Tout est parti d’une discussion avec l’ami Mizakido. Assis à l’un des deux comptoirs de bar des Utopiales, nous nous sommes souvenus, non sans émotion, de nos consoles vendues. La dure loi de beaucoup de jeunes dans les années 90 pour espérer découvrir la nouvelle génération. La Megadrive pour la Playstation puis la Playstation pour la Nintendo 64. Et ce sera tout de mon côté, puisque le rachat d’une Playstation à la sortie de Resident Evil 2 me confirma que la revente de console n’était pas une activité pour moi.
Et dès le passage à la génération 32Bit, je l’avais ressenti. J’étais #TeamSonic. Par choix et par obligation : disposer de deux consoles de salon à la maison n’était pas envisageable pour mes parents. Je possédais juste une Supervision afin de jouer de manière nomade. Tous les étés, je passais de nombreux après-midis chez un ami, de quatre ans mon aîné, qui avait toujours “la nouvelle console” du moment. J’ai donc découvert la Megadrive ainsi, et Sonic 2. L’été suivant, la Playstation, avec Battle Arena Toshinden. Quelle claque. Tout en 3D, le jeu avait une patate qui, selon moi, mettait n’importe quel jeu de combat Megadrive à l’amende. Possesseur de Shaq Fu, Pit-Fighter, Street Fighter 2 et Mortal Kombat, j’étais conquis. Oui, malgré Street Fighter 2. C’était incroyable : les personnages étaient très réalistes, les arènes semblaient sortir de l’écran et puis il y avait Shu et Gaïa, les personnages cachés. J’adore les personnages cachés. Un été dessus m’a convaincu de demander une Playstation au Père Noël. Malheureusement, le budget ne le permettant pas, la revente de la Megadrive 2, avec ses 15 jeux était indispensable. 800 Francs le lot, Sonic 2, Sonic & Knuckes, Zero Wings ou encore Ristar faisaient partie des sacrifiés sur l’autel de Sony.
L’approche de Noël me confortait, tout de même, dans mon choix : Crash Bandicoot était sur toutes les bornes de démonstration dans les grandes surfaces. Vous souvenez-vous de ces consoles mises à disposition dans les rayons de jeux vidéo ? Je me rappelle tout particulièrement de celles de Auchan où je tentais de jouer au maximum – en alternance avec d’autres enfants tout de même, je ne monopolisais jamais la manette, détestant cela – à Crash Bandicoot. Sega avait de quoi m’attirer avec Nights et Sega Rally, mais la quasi-mascotte de Naughty Dog était trop forte et représentait réellement ce que l’on appelait la Killer-app. Nul ne pouvait lutter. Ses bruitages, sa bande son, ses visuels impressionnants continuent de hanter mes (bons) souvenirs des débuts de la Playstation. Je prenais le train en marche, puisque nous parlons du Noël 1996. La console de Sony était disponible depuis plus d’un an. Internet n’étant pas encore bien présent chez les particuliers – 2000 pour moi – j’avais clairement raté les débuts de la console, puisque la Megadrive était arrivée à la maison au Noël 1995. La Megadrive 2 avait été acquise en bundle avec Sonic 2 pour 790Frs si ma mémoire ne faillit pas. La Supervision, dont le prix d’achat m’échappe, avait un titre avec elle. Mes parents, pas très au fait, n’avaient donc pas anticipé le changement de politique avec les consoles 32Bit.
La Playstation est bien sous le sapin le 25 décembre 1996. La console est superbe et le CD démo fourni offre de beaux moments. Ce n’est pas le premier, par conséquent, je découvre les premiers numéros deux : Tekken 2, Wipeout 2097 ou encore Destruction Derby 2. Incroyables. Le dinosaure et la raie manta sont, eux aussi, superbes. Je peux dire que j’en ai passé des heures à déplacer les caméras dans tous les coins pour “challenger” le modèle 3D, et voir si de petites animations pouvaient être découvertes ainsi. Spoiler : il n’y en avait pas. Mais il manquait un jeu : pas l’ombre d’un Crash Bandicoot. Mes parents n’avaient pas prévu que la console soit nue, habitués à acheter des bundles. Par conséquent, légèrement déçu, je me suis résolu à attendre la réouverture du magasin de jeux vidéo le plus proche pour y dégoter mon premier titre. L’intégralité de l’argent ramené par la vente de la Megadrive 2 avait été avalée par la Playstation. Mes parents avaient mis au bout pour atteindre les sacro-saints 1490 Francs. Cela faisait déjà un très beau Noël pour moi et un très coûteux pour eux. Mais, je ne disposais pas du budget suffisant pour un Crash Bandicoot, encore récent et donc lâché à minimum 299 Francs, d’occasion. Il n’était même pas question de regarder le rayon des jeux neufs. Et, ce jour-là, des jeux Playstation à moins de 150 Francs, il n’y en avait pas légion. Désireux de ressortir les mains pleines, je me résolus à prendre un jeu que je ne connaissais pas. A 129 Francs, il rentrait dans le budget. La jaquette et les images ont fini de me convaincre, plus par défaut que par réelle envie j’avoue : Discworld.
