La semaine dernière, Nintendo a présenté un nouveau Nintendo Direct. Comme les précédents, il a permis à la firme de Kyoto de nous parler de son line-up à venir et de nous laisser entrevoir quelques stratégies. Car s’il semble évident que l’année 2016 est une période de transition en attendant la fameuse NX, qui attise à l’heure actuelle tous les fantasmes, il est intéressant de voir comment Big N tente de remplir son calendrier jusque là. Et là, il y a pas mal de choses à dire.
Premièrement, ce n’est une surprise pour personne, le planning de sorties de la WiiU est relativement vide. Les titres à venir sur la console de salon de Nintendo sont aisés à compter, et The Legend of Zelda, que presque tout le monde attend, a l’air d’être dorénavant voué à sortir également sur NX. On parle de surcroît d’un portage de Super Smash Bros. for WiiU sur la prochaine machine de Nintendo en definitive edition, ce qui ne reste qu’une rumeur en l’état, mais est une forte possibilité. Bref peu importe, on se doutait que la WiiU ne connaitrait pas une année faste, on va plutôt parler de ce qui cloche chez Big N. En l’occurrence, pour une société qui est loin d’être en position de force avec le bide de la WiiU, on pourrait s’attendre à ce qu’elle brosse les joueurs et sa communauté dans le sens du poil. Un peu à l’instar de Microsoft qui, étant parfaitement conscient d’être loin derrière un Sony impossible à rattraper, multiplie les nouvelles fonctions et mises à jour en faveur des joueurs (rétro-comptabilité, cross-buy à venir entre jeux Xbox One et Windows 10, une interface améliorée selon les retours des utilisateurs…) ainsi qu’une politique tarifaire agressive. Apparemment, il aurait été naïf de penser le même phénomène de la part de Nintendo.
Même s’il peut paraitre anecdotique, le dernier Nintendo Direct a été à mes yeux très symptomatique de la situation : Nintendo est en panne d’inspiration et ne trouve rien de mieux à faire que d’user ses licences jusqu’à la moelle, tout en démontrant un respect tout relatif envers sa clientèle. Si Nintendo a souvent été le refuge des joueurs pour éviter certaines pratiques abusives de la part des gros éditeurs, celles-ci sont maintenant banalisée par le constructeur nippon lui-même. Le remaster Hyrule Warriors Legends aura droit à son season pass, vous avez l’occasion d’acheter de plus en plus de jeux à des prix exorbitants sur l’eshop, ou encore des softs déclinés en deux ou trois versions, et le défilé des amiibos poursuit tranquillement sa route. En prime, ils se foutent ouvertement de nous en annonçant que les jeux Super Nintendo ne seront émulés que sur la New 3DS (car évidemment, la 3DS n’est sans doute pas assez puissante pour faire tourner ces jeux 16 bits !), le cross-buy pour ceux les possédant déjà sur WiiU n’existe pas, et les pauvres européens que nous sommes n’aurons par ailleurs droit qu’à leurs versions américaines. Une piètre façon d’essayer de donner de la valeur à une « nouvelle » console qui pour l’instant ne sert à rien à part tâter une sous-version de Xenoblade Chronicles.
L’arnaque a lieu aussi avec les remasters HD qui paraissent sur WiiU, et les deux The Legend of Zelda (The Wind Waker et Twilight Princess) sortent à des prix navigants entre 50€ et 60€ chacun, ce qui est clairement abusé pour ce genre de remaster (Ōkami HD : 20€ en digital à sa sortie, et pour l’équivalent de 30€ pour la version boite japonaise). Chez la concurrence, pour le même prix Sony nous ressort tous les Uncharted et Microsoft presque tous les Halo avec Halo : The Masterchief Collection (ce qui inclut donc un online réactualisé).
