Devenu presque indissociable de la 3DO et plutôt bien accueilli sur l’ensemble des supports sur lesquels il fut disponible, Gex demeure encore aujourd’hui un sympathique plateformer, et constitue rétrospectivement pour Crystal Dynamics un lancement réussi d’une nouvelle licence inspirée des succès forts enviables de Mario et Sonic. Malgré son important travail d’édition, avec notamment Blazing Dragons, les deux Pandemonium! et Blood Omen, le studio ne pouvait pas oublier sa mascotte et s’attela en parallèle à la réalisation d’une suite qui la mettra à nouveau à l’honneur. Ce fut fait en 1998 avec Gex : Enter the Gecko, ou Gex 3D : Return of the Gecko pour quelques versions européennes, ou encore Spin Tail pour le Japon. Le temps de son élaboration, pas mal d’années ont passé dans le monde vidéoludique et au moment de sa sortie, la 3DO a été définitivement abandonnée par le développeur, la troisième dimension est devenue la norme, et un certain Super Mario 64 a rebattu les cartes du jeu de plates-formes. Ce dernier n’est assurément pas passé inaperçu auprès des équipes de la société californienne, et c’est sans doute pour le meilleur moins pour le pire, pour une fois, comme nous allons le voir durant ces quelques lignes.
Alors qu’il coulait à nouveau des jours heureux devant son poste de télévision après une visite mouvementée dans la Media Dimension, Gex est sollicité par une organisation gouvernementale pour régler un problème quelque peu épineux et qu’il connaît bien : Rez est de retour, et c’est le seul à pouvoir lui redonner une correction. Si notre gecko n’était au début pas très enclin à remettre le couvert avec son ancien ennemi, une somme conséquente de petites coupures saura rapidement le faire accepter. Sans trop savoir par quel moyen, notre héros est de nouveau de retour dans le monde télévisuel hostile, avec cette fois-ci une troisième, de dimension. Globalement voilà pour l’histoire de ce second épisode, avec ici un résumé de la cinématique d’introduction et l’écran de chargement une fois une nouvelle partie débutée. Évidemment, on ne va pas trop s’attarder là dessus ni en tenir rigueur : le scénario élaboré sur un coin de table n’est qu’un prétexte pour présenter un semblant d’objectif, qu’un boss de fin devra être battu, et qu’on va potentiellement se balader dans des univers similaires au premier épisode, avec toutes les références pop-culture que cela peut impliquer, car il s’agit d’un Gex.
Avec la mention « 3D » présente sur quelques jaquettes, les marketeux d’Eidos Interactive ont voulu enfoncer le clou et confirmer ce que l’on pouvait facilement voir en retournant la boîte du jeu et même se douter à la vue de la mouvance initiée par les 32 bits : ce nouvel épisode profite de toute la puissance de la PlayStation, et plus tard de la Nintendo 64 et du PC, pour projeter les péripéties de son héros écailleux dans la nouvelle génération des jeux de plates-formes, en trois dimensions donc. Dans le fond, pas de grosses surprises pour ce qui reste du classique : on erre dans des univers issus de genres cinématographiques ou télévisuels facilement reconnaissables, avec ici des hommages aux Looney Tunes, Star Wars et films de kung-fu, en plus de mondes plus génériques comme une maison hantée ou une relecture comique de la préhistoire. Notre mission est toujours de récupérer des télécommandes afin de progresser dans l’aventure. Gex est affublé des mêmes capacités qu’auparavant, avec notamment la possibilité de s’accrocher et se mouvoir sur certaines surfaces murales, frapper des ennemis avec sa queue, ou encore de gober des mouches coincées dans les tubes cathodiques de téléviseurs disposés ça et là. Sur la forme, bien évidemment, le passage à la 3D change quelque peu l’exploration mais aussi l’appréhension des séquences de plates-formes à proprement parler. Comme abordé un peu plus haut, Super Mario 64 a eu beaucoup d’influence sur le genre du plateformer, et Crystal