Malgré ses temps de chargement particulièrement longs et fréquents, Discworld réussissait à garder un attrait grâce à son étonnante 2D et son style cartoon très plaisant. Je ne découvrais pas complètement le jeu, en plus : en 1996, je n’achetais pas, encore, beaucoup de magazines. C’était très occasionnel, et quasiment uniquement lors de destockages. Toutefois, je possédais le numéro d’Ultra Player de septembre/octobre 1996 dans lequel nous trouvions la soluce, entre autres, de Discworld. Ingurgitant les magazines comme des romans, je lisais tout. Donc je connaissais Discworld. Ainsi que Fade to Black, Casper ou encore Nights. Des titres qui m’ont, très vite, fasciné et que j’ai acquis bien plus tard. Pour en revenir à Discworld, même si je n’avais pas réellement compris dans UltraPlayer qu’il était préférable de jouer à la souris – j’étais un gamin de 10 ans de fin 1996 – pointer-cliquer à l’aide d’une manette n’était pas forcément instinctif mais rien de rédhibitoire. En revanche, après la lecture du manuel et quelques minutes de jeu, je découvris l’existence des cartes mémoires. Encore une nouveauté pour le joueur 16Bit que j’étais : les CD n’étaient pas réinscriptibles, un fait qui n’était pas si évident au sortir des générations cartouche. Encore un achat à réaliser et c’était trop pour mon portefeuille. D’autant que Crash Bandicoot restait l’objectif.
C’est donc Crash Bandicoot qui fut privilégié quelques semaines plus tard, grâce aux étrennes de janvier. Devant ma, désormais, détresse, mes parents ont alors consenti à acheter une carte mémoire, dans les jours qui ont suivi ; mais la moins cher possible. Par conséquent, ce fut une officielle étonnamment bradée. Une contrefaçon ? Probable. Elle a bien fonctionné avec tous les jeux qui ont suivi, mais elle ne conservait pas les sauvegardes de Discworld. Uniquement de Discworld. Or, même si Discworld n’est pas un titre particulièrement long, il nécessite au minimum 8-10 heures de jeu. C’est alors qu’avec mon copain d’été nous avons entamé un “speed run” l’été 1997, à savoir toujours avancer un peu plus loin dans le jeu les après-midis, jusqu’à ce que l’on convainc nos parents et grands-parents de dîner ensemble en nous laissant jouer. Ainsi, en débutant dès 13h, forts de notre expérience et de la soluce de l’Ultra Player – pas parfaitement précise mais suffisante – nous avons entamé une opération “Fin” pour Discworld. Il a fallu attendre de passer minuit pour observer pour la première fois le générique de fin. Quelle victoire. Quel souvenir !
Malgré cette expérience, j’ai répété un schéma similaire avec la Dreamcast. En octobre 1999, c’était Sonic Adventure ou une carte mémoire. Comme disposer d’une carte mémoire sans jeu était dommage, j’ai fini Sonic Adventure sans pouvoir sauvegarder. Malgré cette expérience… j’ai répété un schéma similaire avec la Playstation 2. En 2000, C’était Zone of the Enders ou une carte mémoire. J’ai fini Zone of the Enders sans pouvoir sauvegarder… Et non, je n’ai plus répété ce schéma, en partie aussi, et surtout, grâce à l’apparition des disques durs, de série, sur les consoles, merci Microsoft. Finalement ces problématiques passées appartiennent depuis près de deux décennies au passé, et presque heureusement, preuve que le jeu vidéo évolue, et évolue très vite. Décidément, c’est fou ce qu’une discussion amicale autour d’une bière peut raviver. Ce n’était pas prévu à l’écriture de ce texte : A tes 25 ans chère Playstation !