Enfermez-vous dans une pièce, seul(e), éteignez-les lumières, branchez le casque, et (re-)plongez avec nous dans le macabre univers des Survival-Horror. Une fois tous les deux mois, Mizakido et Vidok vous proposent de revenir sur un titre, dans une ambiance décontractée, pleine d’anecdotes, de tranches de vie et d’infos en tout genre. Chaque jeu sera choisi par l’un des deux rédacteurs et chacun devra justifier de son choix, certains, vous le verrez, seront des plus exotiques… Attention, âmes sensibles s’abstenir, ça va gicler.
Vidok : Ce quatorzième numéro de Survivance n’aurait pas dû être consacré à Resident Evil 2. Il était même plutôt bien engagé, avec un titre original et qui a su marquer les joueurs s’y étant essayés à sa sortie. Mais la sortie du remake de Resident Evil 2 a bouleversé tous nos plans. Les premiers trailers avaient de quoi laisser pantois, pour ma part, un peu comme à l’époque du remake du premier sur GameCube. L’emblématique commissariat de Raccoon City n’avait jamais été aussi majestueux et Léon aussi réaliste, faisant complètement oublier le modèle 3D du sixième épisode. L’ouverture de la superbe édition collector, véritable boîte de Pandore, a condamné un samedi de janvier 2019, ce 26 janvier pour être précis. Moi, zieutant la pizza présente dans le congélateur, toi arrivant avec les boissons et l’apéro, la manette PS4 chargée, la maison dans le noir, nous étions prêts à re-signer pour un gros après-midi dans l’enfer d’Umbrella.
Mizakido : Il faut dire que pour une fois, Capcom a mis les petits plats dans les grands et ne s’est pas contenté d’un simple et dégueulasse portage pour nous offrir, du moins d’après les premières images, un remake digne de ce nom d’un jeu qui a, un peu plus de 20 ans après sa sortie, une aura toujours aussi dingue. Sage et savant a été le développeur de révéler la gueule finale du jeu très peu de temps après sa sortie, durant l’E3 2018, pour faire monter la hype comme il faut. Pour ma part, cela a déclenché une attente certaine, peut être pas aussi forte qu’en 1998 vu la différence d’actualité vidéoludique, mais suffisante pour télécharger expressément la version de démonstration dès mon retour du boulot, non sans avoir une pensée pour ce disque de démonstration fourni avec la version Director’s Cut de Resident Evil, argument marketing imparable pour faire claquer 349 francs, remplacé ici par la modernité technologique et la fibre optique. Sitôt installée, sitôt terminée, une confirmation : ça allait être… Intéressant. Après deux ou trois SMS, un nouveau rendez-vous avec l’horreur, couplé d’un curieux mélange de nostalgie et de redécouverte, était pris. Une petite appréhension de ce qui allait nous attendre…
↑ Il a bien changé notre armurier n’est-ce pas ? Et sa rencontre est maintenant loin d’être anecdotique.
Vidok : Et le jeu nous surprend d’entrée de jeu, en nous faisant débuter, quelque soit le scénario (A) choisi, dans une station essence. Capcom s’amuse en effet à reprendre les éléments de l’introduction du jeu d’origine en les mélangeant : Léon ne trouve pas de cadavre sur la route, il s’arrête pour faire de l’essence, à la place du conducteur de poids lourds, qui, lui, s’arrête pour se pencher au-dessus du corps inerte d’une femme. Cette anodine inversion a pour but caché, en plus de s’amuser avec nous, de proposer un court didacticiel et ainsi nous mettre dans l’ambiance, une ambiance à laquelle nous nous attendions depuis cette horrible démo One-Shot, au sens propre, mais qui fait remarquablement le job. Caméra à l’épaule, à la Resident Evil 4 ou à la Cold Fear mais rigueur à l’ancienne, obligation de contourner les obstacles, une clé à récupérer et à utiliser via l’inventaire sur la porte menant à la sortie, plus de zombies que le nombre de balles dans le chargeur, Resident Evil 2 est inhospitalier au possible. Et globalement, pendant tout le jeu, les développeurs, malgré des mécaniques datées, n’auront de cesse de rendre l’ensemble plus réaliste, plus 2019, tentant de renouer avec la peur du jeu de 1998 vingt-et-un an plus tard, et offrant un sang neuf appréciable au genre Survival-Horror. Pas au travers de son gameplay donc, mais de ses graphismes ébouriffants.