À part ça, on peut noter un habituel manque criant de variété et d’inventivité dans le line-up de Big N qui nous ressert encore et toujours les mêmes licences. En 2016, les joueurs 3DS pourront toucher à un nouveau Fire Emblem, un nouveau Kirby, un nouveau Mario & Sonic aux JO, un nouveau Monster Hunter, un nouveau portage de Dragon Quest… et même si ces jeux seront sans doute de bonne qualité (quoique, après Amiibo Festival ou le dernier Mario Tennis, on peut émettre des doutes quant à la fameuse qualité des produits made in Nintendo), pour ma part, je frôle l’overdose. J’ai l’impression de voir à peu près le même line-up chaque année. On passera outre Metroid Prime : Federation Force qui fait lever beaucoup de boucliers et dont les derniers extraits de gameplay, mous et moches, ne sont pas de bon augure. S’ajoute à cela une nouvelle génération de Pokémon, qui contentera à priori les fans avec une formule qui reste intacte depuis maintenant vingt longues années. Le pire dans tout ça c’est que Nintendo n’a de toute façon pas besoin de faire d’efforts en terme de diversité, puisque des titres comme Pokémon, Monster Hunter, Dragon Quest ou Yokai Watch se vendent comme des petits pains au pays du soleil levant. Vous allez me dire « c’est pas mieux chez les autres ». C’est faux. Combien de nouvelles licences annoncées ou aperçues au dernier E3 chez Microsoft et Sony (et même à la PGW pour ce dernier) ? Certes, ce ne sont pas forcément des jeux 1st party, mais beaucoup bénéficient du soutien financier des deux constructeurs. Pendant ce temps, Nintendo peine cruellement à se renouveler. Prions pour qu’il garde simplement au chaud ses véritables nouveaux jeux pour la NX… et qu’on évite une nouvelle vague d’interminables jeux estampillés Mario.
Alors certes, dans une période comme ça, difficile de tirer des plans sur la comète et il faudra peut-être revoir notre jugement en juin prochain avec la probable présentation de la NX. Peut-être que de nouvelles licences fortes seront au rendez-vous, que Nintendo renouera le lien avec les éditeurs-tiers de façon durable, etc… mais peut-être pas. Honnêtement, j’y crois de moins en moins. Nintendo me semble tellement à la ramasse… En tout cas, ils ne devraient pas oublier qu’ils doivent beaucoup à leur communauté. En ce moment, elle peut se sentir lésée…
Côté Xbox, la situation est un peu différente. En tant qu’utilisateur de Xbox One, je n’ai pas forcément énormément de « gros » reproches à faire : le client est plutôt bien traité, la firme de Redmond fait des efforts en ce sens, sans doute poussé par la domination de Sony. Le problème est ailleurs et l’avenir d’une console qui était pourtant prometteuse s’annonce très flou.
Cela ne vous aura pas échappé pour peu que vous suivez un minimum l’actualité du média qui nous intéresse ici. Ladite fusion entre Windows 10 et Xbox One s’accélère, et en soit, n’est une surprise pour personne puisqu’on l’a sentait venir depuis plus d’un an maintenant. Si les débuts furent balbutiants, et que la plateforme Windows Store reste perfectible, cela commence à prendre un peu de sens avec notamment du cross-buy à l’horizon. Même si tout n’est pas parfait et que les retours sur le portage de Gears of War : Ultimate Editiion, pourtant excellent sur One, s’avèrent être mitigés. L’allure à laquelle Microsoft entame presque une reconversion d’éditeur et non de constructeur a en revanche de quoi étonner. Des titres censés être exclusifs à sa console de salon ont été ainsi annoncés pour Windows 10. Et pas des moindres : Forza Motorsport 6, Quantum Break ou encore plus tard ReCore s’inviteront sur les PC des uns et des autres. Des rumeurs sur des titres tels que Gears of War 4 et Scalebound affluent également, sans omettre que bon nombre de titres étaient déjà prévus pour les deux supports à la base (Killer Instinct, Halo Wars 2…). Évidemment, personne ne croit à la communication laborieuse de Microsoft avec ses histoires de « best line-up in Xbox history ». Il suffit d’être né avant 2008 pour savoir que c’est faux (année de sortie de Banjo-Kazzoie : Nuts & Bolts, Fable 2, Gears of War 2, Ninja Gaiden II, Left 4 Dead, Tales of Vesperia, Lost Odyssey et The Last Remnant sur Xbox 360.)
Je vais le redire, mais pour mon cas, ça ne me change rien. Qu’un jeu sorte sur PC, peu m’importe du moment que je peux y jouer sur la console que j’ai acquise. Évidemment, cela ne me dérange pas parce qu’actuellement je n’ai pas un « PC de gamer » capable de faire tourner tous ces jeux. Mais que va dire quelqu’un de bien équipé, et qui avait initialement acheté une Xbox One justement pour ses licences phares et ses autres exclusivités potentielles ? Puisque tous les titres, qui seront développés comme des jeux Windows 10 (exploité maintenant par la Xbox One, donc), sortiront très probablement sur les deux supports ? Il lui restera à quoi à part Sunset Overdrive, Halo 5 : Guardians, Rare Replay, Halo : The Masterchief Collection qui, aussi bons soient ces jeux, ne justifient pas l’achat d’une console à eux seuls pour la plupart des joueurs ? Certes, Microsoft a bien compris que Sony était trop loin devant pour être rattrapé, mais cette politique laisse augurer un avenir assez nébuleux pour sa division Xbox. L’idée de la console à upgrades, c’est bien. Mais il ne faut pas oublier l’essentiel : ce qu’il reste d’une console à travers les générations, ce sont ses jeux et donc particulièrement ses exclusivités.