Dynamics a visiblement beaucoup étudié et tellement apprécié le titre tant leur Enter the Gecko semble en être une copie presque conforme dans ses mécaniques : nous avons une sorte de château de Peach déstructuré (et marbré) pour accéder aux différents mondes, des objectifs à accomplir dans chacun d’entre eux (avec des indice textuels et visuels au démarrage), avec pour récompense des télécommandes en lieu et place des étoiles. Les zappettes, rouges pour les normales, argentées ou encore dorées, permettent ainsi de débloquer d’autres niveaux, qu’ils soient traditionnels, bonus, ou pour simplement accéder aux boss à combattre. A force, on parviendra au grand méchant de fin, puis au générique, tandis que les personnes les plus motivées pourront aller jusqu’à la complétion à 100%. Globalement, si on peut aujourd’hui dénoter un indéniable manque d’originalité dans son gameplay aux vues de ses apparentes inspirations, Enter the Gecko constituait à l’époque une alternative fort convaincante au jeu du moustachu pour celles et ceux qui ne possédaient qu’une PlayStation. De nos jours, on peut constater que le jeu n’est pas spécialement avare en contenu et reste plutôt réussi dans son ensemble, avec des univers bien conçus du côté du level-design, une difficulté plutôt adaptée et généreuse en obtention de vies, ainsi qu’une bonne ambiance générale. Pas révolutionnaire et pas mauvais non plus. Bon, le coup de pied sauté et les pouvoirs octroyés par les mouches ne servent pratiquement à rien, et quelques agaçants écarts sont à dénombrer par rapport à son modèle en ce qui concerne les contrôles de son héros, avec d’un côté une fonction analogique pas du tout réactive qui poussera à jouer intégralement au pad directionnel quitte à s’en crisper et chauffer les pouces, et de l’autre une caméra proposée en trois modes – automatique, semi-automatique et manuelle – dont le troisième sera probablement la plus pratique et la moins frustrante tant les deux autres font absolument n’importe quoi en toute situation, se bloquant dans les murs ou changeant d’angle alors que l’on en avait pas spécifiquement besoin à ce moment là. On pestera parfois, donc.
La recopie s’arrête là, fort heureusement, Crystal Dynamics ayant suffisamment bien pensé sa mascotte dans le premier épisode, donc autant continuer sur la même lancée. Dana Gould, déjà auteur et voix de l’opus précédent, rempile ici pour donner à nouveau une personnalité cynique et comique à Gex, et compilé aux niveaux conçus comme des parodies ou hommages à différents films ou genre de films, le gecko aura toujours une réplique cinglante et référencée à sortir. Sur ce point, c’est souvent assez drôle, plus adapté à un public européen, et toujours avant tout adressé aux adultes ou aux amateurs de cinéma. Pour accompagner cela, Gex sera parfois fagoté de costumes correspondant au thème d’un niveau : ainsi, on le verra porter la tenue d’Indiana Jones, d’un Stormtrooper ou de Bruce Lee, sans que cela apporte quoi que ce soit d’actions supplémentaires, mais c’est toujours sympa, surtout quand en parallèle, nos oreilles entendent des réinterprétations évidentes de célèbres thèmes musicaux de John Williams. De la bonne parodie, en somme, qui fait souvent sourire. Pour revenir sur Gex lui-même, on notera que pour le territoire européen, Dana Gould est au doublage remplacé par l’acteur britannique Leslie Phillips, pour à priori coller davantage au style James Bond du héros apposé sur la jaquette et l’introduction du jeu. La personnalité de Gex s’en voit ainsi changée pour un flegme sans pareil, mais l’écriture n’ayant pas été revue et l’acteur visiblement pas briefé par le développeur ou l’éditeur, bon nombre de répliques ne sont pas dans le ton, incompréhensibles, ou voir totalement retirées. Après, que l’on se rassure (ou pas), le gecko parle autant qu’avant, c’est toujours agaçant à la longue, mais les options comportent encore de quoi le faire taire.