Mizakido : On sent que Capcom est définitivement passé à la huitième génération, non sans avoir poussé dans ses derniers retranchements son moteur historique maison, à savoir le MT Framework, qui fit tourner, au fil de ses différentes versions, la majorité des titres majeurs de la compagnie depuis 2006 avec Dead Rising jusqu’en (?) 2018 avec Monster Hunter : World. La relève aurait pu être amorcée avec Deep Down (lapsus facile avec Dead Down…) et son moteur Panta Rhei, mais ces derniers semblent s’être embarqués dans un enfer du développement assez symptomatique de cette époque vidéoludique. Place donc au RE Engine, qui a déjà fait ses preuves avec Resident Evil 7 : Biohazard, qui fait tourner le récent Devil May Cry 5, et qui donc s’occupe de propulser l’horreur de ce remake de Resident Evil 2 à l’écran. Et c’est une claque digne de la version GameCube du premier qui nous arrive en pleine tronche, et ce dès les premières minutes de jeu, avec la refonte complète et interactive de la cinématique en images de synthèse du jeu originel. Difficile de nier que c’est particulièrement beau et réaliste, avec une foisonnance d’effets visuels (pluie, brouillard, feu, particulières diverses…), une ambiance lumineuse des plus travaillées qui offre à chaque angle de couloir et chaque ouverture de porte de quoi bien flipper, ainsi que des modélisations et animations particulièrement soignées qui font se mouvoir Léon, Claire, et toute une pléthore de monstres à l’écran, ces derniers ayant d’ailleurs tendance à trop être animés (et imprévisibles) pour être visés correctement. Tout cela tourne avec un framerate étonnamment convaincant sur l’ensemble des supports qui accueillent le jeu. La rencontre avec le premier zombie a de quoi provoquer un certain dégoût, et Capcom s’amusera à réitérer les scènes gores par la suite en poussant suffisamment le zoom pour apprécier les détails d’une mâchoire arrachée ou d’un corps séparé de ses jambes. Effets “BAAAAAH” garantis. Si je devais retenir un maître étalon du niveau d’exigence (ou de délire) que s’est donné Capcom, je prendrais les vêtements de notre personnage, qui subissent les salissures (boue, tâches de sang) et autres aléas climatiques au grès de l’aventure. Une aventure dont le ou la nostalgique ne pourra donc qu’apprécier la refonte graphique en redécouvrant sous un œil neuf (et légèrement pétillant) l’intégralité des lieux qu’il a parcouru en long, en large et en travers dans sa jeunesse, avec, sur le même modèle que le remake du premier épisode sur GameCube, pas mal d’ajustements et d’ajouts des plus bienvenus. Il est d’ailleurs amusant de voir comment certaines premières rencontres ont été un peu… bousculées, avec toute la panique que ça a pu provoquer.
↑ Oui, ce genre de situation peut arriver.
Vidok : Pourtant, le jeu reprend dans les grandes lignes le parcours proposé par la version originelle. L’arrivée au commissariat, à la fois familière et inédite, rappelle des souvenirs mais laisse la porte ouverte à la découverte, et Capcom ne s’est pas privé pour surprendre un maximum les joueurs. Les lieux ont en effet été, pour la plupart, réagencés : des couloirs ont été ouverts, d’autres fermés, ou écourtés, des salles réhabilités ou déplacées, des énigmes fortement modifiées. D’un lieu que l’on pensait connaître par coeur, nous passons à un nouveau monde où il faut tout réapprendre. Et ce sera le cas tout au long des différents environnements, dont certains ne gardent que la logique ou l’utilité. Ce qui est d’autant plus perturbant que Capcom a fortement rehaussé la difficulté, qui n’est jamais insurmontable mais suffisamment élevée pour maintenir une tension continue. Comme tu l’indiquais, les zombies sont désormais aussi costauds que répugnants. Leur nombre se veut conséquent tandis que les balles sont une denrée extrêmement rares. Monstres classiques du passé, les lickers font leur retour plus grands, résistants et dangereux que jamais, très inspiré de ceux de Resident Evil Damnation. Et cerise sur le gâteau, l’ennemi du scénario B, Mr. X, forme contrôlée du Tyrant, sujet principal de l’opus Survivor, pour rappel, intervient désormais dans tous les scénarios, et est devenu collant à en faire pâlir de jalousie le Nemesis du troisième volet. Et aucun d’entre eux ne sont simples à esquiver, leur vélocité ayant eu le droit, elle aussi, de s’aligner sur les standards de 2019. Certaines monstruosités ont toutefois disparu, telles les araignées géantes, au profit de nouvelles bestioles tout aussi repoussantes, évidemment. Globalement, Capcom a su rendre son bestiaire bien plus dangereux et plus cauchemardesque que dans l’épisode initial.
