Demandez à un joueur des années 90 qui est Red Company : des étoiles apparaîtront alors instantanément dans ses yeux amplis de souvenirs. Gate of Thunder, Tengaï Makyo II, Tempo Jr. ou encore Sakura Taisen (Best serie ever, non négociable) vont lui revenir en tête avec un souvenir ému. Devenu Red Entertainment en 2000, la compagnie n’en a pas perdu de sa compétence en fêtant sa nouvelle identité par un titre racé : Gungrave. En juillet 2002, date de sortie du jeu au Japon, Devil May Cry est disponible depuis un an et a été annoncé bien plus tôt. Son influence a été non seulement gigantesque sur l’industrie japonaise mais, évidemment, sur les gens de RED puisque Gungrave y fait immédiatement pensé. Un mec taciturne, aux cheveux grisonnant, lourdement armé, bien décidé d’en découdre avec des rangées d’ennemis, dans des décors requérant d’occire l’intégralité du bestiaire pour avancer, le tout en prenant des poses classes. Pour se rapprocher de leur modèle, tout en proposant un design très typé animé permettant de se démarquer, le studio japonais s’est alloué les services du character designer Yasuhiro Nightow encore sous les feux des projecteurs pour la série Trigun, secondé par Kôsuke Fujishima (Ah My Goddess, Sakura Taisen, Tales of Phantasia) pour toutes les machineries. Chacun des six niveaux du jeu est entrecoupé de scènes animées (par le petit studio Ikusabune, qui s’était chargé de celles de Grandia ou Evolution avant cela) pour donner l’impression au joueur de regarder un gros anime.
Red a d’ailleurs achevé le clou en réalisant son titre entièrement en cel-shading. Nous sommes loin du procédé d’un Jet Set Radio quelques années avant, mais le rendu finit de donner le cachet animé tant recherché. Gungrave débute d’ailleurs de manière très brutale : une jeune fille, dans la nuit, blessée, traîne une valise. Elle retrouve finalement deux hommes dans un hangar, un médecin dont la vie est plutôt derrière lui et un homme balafré. Ce dernier réclame le contenu de la valise : deux flingues dont seule une certaine Bayonetta peut s’enorgueillir d’avoir aussi gros. Sa première mission peut débuter : venger la jeune fille, et plus particulièrement sa mère. Abrupt, le récit se révélera entre chaque mission, via des discussions avec Mika et le Dr T., pour révéler tous ses dessous en fin de parcours, une fin de parcours arrivant après un peu plus d’une heure de jeu, d’où cette impression d’avoir visionné un anime. Pourtant, cette heure de jeu se veut bien garnie.
Car Brandon, de son petit nom Grave, est loin d’être un tendre. Armé de ses deux flingues, de son cercueil et de sa carrure d’armoire à glace, il occupe une place certaine à l’écran, d’où des déplacements un peu patauds. Néanmoins, la touche saut combinée avec une direction rappellera immédiatement le titre de Remedy – pas encore une trilogie, le deuxième n’étant même pas encore disponible – permet de tirer tout en extension. Stylé, et particulièrement puissant puisque les dégâts occasionnés sont alors accrus. Les ennemis sont trop près ? Un coup de cercueil pour éloigner tout cela. Au fil des âmes récupérées, il est possible d’utiliser l’un des trois techniques de démolition, qui, il faut le reconnaître, portent très bien leur nom. Le mortier ayant par exemple tendance à nous débarrasser de n’importe quel ennemi. Une quatrième possibilité est d’utiliser une technique de soin, vital en fin de partie, sans jeu de mot. Parfaitement linéaire, la progression ne demande qu’à survivre aux très nombreux ennemis qui débarqueront de tous les coins du chemin, jusqu’à ce que l’accès à la salle suivante soit débloqué.
Particulièrement simple, la maniabilité est faite pour que le joueur ne soit jamais frustré en plein gunfights. Même si, en pratique, il faut reconnaître quelques bugs de caméra dans les endroits exigus et des mouvements de Grave que l’on aurait aimé un chouïa plus prompts lors des affrontements les plus costauds. Chaque mission étant notée, un rang nous est donné en fin de parcours, permettant de débloquer différents bonus dans le fort bien nommé menu “Plus”. Sachez toutefois qu’il sera nécessaire d’obtenir la lettre A dans les 6 niveaux pour espérer tout débloquer, et que même en difficulté “Normal”, le challenge est loin d’être simple. Pour les meilleurs d’entre nous, deux niveaux de difficulté supérieure sont disponibles. Bon courage. Seuls les fans de scoring se lanceront dans de multiples runs, même si un petit parcours de temps en temps permet de se défouler entre deux RPG. Au hasard.
Incroyablement stylé, Gungrave est un bon défouloir très typé japonais et sans réelle fausse note. Sa technique pas parfaite ne saura pas faire oublier plaisir à parcourir les six environnements, pour le coup très différents, débouchant sur un final particulièrement marquant. Ce mix entre Trigun, Devil May Cry et Cowboy Bebop plaira assurément aux amoureux d’animes et d’histoires sombres. Plus que la quantité, les équipes de Red ont privilégié la qualité.