Sly Raccoon

Étonnant de constater qu’en publiant simplement un obscur jeu chez la concurrence, à savoir Rocket : Robots On Wheels sur Nintendo 64, le jeune studio Sucker Punch parvient à décrocher la timbale : se retrouver sous la croupe de Sony qui, à l’instar d’un Naughty Dog, ne les a jamais lâché. Et pourtant, ce n’était pas gagné vu que le début de collaboration se voit soldé par un retour somme toute timide en terme de ventes pures et dures. Ce n’était pas faute d’avoir, en revanche, récolté de bons suffrages d’estime avec les aventures chapardeuses de ce jeune raton-laveur appelé Sly, le hissant parmi les biens-vus des jeux de plates-formes de l’ère Playstation 2 en compagnie des Jak & Daxter et Ratchet & Clank. Heureusement, l’avocat Sony a parfaitement su protéger sa fripouille poilue qui lui sert de client et justice fut rendue sur Playstation 3 et PS Vita où la compilation HD des trois premiers opus a permis une bien meilleure visibilité à cette série restée clairement trop dans l’ombre. Des remasters qui méritent d’être achetés si vous ne possédez pas/plus les originaux et/ou le support originel. Mais comme chez Archaic, on est des vrais de vrais, on a préféré faire chauffer de la 128 bits, histoire de la dépoussiérer un peu. Et évacuer la poussière de cette chère boîte bleue estampillée Sly Raccoon qui trônait au fin fond d’une étagère désuète.

L’entrée en matière donne le ton. Petits plans en cel-shading représentant Paris, l’arrivée de Sly Cooper, jeune héritier orphelin d’une longue lignée de voleurs, où s’incruste d’emblée le menu de démarrage. Dès l’option « Nouvelle Partie » enclenchée et sitôt l’espace de sauvegarde choisi, tout se fait de façon limpide : le plan arrêté par l’apparition du menu reprend comme si de rien n’était et nous voilà déjà plébiscité à la manette afin de s’adonner au sempiternel tutoriel de base où l’on doit gentiment infiltrer ce cher raton-laveur dans le bureau de l’inspecteur Carmelita Fox afin de récupérer des dossiers nous permettant de démarrer notre quête sur de bons rails. Avant de partir ensuite sur la véritable cinématique d’introduction nous présentant ses deux compagnons : Bentley, la tortue intello sur roulettes et Murray, l’hippopotame gros bras. Ensemble, ils devront se rendre chez cinq des plus grands criminels du monde afin de récupérer les pages du livre familial de Sly, le Volus Ratonus, qu’ils ont jadis dérobé par la force. En plus de compiler toutes les techniques de ses ancêtres, il s’agit également de venger les siens et passer le message que la famille Cooper existe encore bel et bien.

La séquence animée fait mouche, de par son esthétique, son cel-shading et même sa narration, très typée flashback des films de gangsters. Avant même d’entamer le premier véritable niveau, on sent que l’on tient un jeu qui fera mouche de tout son long, ne serait-ce que pour son style graphique que son ambiance sonore globale fort soignée. Bref, un jeu du charisme, à l’image de notre héros qui aurait très bien pu s’imposer comme une figure emblématique de la Playstation 2 si la politique de Sony à ce niveau se serait apparentée à celle de Nintendo. Un héros comme on n’en fait plus trop aujourd’hui d’ailleurs : universel dans le sens où il s’accordera les louanges des jeunes comme des moins jeunes sans distinction, avec ce qu’il faut de classe et de répartie qui fait mouche pour marquer les esprits. Bref, la connivence se fait d’emblée et le joueur n’a qu’une seule hâte : botter les fesses de ces cinq gredins qui ont quand même eu le culot de tuer le père du petit orphelin à poils devant ses yeux et vivre ces mêmes bons moments qu’on a pu connaître avec ses collègues de Naughty Dog Jak & Daxter et Crash Bandicoot pour la génération précédente – et d’Insomniac Games Ratchet & Clank et Spyro pour la génération précédente.

