Xenoblade X

xenoblade_x_wiiu_cover[dropcaps style=’2′]Xenoblade (Xenoblade Chronicles chez nous) est arrivé en parfait outsider sur Wii, fruit de Monolith Software dont la notoriété s’arrêtait jusque-là aux frontières de l’Europe, aux connaisseurs près. Il avait su rallier la passion du scénario de Tetsuya Takahashi et la démesure des RPG occidentaux de ces dernières années, avec un rythme étonnamment bon et un univers enchanteur. Rappelez-vous notre semaine spéciale. La Nintendo Wii U, cette console Nintendo mal aimée : tout est parti d’une mauvaise communication et d’une idée pas forcément révolutionnaire, ou du moins qui s’est faite rattrapée par la concurrence à vitesse grand V. En cela, Xenoblade X ne peut renier ses origines.

Oubliez de suite Xenoblade premier du nom : Xenoblade X n’a rien à voir. Leurs personnages et univers n’ont aucun lien. Leurs histoires sont parfaitement déconnectées. Celle de Xenoblade X n’est même pas au coeur du jeu. Et c’est en cela que l’influence de cette génération Wii U a bel et bien touché le développement du jeu. Prévu pour être une suite spirituelle, en conservant l’intégralité de ce qui avait fait la renommée du premier, Xenoblade X a basculé quand Nintendo a voulu en faire son jeu vitrine et montrer à tous que sa console de salon savait faire des open world à l’occidental. Ainsi, les amis du marketing omettent de préciser dans leurs présentations et communications que le focus n’est plus sur le scénario – en grande partie réécrit en cours de route – mais sur le gameplay, et vous obtenez des joueurs potentiellement déçus du résultat. Pour apprécier Xenoblade X à sa juste valeur, il est nécessaire de faire abstraction de toute attente. Au revoir scénario prenant, réflexions métaphysiques et personnages charismatiques. Toute l’histoire n’est ici qu’un prétexte à l’aventure. [/dropcaps]

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La Terre n’existe déjà plus et le reste de l’humanité est concentrée dans des vaisseaux spatiaux, dont certains transportant littéralement des villes reconstituées, protégées par des dômes. Le jeu s’ouvre sur la sévère déroute de la flotte spatiale humaine face à des extraterrestres visiblement bien mieux armés. Un des vaisseaux-mères se disloque et laisse s’échapper la portion contenant New Los Angeles. Celle-ci s’écrase sur la planète Mira. Quelque temps après cet atterrissage forcé, Elma, l’une des chefs des Blades – organisation para-militaire chargée de la gouvernance de New Los Angeles et de sa protection – retrouve la capsule de survie de l’avatar, celui que nous incarnerons tout au long du jeu. Assez simple, le scénario se peuple au fur et à mesure des discussions dans New Los Angeles, et des quêtes annexes. Il faut attendre le cinquième chapitre du jeu pour découvrir enfin un premier rebondissement et seuls les quatre derniers sur douze sont réellement consistants. En somme, nous ne jouons pas à Xenoblade X pour son scénario. La construction est d’ailleurs plutôt étrange, en difficulté dès qu’il s’agit de donner de l’importance à l’avatar puisque très vite la main revient à Elma, véritable héroïne, avec la jeune Lyn, mais plutôt à l’aise dès qu’il s’agit de nous envoyer parcourir le globe.

xenoblade_x_wiiu_018Les premiers pas dans Xenoblade X sont perturbants : New Los Angeles n’est pas la ville la plus accueillante que le monde du RPG nous ait offert. Tout de béton vêtue, elle est même plutôt laide, avec un clipping étonnamment important. L’occasion de découvrir que les PNJ sont encore moins travaillés que les membres de l’équipe. A moins que cette hard-fantasy soit parfaitement voulue. La ville paraît suffisamment grande pour s’y perdre – cent heures plus tard, elle paraitra plus que limitée. Mais tout cela, c’est avant de mettre le nez dehors, après les frontières de la ville et ainsi découvrir les plaines sauvages, premier continent de Xenoblade X. xenoblade_x_wiiu_017Paysages à perte de vue, nombreux animaux vaquant à leurs activités, liberté totale de mouvements, nous touchons ici du doigt tout le potentiel du jeu. Xenoblade X mise tout sur la découverte et l’exploration. Se perdre n’a jamais été aussi grisant. De toute façon, le jeu, tout aussi généreux que son aîné, aime récompenser les curieux, par des trésors par exemple, ou des puits de Miranium (nous y reviendrons). Les monstres de bas niveaux cotoient les brutes avoisinant le niveau 90. Ce plaisir de découverte rappelle inévitablement l’arrivée sur Pulse de Final Fantasy XIII, à la différence que les limites du territoire ne se font sentir qu’après des dizaines et des dizaines d’heures de jeu. Monolith Software sachant pertinemment où est placé l’intérêt a rendu son jeu suffisamment intelligent pour nous obliger à découvrir un minimum l’univers. Les Story quests, à déclencher depuis le QG des Blade, ne peuvent être amorcées que sous certaines conditions, la plupart du temps il s’agit de réaliser une ou plusieurs Kizuna Quests et d’atteindre un certain pourcentage d’exploration d’un continent donné. Le jeu connait ses points forts et s’assure, à raison, que le joueur ne passe pas à côté.