Car si la Xbox One continuera d’accueillir des centaines de jeux chaque année, elle n’aura pour autant aucun argument face à la Playstation 4 qui elle, n’aura pas à forcer en terme d’exclusivités pour rester devant la troisième Xbox. Cette politique est probablement profitable financièrement à Microsoft, mais les potentiels acheteurs de Xbox One vont se retrouver fortement réduits avec une telle stratégie. D’un autre côté, on se souviendra que la première Xbox avait vu aussi ses quelques console-sellers (Halo et Halo 2 bien sur, mais aussi Star Wars : Knights of the Old Republic et Fable) passer sur PC. Alors, l’excellente Xbox 360, qui restera sans doute comme étant la meilleure console de 7ème génération, n’était-elle finalement qu’une exception ? Il ne faut pas oublier que Microsoft avait les cartes en main pour relancer la machine avec cette génération, et qu’ils se sont mis une (grosse) balle dans le pied tous seuls en 2013. Et si trois ans après, certains seraient tentés de taper facilement sur Phil Spencer, on imagine aisément que la décision d’uniformiser Windows 10 et Xbox One (ainsi que tout ce qui implique Windows 10) provient d’au-dessus.
Si le patron de la division Xbox continue de marteler que « tous les jeux ne seront pas sur Windows 10 » et qu’il restera des pures exclusivités sur Xbox One, on commence à se demander de quels jeux il parle. Si les principales franchises Xbox sont portées sur Windows 10 et qu’il ne reste plus que des jeux moindres en exclusivité One (Crackdown peut-être, qui semble échapper aux rumeurs pour le moment ?), quel est l’intérêt ?
Et puis, face aux doutes de la communauté, Microsoft ne fait rien pour apaiser les ardeurs. On vient ainsi d’apprendre que Lionhead Studios, studio emblématique acquis en 2006, allait surement fermer ses portes – ce qui est déjà fait pour Press Play, pourtant talentueux studio à l’origine de Max : Curse of the Brotherhood. Fable Legends est annulé alors que le studio britannique travaillait dessus depuis presque quatre ans. Certes, les retours étaient mitigés et le jeu avait été déjà repoussé plusieurs fois. Mais quel intérêt d’annuler un jeu (free-to-play de surcroît) sur le point de sortir, et qui a surement coûté de l’argent à Microsoft ? Et puis la fermeture de Lionhead… Microsoft n’aurait pas pu les relancer sur autre chose qu’un énième Fable ? Le III était décevant, et les piètres essais qui ont suivi n’ont pas redoré le blason de la série imaginée par Peter Molyneux. Personnellement, je ne suis pas un grand fan de cette saga non plus, mais il ne faut pas omettre son potentiel, et surtout le fait qu’elle soit l’une des séries fortement attachées à la marque Xbox aux côtés de Halo, Forza Motorsport et Gears of War. Même si Microsoft a encore les droits sur la licence, pas sûr qu’on la revoit de sitôt… Le géant américain prétexte préférer se concentrer sur les jeux que les joueurs trouvent « excitants ». On verra ce que cela signifie. Cette décision survient de façon d’autant plus surprenante qu’il y a quelques jours, les deux studios parlaient encore joyeusement de leurs jeux sur les réseaux sociaux : Lionhead allait présenter Fable Legends à l’événement G Live ce 12 mars tandis que Press Play prévoyait de faire quelques sessions lives de gameplay pour Project Knoxville cette semaine. En attendant, il est difficile de dire dans quelle direction va la branche Xbox. Microsoft a une vision semble-t-il particulière d’une console de jeu qui est incompatible avec celle entretenue par les joueurs eux-même. Pour terminer, on ne parlera pas beaucoup d’Hololens car même si le concept est très intéressant (comme Kinect, en fait) il faudra plus qu’un Conker passé à la machine à laver pour persuader qui que ça soit que cet engin puisse avoir une réelle utilité ludique.
Peut-on encore être surpris par la Xbox ? Y a-t-il encore un réel intérêt à suivre son actualité ? Une fois que la transition vers Windows 10 sera réellement opérée et fiable, qu’est-ce qui pourra nous retenir sur cette console… Le confort ? Un mythe aujourd’hui avec les consoles de salon lourdes d’utilisation, bourrées de mises à jour, obligeant l’installation des jeux sur le disque dur, et avec des jeux favorisants de moins en moins le multi en local. Bref. On s’écarte de plus en plus de ce qui est attendu d’une pure console de salon. La Xbox One ne sera donc qu’un PC discount. Dommage.