Après, il faut bien avouer que malgré la variation des niveaux – non illustrée ici – par des quartiers aux thèmes et topographies différents, on fait relativement la même chose, avec une difficulté fluctuante mais pas insurmontable, et ceci pour une petite poignée d’heures. Les plus indulgents seront pas mal comblés, mais ceux qui cherchent de la profondeur seront rapidement déçus. L’aspect monétaire, mis en avant lors des missions, n’apporte finalement pas un objectif concluant, car si il sert à acheter de nouvelles bécanes qui permettent de tracer un peu plus vite (voir trop vite), obtenir ses dernières n’est pas vraiment un challenge en soit.
De plus, comme beaucoup de jeux Playstation aujourd’hui, Courier Crisis est un jeu qui a bien mal vieilli, aussi bien quand on le regarde que quand on tapote frénétiquement ses boutons. Manette en main, on constate rapidement que le contrôle de notre cycliste n’est guère aisé, voir particulièrement raide, ce qui n’est pas très dérangeant quand joue à un simulateur de tank, mais à vélo, on a besoin d’une certaine précision et surtout que ça tourne, et la présence d’une touche casse gueule permettant de déraper n’aide pas spécialement. Une maniabilité pas terrible qui ne sera tout de même pas de trop pour affronter la bouillie de pixels qui s’affiche à l’écran: en plus de proposer des textures baveuses, un aliasing abusif et un filtrage défaillant (i.e. on voit rien de précis à trois mètres), le jeu est souvent victime de ralentissements assez perturbants. Mais la version Playstation n’a pas à rougir face à la mouture Saturn, absolument immonde.