xenoblade_x_wiiu_015Les Kizuna Quests sont en effet toujours présentes et sont bien plus importantes que par le passé. Pour rappel, ces missions annexes permettent de consolider les liens entre les personnages de son équipe mais aussi avec des PNJ. Parfaitement annexes, elles n’apportaient pas forcément grand chose à l’histoire de Xenoblade. Dans X, elles permettent d’approfondir (légèrement) la psychologie et le passé des membres de l’équipe, de débloquer de nouveaux personnages, ou équipements et de créer de meilleurs liens entre les personnages, PNJ ou non, l’intérêt de nouer des liens solides avec les protagonistes est de les rendre plus (ré-)actifs en combat. Le désintérêt pour les immondes personnages secondaires risquant de freiner l’accomplissement de ces quêtes est heureusement contrebalancé par le plaisir d’arpenter le monde du jeu. Très vite, ces quêtes, tout comme les Normal quests – données par les PNJ – et les Simple Quests – à récupérer au comptoir des quêtes – ne sont plus que des prétextes pour repartir gambader dans les plaines sauvages ou l’aride désert. Même si aucun des lieux n’est vraiment hospitalier. Les cinq continents, en plus de disposer de leurs propres faune et flore disposent de conditions climatiques qui ne facilitent pas du tout la progression. Pour exemple : les éclairs du monde aride retirant de la vie ou l’épais brouillard (euphémisme) du continent des arbres blancs bloquant toute visibilité. Monolith a semble-t-il tenu à offrir à Xenoblade X un univers parfaitement original.

xenoblade_x_wiiu_003Pour lutter face à la faune particulièrement vivace, chaque personnage peut être équipé de la tête aux pieds, son apparence pouvant alors être totalement bouleversée, et les développeurs se sont réellement lâchés, avec des costumes pour tous les goûts, mais attention aux statistiques. Un personnage beau ne rime pas forcément avec un personnage fort, l’inverse étant vrai, aussi. L’avatar peut de plus se spécialiser dans une classe, conditionnant les bonus alloués (plutôt grosse barre de vie ou force de frappe accrue), des techniques différentes et des skills exclusifs, ainsi que deux armes propres. Les techniques, nommées Arts, comme dans le premier, constituent les attaques en cours de combat. Elles se débloquent au fur et à mesure que le niveau de la classe augmente, au maximum 10. Atteindre le niveau 10 permet de rendre certains arts et équipements utilisables dans d’autres classes. Les arts et les skills – au nombre déterminé par la classe et octroyant des bonus significatifs – peuvent également remporter de l’expérience grâce aux Battle Points, à répartir à sa guise, et monter en niveau, maximum 4. En parallèle, les héros gagnent aussi de l’expérience, classique, afin d’augmenter leur Inner Level. Bref, presque tout peut devenir plus puissant. Le système est complet plus que complexe. Mais il faut bien cela pour se préparer au combat.

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Les combats reprennent le système de Xenoblade, avec uniquement l’avatar de jouable, les autres sont contrôlés par l’IA. Une fois le combat enclenché – sans réelle transition – l’avatar frappe automatiquement, avec un certain laps de temps entre chaque coup. Il est possible de switcher entre frappe (arme de poing) ou tir (flingue) par une simple pression. Les arts à appeler sont affichés, les utiliser les rend inaccessibles pendant un temps donné. Certains consomment même des Tension Points, dont la jauge grimpe au fil des coups portés. A partir de 3000 TP emmagasinés, il est possible de ressusciter un allié ou de faire appel à l’overdrive : les arts se rechargent à vitesse grand V et il est ainsi possible d’enchainer l’ennemi, occasionnant un max de dégâts. Pratique. Nos alliés continuent de crier pendant tout le combat mais désormais, ceci est utile. Ils crient, nous remplissons les conditions requises, un QTE apparaît. Si réussi, nous voilà avec notre attaque boostée ou nos points de vie remontés. Indispensable en fin de partie face aux boss les plus redoutables.

