[dropcaps style=’1′]On a tendance à plutôt se plaindre de la profusion de remakes et autres remasters dans le planning des sorties, mais il ne faut pas oublier qu’ils ont un but légitime, qui est de permettre à ceux qui n’étaient pas au rendez-vous de l’original de découvrir certains titres fondateurs. Quand on interroge Kenichirô Takaki, l’intérêt de Senran Kagura Burst Renewal est très clair : la popularité de la série a explosé dans le monde avec Senran Kagura Shinobi Versus sur PSVita. Par conséquent, énormément de joueurs n’ayant jamais touché aux versions 3DS ne connaissent pas la gènese de Senran Kagura.
Ce remake nous renvoie donc au tout début de la série, quand il n’y avait encore que deux écoles rivales, Hanzô et Hebijo. L’histoire se situe dans le monde contemporain, et ces deux établissements sont parmi les rares à encore former des ninjas, mais pas dans le même but. Hebijo, sponsorisé par des entreprises et des politiques sans scrupules, envoie ses shinobis accomplir des missions illégales allant jusqu’à l’assassinat pur et simple : on les appelle les akunin, ninjas agissant pour le mal. A l’inverse, l’académie étatique Hanzô forme des zennin, ou « ninjas du bien », pour les contrer. Le Bien contre le Mal, situation ultra-classique pour une série qu’il l’est beaucoup moins : avec tant de sérieux dans le synopsis d’origine, on en oublierait presque qu’on parle de bagarres entre jeunes filles aux formes généreuses et aux vêtements fragiles.[/dropcaps]
Le fait est que Senran Kagura Burst Renewal vient nous rappeler l’époque où Marvelous faisait un effort particulier sur l’histoire et la narration, chose qui sera perdue après Senran Kagura Shinobi Versus. Et force est de constater que 6 ou 7 ans après, les grandes lignes du scénario font encore de l’effet. L’histoire explore le background des personnages de manière généralement très précise, avec pas mal de notes très sombres et parfois pas du tout idiotes, surpassant intelligemment l’opposition Bien/Mal dont elle se joue. A travers le large volume de textes, Senran Kagura Burst Renewal explore avec succès des sujets difficiles comme la vengeance ou le rejet, malgré le caractère comique de l’ensemble. L’écriture ingénieuse insère régulièrement une petite dose de suspense et de tension, et les deux niveaux de discours cohabitent étonnamment bien. L’écriture n’est pas seule à se distinguer puisque ce remake reprend l’excellente bande-son d’origine, en y ajoutant quelques remix bien sentis.
Si le fond de l’histoire n’a pas forcément vieilli, il n’en va pas de même pour la forme. L’occasion de rappeler que dans Senran Kagura, à l’époque, on lisait beaucoup : ce remake reprend la grosse partie visual novel et il n’est pas rare d’avoir un quart d’heure de textes pour une mission de deux minutes ! Le souci est que Marvelous a imbriqué les kilomètres de textes sur images fixes tels quels. Malgré un (très) timide début de cutscenes en 3D, qui reste louable au demeurant, il n’y a pas assez de surprises dans cet aspect. Le remake aurait pu par exemple contenir plus d’illustrations pour donner un peu de valeur ajoutée, c’est dommage. Cela dit, le trait de crayon d’origine est toujours un bonheur… Le mode histoire est trop long aussi : comme dans le jeu 3DS, Senran Kagura Burst Renewal vous invite à suivre deux timelines parallèles, une pour Hanzô et une pour Hebijo, à travers un foule de petites missions réparties sur cinq grands chapitres. Le jeu aurait mérité d’être un peu compressé pour évacuer les anecdotes et autres temps morts inutiles, et ainsi améliorer la densité de l’aventure : c’est aussi le travail d’un remake.
La forme est donc une petite déception jusqu’au chapitre cinq, dans lequel la fin fait elle l’objet d’une refonte assez convainquante. Que ce soit du côté d’Asuka et de Homura, la mise en scène a été travaillée pour en faire une conclusion inoubliable. Le duel entre les deux leaders est flamboyant, le nouvel Orochi est plus impitoyable que jamais et les deux dernières missions d’Homura sont sublimes autant dans la surprise que dans leur symbolique. Là le remake accomplit parfaitement sa mission : transcender l’original de la plus belle des manières.
