Boudé durant quelques années par l’industrie vidéoludique, le point’n’click est revenu peu à peu sur le devant de la scène grâce à l’arrivée des Nintendo DS et Wii, plus propices à accueillir le genre avec leurs technologies respectives qu’un support utilisant la classique manette, mais également sur PC, de par l’effort indiscutable de jeunes développeurs indépendants, bourrés de talent et suivis par une solide communauté de joueurs. Cette dernière surveille depuis un moment le travail de Joshua Nuernberger, étudiant de son état et un des gagnants de l’édition 2010 de l’Independent Gaming Festival avec Gemini Rue, projet qu’il développe depuis maintenant 3 ans et qui connaît enfin une sortie commerciale. Une longue gestation pour le meilleur et surtout le meilleur.
Azriel Odin est un ex-assassin aujourd’hui reconverti dans la police. A la recherche de son frère disparu, son enquête le mène dans la ville de Pittsburgh sur Barracus, une planète d’un lointain système solaire où une pluie battante ne cesse de tomber, et où règnent les Boryokudans, la mafia locale dont la réputation de tueurs et de dealers de drogue n’est pas à discuter, sous peine d’être liquidé froidement, que l’on soit civil ou flic. C’est pourtant avec eux qu’Azriel devra se frotter si il veut un jour retrouver son frangin. En parallèle, quelque part dans l’univers, Delta-Six se réveille dans un étrange établissement, sans aucun souvenir de sa vie passée. L’homme ne tardera pas à connaître sa situation par la voix de celui qui se fait appeler le « Directeur », ainsi que par plusieurs compagnons, eux aussi emprisonnés dans ce lieu aseptisé. Le destin des deux héros ont bien quelque chose de liés et cela au joueur de tirer cette intrigue au clair. Une intrigue remarquablement écrite et maîtrisée jusqu’à l’estomaquant final, qui mêle adroitement science-fiction et roman noir, avec une mise en scène très percutante. Si le rapprochement avec Blade Runner est tentant et justifié, le scénario de Gemini Rue se détache largement de toute référence littéraire et cinématographique. Les personnages et les dialogues sont particulièrement travaillés et on notera le soin apporté au doublage vocal de l’intégralité des textes, animé par un casting varié et impliqué.
A l’écran, le jeu utilise un moteur graphique rappelant sans contexte les vieux point’n’click de LucasArts, vêtus de jolis et gros pixels comme on les aime. Dès les premières images, on s’aperçoit du travail d’orfèvre réalisé par Joshua Nuernberger pour la conception des décors et des personnages qui fourmillent de détails et d’animations. Un soin qui s’entend également via l’importante banque sonore utilisée ainsi que par les superbes compositions signées par Nathan Allen Pinard: spatiales, souvent orchestrales et noires, elles participent magnifiquement à l’ambiance envoûtante du jeu.
Niveau gameplay, Gemini Rue adopte la traditionnelle base des point’n’click, avec quelques séquences de jeux plus axées action. On se retrouve donc avec une petite interface d’icônes qui apparaîtra lors d’un clic gauche sur un élément du décor. Les actions possibles sont représentées par différentes parties du corps : yeux, mains, bouche et pieds. Au joueur de se creuser la tête pour les utiliser à bon escient et d’être attentif au moindre pixel suspect présent à l’écran. Le clic opposé servira à déplacer son personnage et à renouveler la dernière action réalisée via un double-clic. En plus de l’éternel inventaire, le joueur aura accès au communicator d’Azriel, un smartphone du futur qui, outre sa fonction de téléphone, se chargera de noter automatiquement toute information vitale provenant de sources diverses, avec la possibilité de faire glisser des mots clefs lors d’une recherche sur un des terminaux disséminés dans Pittsburgh, riches en renseignements nécessaires à la progression et sur le background du jeu. Globalement, les énigmes sont bien pensées et logiques. Il sera parfois nécessaire de s’acharner pour les résoudre, le jeu n’était pas toujours simple et n’offrant absolument aucun indice ou aide particulière. L’autre aspect du gameplay implique l’utilisation de son clavier, soit pour déplacer des caisses de gauche à droite et grimper dessus, soit pour de bien plus palpitantes séquences de tirs emmenées par l’histoire: automatiquement mis à couvert, on contrôle la position de tir du héros à l’aide des touches Z, Q, S et D (attention à la configuration du clavier), selon les situations. Espace, R, et CTRL servent respectivement à tirer, recharger et se concentrer pour réaliser un fatal tir à la tête (en pressant au bon moment la touche lors du remplissage d’une petite barre). En face, les assaillants n’hésiteront à balancer de bonnes rincées de balles qui feront souvent mouche si le joueur n’est pas à couvert. Mis à part un soucis ergonomique lors des phases d’exploration – être obligé de survoler un objet du décor pour pouvoir accéder à son inventaire – et le petit temps d’adaptation que demande les phases de tirs, il n’y rien à reprocher à au titre sur le plan du gameplay, qui reste finalement fidèle à ses racines, tout en proposant des scènes d’actions pas désagréables.