xenoblade_x_wiiu_004Du côté des Dolls, le principe est similaire sauf que les arts sont conditionnés par l’équipement du robot. Les Dolls ont leur niveau vérouillé et ne gagnent pas d’expérience. Ainsi, pour espérer progresser dans les derniers territoires, il est préconisé d’investir dans de meilleurs robots, au prix d’ailleurs étonnamment élevé. Les robots disposent eux aussi d’un système d’overclocking, attention alors aux monstrueux dégâts qu’ils peuvent alors réaliser. Chaque seconde coûte du fioul, alors attention à ne pas tomber en panne sous peine de ne plus pouvoir frapper. Si vos robots tombent, leur assurance s’occupe de les restaurer lors de notre passage au QG des Blade, jusqu’à un certain point, où il s’agit alors de payer des sommes toujours aussi pharaoniques pour les réparer. Les Dolls n’interviennent que tardivement dans le jeu (plus de trente heures de jeu), et Monolith Software a fait en sorte qu’ils soient perçus comme une récompense par le joueur, un bien à préserver et à chouchouter. Le premier robot ne pourra même pas voler : l’obtention du module de vol ne se fait qu’encore plus tard, comme pour respecter la tradition terre/mer/air des RPG japonais, vers la soixantaine d’heures. Le nombre de quêtes, proprement hallucinant, repousse sans cesse la conclusion, qui, de toute façon, laisse le joueur gambader en post game. Il faut dire que l’aventure est tellement riche qu’il aurait été dommage de ne pas pouvoir continuer à scorer.

xenoblade_x_wiiu_012Et pendant tout ce temps, il est indispensable de se connecter à une Squad. A chaque chargement d’un partie – une seule sauvegarde – il nous est demandé de choisir un type de Squad (des joueurs plutôt intéressés par le solo, ou par le multi). En jeu, soit nous restons concentrés sur notre partie soit nous pouvons participer aux quêtes de l’équipe. Entendons-nous bien : nous ne voyons jamais les autres joueurs, il ne s’agit que d’objectifs communs. Depuis le QG des Blade, il est possible de participer à des quêtes consistant à affronter un monstre donné, dans une arène, uniquement avec son avatar, en, enfin, potentiellement, d’autres joueurs. Le jeu en ligne octroie des tickets à échanger, toujours au QG des Blades, contre des matériaux. La précision n’ayant pas été faite précédemment : Xenoblade X n’est pas un univers persistant. Par conséquent, le monde n’évolue absolument pas en votre absence. Parfaitement anecdotique, le jeu en ligne peut tout à fait être laissé de côté. Il ne s’impose jamais au joueurs solo, et heureusement. Mais à côté de cela, nous sommes en droit de nous demander pourquoi avoir forcé son intégration pour finalement le rendre aussi facultatif, comme une feature dictée par un éditeur aux antipodes des envies du studio… A noter qu’une fois connecté, il est possible de récupérer l’avatar d’autres joueurs dans son équipe, de scouter, si notre équipe est insuffisamment forte. De même, notre avatar est laissé à la disposition d’autres joueurs, de manière automatique.

xenoblade_x_wiiu_008Aborder le QG des Blades (Blade Home dans le jeu) nous rappelle à quel point Xenoblade X mise énormément sur le détail : il y a énormément de choses à faire. Et ce QG en est l’une des représentations. Loin d’être d’un simple havre de paix, il regroupe d’importantes Kizuna Quests, permet de lancer les Story Quests, contient l’accès à des quêtes Online et permet la customisation des dolls – puisqu’il en est le hangar – de l’équipement aux couleurs de chaque élément. Il est également possible de modifier l’intérieur des locaux – la couleur des murs de chaque pièce et l’éclairage – d’avancer le temps et de disposer d’une galerie d’hologrammes. Parfaitement inutiles et débloquables au fur et à mesure, ces derniers permettent juste d’afficher les jolis modèles 3D du jeu, ou les excentricités des développeurs. Le niveau de détails se retrouve aussi dans l’utilisation particulièrement intelligente de la mablette. Elle offre une interface étonnamment claire au vu de la somme d’information : elle affiche la carte. Sur celle-ci, cohabitent les puits de forage, les quêtes réussies, les téléporteurs ou encore les camps humains. Les puits de forage de Miranium permettent de récupérer non seulement ce prévieux matériau mais aussi de l’argent. Y placer des sondes, en plus de “découvrir” la carte tout autour du puits (celle-ci étant entièrement noire au démarrage), alloue ainsi un salaire nécessaire pour acheter armes, armures et dolls. Le Miranium permet quant à lui d’améliorer l’équipement et les boutiques (en finançant les fournisseurs de New Los Angeles). Intervient alors un jeu dans le jeu quant à savoir comment positionner au mieux les sondes. De différents types, elles peuvent entrer en résonnance et leur combinaison permet d’accroitre considérablement les résultats du forage. A ne surtout pas négliger en fin de partie, pour financer les derniers dolls. Moins heureuse, la gestion des menus est, quant à elle, plus austère que la mablette. Les premières heures sont perturbantes, mais l’habitude fait que n’importe qui s’en sortira très bien après quelques temps d’apprentissage forcés.