Ce nouvel épisode reprend très largement le gameplay de Senran Kagura Estival Versus, c’est à dire une action très rapide à base de combos combinant carré et triangle, face à de multiples ennemis ou à une rivale. Les mouvements d’Ikaruga par exemple sont d’une rapidité rarement vue dans un jeu d’action. Comme d’habitude, il faudra viser les combos aériens pour prendre l’avantage face à des ennemis qui contrent assez rapidement au sol. Le nombre de combos disponible augmente toujours avec l’expérience acquise avec chaque personnage pour des enchaînements de plus en plus longs. Les attaques spéciales des personnages sont elles aussi reprises de Estival Versus : pas de surprise mais toujours ce même goût pour le spectaculaire, comme quand Homura dégaine son fameux 7e sabre.
La grosse nouveauté de cet épisode est le Burst. Causer ou encaisser des dommages remplit une jauge de Burst qui permet ensuite de déclencher une offensive de zone très puissante capable de balayer tout un groupe en trois secondes ! Autant dire qu’il s’agit là d’un nouvel atout de poids, surtout contre les boss qui ont énormément d’HP. Clore l’affrontement avec le Burst est également l’unique moyen de dénuder complètement l’adversaire dans ce jeu et de dégoter un délicieux finish spécial. L’autre point d’amélioration de Senran Kagura Burst Renewal est le contre, beaucoup plus facile à exécuter maintenant que les attaques ennemies sont annoncées au moyen d’une zone jaune ou violette indiquant le type et la portée de l’attaque. Encore une fois, tout va très vite et cet ajustement à pour effet de garantir le dynamisme de l’action tout en mettant l’accent sur les réflexes. Seul véritable point noir : les problèmes de caméra sont assez fréquents dès lors que l’on s’approche trop près des murs, faisant perdre l’espace d’un instant toute visibilité sur l’action.
Ce remake a trois niveaux de difficulté, mais très mal répartis. Le mode normal est enfantin dans la plupart des missions, ce qui donne l’impression d’avoir deux modes « facile ». Il faut se rabattre sur le mode difficile pour vraiment s’amuser, mais cela devient du coup assez ardu d’avancer dans le jeu. Il y a là un juste milieu qui n’a pas été trouvé, sauf peut-être à la toute fin du jeu qui recèle quelques combats passionnants demandant une endurance et une technicité particulière.
Mais avec Senran Kagura Burst Renewal, Marvelous ne se contente pas de livrer un « simple » remake. Bien qu’il faille passer par la case DLC, le jeu propose en effet deux histoires parallèles de dix mini-chapitres chacune, racontant les évènements passés de des écoles Gessen et Shin Hebijo. Les deux groupes étant apparus pour la première fois dans Senran Kagura Shinobi Versus, le DLC relate tout ce qui s’est produit avant que les quatre écoles s’affrontent dans le jeu PSVita. Ce deux contenus additionnels sont d’un intérêt variable, le scénario de Gessen ne contenant aucun élément important à l’inverse du DLC Shin Hebijo, qui, lui, fait remarquablement bien le lien avec la suite. On y apprend, entre autres, davantage de choses sur Ryoki, même si la mise en scène laisse à désirer sur quelques scènes, l’intérêt scénaristique est certain.
Au départ, ces deux scénarios sont uniquement jouables avec Yumi et Miyabi, mais Marvelous met progressivement à disposition les huit autres personnages jouables sur le Playstation Store japonais, en DLC gratuit pour une durée limitée. De quoi prolonger la durée de vie et profiter de la très longue liste de missions annexes incluse dans le titre, proche de la trentaine.
Sur le plan visuel, il ne sera guère difficile de se faire une opinion, pour la simple raison que Senran Kagura Burst Renewal reprend à 90% les éléments graphiques de Estival Versus. Le tout a un peu vieilli depuis Senran Kagura Peach Beach Splash (qui utilisait un peu plus les capacités de la PS4) mais reste agréable à voir dans l’ensemble, surtout que l’animation ne faillit jamais. Les menus merveilleusement refaits sont un vrai petit plaisir : on peut y voir l’ensemble des personnages faire d’hilarantes mimiques dans la pièce principale !