Sly étant un voleur de profession, le jeu nous a été sans surprise présenté comme un mélange de plate-forme avec un soupçon d’infiltration. Une promesse que Sly Raccoon ne tient que partiellement. A l’instar du premier volet de Jak & Daxter, cet essai préliminaire préfère se cantonner à de la plate-forme plutôt classique dans son déroulement. Il y va même encore plus fort dans le sens où il n’y a aucune notion de monde ouvert comme on pouvait le voir chez Naughty Dog dès ses débuts sur Playstation 2 : nous devons mener notre quête sur les cinq QGs respectifs et distincts de nos cibles, desquels s’articulent dans chaque une sorte de hub où sont disséminés différents niveaux. Un peu comme on pouvait le voir chez Spyro sur la PSone.

Certes, il y a bien des notions d’alarmes et de détecteurs où l’on se doit bien de rester discret afin d’éviter une mort tonitruante et sans détour mais le côté infiltration s’arrête là. Pour le reste, il s’agit de plate-forme classique avec vies limitées, pièces se collectant par groupe de 100 afin d’en gagner une nouvelle (on notera le côté destructible de pas mal d’éléments du décors pour en gagner), ennemis et collectables. Une clé en bout de chemin qui nous permettra de déverrouiller l’accès au boss local et une multitude de bouteilles qui permettront d’ouvrir un coffre-fort contenant la plupart du temps une nouvelle technique tirée d’une page du Volus Ratonus entreposée là. Rien de bien original en somme. Mais au moins le héros se contrôle-t-il agréablement, son panel de mouvements s’étoffant progressivement de manière utile ou non peut être utilisé avec beaucoup de facilité sans trop de « loupés » injustes et frustrants. Seule la caméra viendra obscurcir le tableau ponctuellement mais on n’ira pas non plus trop le condamner tant c’est la maladie des jeux de plate-forme 3D par excellence.

Certains niveaux apportent leurs petites mécaniques particulières comme les tonneaux que l’on pourra utiliser pour se déplacer en toute discrétion dès lors que les ennemis auront le dos tourné, voire se protéger d’afflux ininterrompu de flèches. D’autres s’inscriront davantage dans le train-train. Tandis que d’autres sortiront totalement de la plate-forme pour partir vers les séquences mini-jeux souvent frustrantes mais néanmoins bienvenues pour apporter de la variété : courses de véhicules, libérer le chemin à Murray via une tourelle de tir, phases de shoot en bateau ou en van, etc. En globalité, on voit le bout de chacun très rapidement et le jeu se révèle au final très court (environ 8h), auquel se greffe un défi speedrun pour les plus acharnés. Ce qui n’est pas forcément un mal tant on finit par s’apercevoir que Sly Raccoon ne se renouvelle énormément niveau gameplay. Seuls les boss iront offrir des affrontements variés, quoique un peu trop faciles. En revanche, le soft sait se renouveler sur son habillage avec ces mondes très différents aux ambiances toujours réussies. Ce qui est d’ailleurs son très gros point fort et permet d’apporter tout le piment à l’aventure, rehaussant considérablement l’intérêt du déroulement qui pourrait sembler peu palpitant de par son excès de classicisme s’il n’avait pas eu autant de panache et de personnalité.

Premier balbutiement de Sucker Punch pour Sony, Sly Raccoon s’inscrit d’emblée comme une nouvelle franchise qui mérite qu’on la suive. Certes, ce premier opus ne s’inscrit pas dans l’originalité et ne parvient pas forcément à remplir complètement son contrat de mêler infiltration à la plate-forme, cette dernière prenant quasi-complètement le dessus. Malgré tout, on sent qu’il s’en émane quelque chose, via ses personnages attachants et la maîtrise de l’esthétique graphique et sonore ainsi que de l’ambiance. Bref, une mise en bouche sympathique avant de s’attaquer au second opus qui rectifiera le tir à de nombreux niveaux.

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