xenoblade_x_wiiu_009Vraiment, ce Xenoblade X ne s’adresse pas à tout le monde. Seuls les plus aventuriers et courageux découvriront réellement la puissance du titre de Monolith Software. Car il s’agit bien de ça : très peu de jeux – pour ne pas dire aucun à l’heure actuelle – n’offre de telles sensations. Voyager dans un monde hostile où l’échelle employée est tellement réaliste qu’elle en est effrayante – quand bien même le reste de l’univers ne l’est pas. Les trente premières heures ne laissent pas le choix : il faut crapahuter et courir longtemps pour arriver à destination. La téléportation n’est possible qu’à certains endroits et seulement si découverts au préalable. Avoir sans cesse les yeux rivés au ciel pour y voir des créatures parfois dix fois plus grosses que le héros voler et disparaître derrière une montagne. Courir dans une vallée et découvrir un nouveau continent à la végétation dense et qui change complètement la nuit venue. S’arrêter de longues minutes pour observer le paysage, et se rendre compte que l’écosystème vit sous nos yeux émerveillés. Ça, c’est Xenoblade X. Le jeu ne propose qui plus est pas un niveau de difficulté bien élevé, tout est une question de patience, et un peu de stratégie tout de même. Atteindre la centaine d’heures de jeu dès sa première partie n’est pas étonnant, bien au contraire, peut-être la soixantaine en ratant énormément de choses, et deux ou trois cents pour ceux qui voudraient vraiment tout explorer. Incroyable, mais Xenoblade X n’est pas irréprochable, loin de là même.

xenoblade_x_wiiu_007Son character design, à l’inverse complet de son level design, est sans folie et particulièrement froid. Les personnages sont pour la plupart inintéressants, ou du moins peu travaillés. La moitié de l’équipe est facultative, et les plus beaux personnages ne sont bien évidemment pas dans les héros imposés, à l’image de Selica (voir ci-contre). Pas plus de 4 personnages dans l’équipe : les autres se trouvent dans la ville, et non pas dans le Blade Home – ce qui aurait été bien plus pratique pour en changer. L’interface très “MMORPG” choque et, comme indiqué plus haut, les menus ne sont pas très accueillants. Tout cela n’est même pas compensé par le scénario, presque inexistant les deux tiers du jeu, pour s’accélérer lors des quatre derniers chapitres. Un scénario essentiellement à twists, en milieu de jeu et en fin, complètement en retrait. La fin laisse pourtant penser qu’il y avait un réel potentiel… Les amoureux d’histoires nourries peuvent donc passer leur chemin. A croire que Xenoblade X n’a rien d’un RPG Monolith Software. Ajoutons à cela une bande son très, très, hétérogène, où se cotoient superbes musiques épiques et rap immonde. Le compositeur de l’anime l’Attaque des Titans, Hiroyuki Sawano, a voulu situer ses compositions à mi-chemin entre les origines japonaises du jeu et l’univers américain qu’il décrit. Nous trouvons donc à boire et à manger. Une bande son assurémment en dessous de celle de Xenoblade, mais qui, dans le jeu, remplit plutôt bien son boulot, et c’est quand même ce qu’on lui demande. Enfin, dans la liste des points négatifs, se trouvent les innombrables quêtes annexes complètement débiles. Aller tuer tel monstre, retrouver les lunettes d’untel, collecter trois citrouilles, … Des quêtes annexes de MMORPG occidentaux, vues par des japonais en somme. Elles ne sont vite plus que des prétextes à l’exploration, d’où l’importance d’accrocher au concept.

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[section id= »conclusion » style= »border:1px solid white;padding:10px;overflow:auto;background-color:#00a0db;color:#FFFFFF; »]Xenoblade X est un ovni dans la ludothèque de Monolith Software. Avec Nintendo, ils ont pris l’un des éléments de game design qui avait le plus enthousiasmé les joueurs de Xenoblade pour le sublimer, au détriment de la trame scénaristique et des personnages. Ce parti pris ne plaira pas à tout le monde. Il a beau être devenu la vitrine technologique de la Nintendo Wii U, Xenoblade X ne s’adresse pas à tous les publics. Il vise ceux qui seront capables de faire abstraction de ces défauts pour se lancer dans une aventure hors du commun, leur faisant ressentir des émotions peu courantes dans le jeu vidéo. L’un des jeux les plus impressionnants de ces dernières années, rien que ça. Un voyage unique.[/section]