Mizakido : Et pour les affronter, le développeur se devait, pour parfaire son remake, de proposer également du neuf dans les mécaniques de jeu, sans pour autant faire table rase du passé histoire ne pas perdre les fans de la première heure. Il a donc été choisi de repartir du socle à la troisième personne de Resident Evil 4 et ses nombreuses suites et spin-offs (avant le 7), mais avec une toute autre surcouche, bien plus… “Archaïque”. De nouvelles armes ? Nous ne dirons pas cela. De nouvelles cartes en main ? Ca, pour sûr. Le gameplay du jeu est en effet simplifié à l’extrême, avec une palette de mouvements des plus limitées : courir, viser tout en pouvant avancer et se retourner rapidement. Pas de roulade, et encore moins d’action permettant d’achever un ennemi au sol. On retrouve pêle mêle, des anciens épisodes, les rouleaux encreurs, un inventaire limité à quelques emplacements mais augmentable par petites grappes, l’évolution des armes via des kits dédiés (gâchis de munitions garanti), ou encore de quoi fabriquer des soins avec les herbes (exigence du cahier des charges), ou des munitions, comme proposé pour la première fois dans Nemesis. Dans les emprunts disons plus “modernes”, on notera, outre la caméra à l’épaule, l’implémentation non abusive de QTEs dans des lieux parfois remplis d’ennemis, la possibilité d’utiliser des armes secondaires comme des grenades, ou encore de barricader des fenêtres avec des planches pour limiter l’arrivée de nouveaux zombies dans des couloirs exigus. Et c’est à peu près tout… C’est quand même d’une étonnante rigidité. Mais ce n’est absolument pas un mauvais point, bien au contraire. Dans ce Resident Evil 2, l’impossibilité de pouvoir effectuer des actions aujourd’hui considérées comme acquises et incluses dans n’importe quel jeu vidéo moderne, comme une bête mais bien pratique roulade, une simple pression bouton pour achever un ennemi, ou encore filer dans l’inventaire pour recharger son arme, est ici particulièrement déstabilisant et stressant, mais c’est finalement le but même du jeu de survie : ne pas faire du personnage que l’on contrôle une machine à tuer, limiter les options pour mieux provoquer la fuite, ne pas être chiche sur la menace, toujours faire douter, et forcer l’instinct, quitte à finir sur un violent Game Over suite une prise de risque un peu trop ambitieuse. On sort littéralement épuisé de ce remake, et ce même en difficulté normale, qui offre des sauvegardes infinies, mais assurément pas de quoi se reposer.
Vidok : Ce stress constant est en effet une nouvelle constante que l’on ne retrouvait plus dans l’épisode d’origine – et soyons francs, qu’on ne trouvait déjà pas vraiment à l’époque. Néanmoins, Capcom a veillé à intégrer des scènes plus légères, où le temps, et surtout les zombies, ne semblent pas avoir de prises, jusqu’à parfois être en décalage complet avec l’action en cours (Leon : « Et toi, comment tu t’en sors ? » – Claire, d’une manière nonchalante : « Oh tu sais, je survis ! »), ou plus sérieuses, notamment quand cela concerne les deux partenaires de Léon et Claire, à savoir Ada Wong et Sherry Birkin, qui sont toutes deux jouables dans ce remake, à l’instar du passage avec Ashley dans RE 4, donc à travers un court passage chacune. De la fuite du côté de Sherry et un peu de hacking tranquille par Ada. Tout comme les deux héros et ennemis du jeu, leurs modèles 3D ont entièrement été revus et le personnage d’Ada, notamment, n’a jamais semblé aussi réaliste et crédible. Mais ce ne sont pas les seuls personnages dont nous avons l’honneur de diriger, puisque les scénarios spéciaux initiaux, Hunk et Tofu, sont de retour une fois les scénarios A et B terminés, pas comme avant où il fallait enchaîner les bonnes notes (ouf !), puis d’illustres inconnus via des DLC gratuits, au sein de modes chronométrés, eux aussi. Ajouts sympathiques pour prolonger une durée de vie déjà tout à fait honnête, puisqu’il faut compter 6-7 heures pour un premier run sans trop forcer, puis un peu moins pour le second scénario miroir. Si à cela, on ajoute l’inverse et les scénarios annexes, il faut compter une vingtaine d’heures pour parcourir ce bien beau remake. Pas mal du tout, finissant de montrer Capcom sous un très beau jour, d’autant que vu les excellentes ventes de Resident Evil 2, il n’est pas difficile d’anticiper l’arrivée du numéro 3 sous RE Engine dans les années à venir.
Best Remake Ever (depuis celui du 1er…)
Vidok
Un remake, un vrai.
Mizakido