Mirror’s Edge Catalyst

Rien ne sert de courir

Genre
FPS / Plates-formes
Développeur
DICE
Éditeur
Electronic Arts
Année de sortie
2016

La fin de l’année 2008 fut source d’un notable retour à la créativité du côté d’Electronic Arts, puisque c’est durant cette période que l’éditeur sortit coup sur coup Dead Space et Mirror’s Edge, respectivement développés par Visceral Games et DICE, pour un accueil critique et public conséquent mais des ventes assez mitigées. Dead Space, peut-être le plus vendeur des deux, résulta sur une franchise plutôt juteuse en sang et en bidoche avec notamment six jeux et deux films distillés ça et là jusqu’à la fermeture brutale de Visceral, tandis que Mirror’s Edge, malgré son statut de jeu culte et une communauté solide, ne dut se contenter que d’un jeu mobile et d’un comics… Sortis en fait en parallèle du jeu. Il aura fallu pas loin d’une dizaine d’années, et moult réclamations des fans, pour que Electronic Arts et DICE, très occupés par de la guerre en multijoueur, qu’elle se passe dans un passé un peu réinterprété ou dans un futur plein de lasers, prennent cinq minutes pour se dire que remettre la licence sur les rails, cela pourrait être une bonne idée, surtout quand en plus, on a un chouette moteur graphique qui envoie du steak à rentabiliser. Quitte à repartir de zéro.

L’univers de ce nouvel épisode, nommé Catalyst, on le connaît déjà. Une ville futuriste, pleine de grattes ciels étincelants, où vit une population ultra-surveillée et asservie par une technologie contrôlée par plusieurs conglomérats aux objectifs économiques des plus discutables. Celles et ceux qui ne font pas partie de la haute caste sont réduits, pour survivre, à travailler pour ces sociétés en tant que « traceurs », des coursiers funambules risquant leurs vies pour être encore moins rémunérés que trois kopecks. Tout le monde étant surveillé partout et tout le temps, le moindre écart ou un simple prémisse de rébellion sont réprimés manu militari par la milice des super compagnies, du passage à tabac à la disparition inexpliquée.

Dans cette « dystopie », on y retrouve Faith, coursière rebelle qui vient tout juste d’être libérée d’une prison haute-sécurité. Alors qu’on pourrait croire que l’enfermement aurait pu lui inculquer que patience est mère de sûreté et ainsi de se faire oublier pendant quelques temps, elle n’attendra guère plus de cinq minutes pour se remettre directement au travail pour la résistance, et même pas, pour un job discret au départ, mais bien pour de grosses opérations, avec tous les ennuis qui vont en résulter, et ce malgré les réticences de son mentor. Ce qui est déstabilisant au début de cet opus, c’est que l’on ne sait guère pourquoi Faith a séjourné en prison, ou simplement ce qu’il a bien pu se passer depuis le dernier épisode. On comprendra rapidement qu’il n’y a pas eu d’avant, puisque DICE a tout simplement décidé de rebooter Mirror’s Edge sur un socle scénaristique tout neuf. Hormis le contexte, Faith elle même et quelques références à d’anciens (?) personnages, il s’agit bien là d’une nouvelle histoire, avec de nouveaux alliés et ennemis. Enfin, quasiment. Le fond baigne toujours autour du totalitarisme futuriste, la résistance qui tente d’enrayer tout cela, et la destinée de notre héroïne va bien entendu dépasser celui d’un simple enrayage d’une machine technologique et politique, anxiogène et inégalitaire.

Bon. Admettons pour le reboot du scénar’, mais cela n’explique toujours pas le début du jeu. Pour ce point, il a été décidé de remplacer une simple et rapide cinématique par une préquelle diffusée uniquement via des comics, à savoir Mirror’s Edge : Exordium, au travers pas moins de… Six volumes, plus spécialement trouvables de nos jours en français, pour le peu qu’il y est eu une édition française. Voilà un bien étrange choix de scénarisation, surtout quand il est présenté au détour d’un écran de chargement. Durant dans les premières heures de l’aventure, on se demande souvent qui sont ces personnages présentés comme si l’on devait déjà les connaître depuis déjà longtemps, et surtout pourquoi Faith a l’air d’avoir autant d’emmerdes avec les mafieux du coin, et aussi sa volonté assez importante de récupérer quelque chose auprès d’eux. Ne partant déjà pas sur de bonnes bases, on pourrait s’attendre, tout de même, à une exécution correcte dans la continuité, mais ce n’est malheureusement pas le cas, tant les alliés ou ennemis que va rencontrer Faith manquent, pour la majorité d’entre eux, du moindre charisme. Il était déjà difficile de s’incruster dans l’histoire, mais il est encore plus compliqué de vraiment s’y impliquer tant les dialogues, plutôt nombreux et distillés au travers de plutôt jolies cinématiques, se résument très régulièrement à des engueulades puériles, sans portée aucune, entre les différents protagonistes qui ne se font pas une minute confiance. On voit les choses arriver à dix kilomètres, et on ne peut être qu’aussi blasé que Faith. Une critique quelconque quant au contexte, à l’ambiance totalitaire, à l’ultra-connexion, au sort de livreurs sous-payés ? Non, ou alors c’est tellement succinct ou mou que cela ne marque pas. A bien y repenser, les évènements qui se déroulent dans Mirror’s Edge Catalyst n’ont aucune teneur ou impact notable, si ce n’est à quelques très rares moments, et ce n’est finalement qu’un simple prétexte pour aller visiter de nouveaux endroits de la ville ou encore préparer le terrain à une future séquence action à la mise en scène musclée. Le premier épisode ne volait pas énormément haut dans son intrigue, mais celle-ci tenait davantage aux tripes. Là… On oublie au bout de cinq minutes l’origine de notre mission ou quelle personne nous a parlé pour se concentrer sur le plateforming.

Si DICE s’est décidé à reprendre à zéro son scénario, il n’a (fort heureusement) pas entrepris de modifier entièrement le gameplay pour ce Catalyst. Il y a même pas mal eu d’évolutions, vu que depuis 2008, pas mal de FPS sont passés par là, et que le développeur a été attentif. Le concept de base n’a pas changé, puisqu’il s’inspire toujours du parkour, appliqué ici dans un jeu-vidéo, où nous allons être amenés à parcourir la ville de la manière la plus acrobatique possible, principalement en courant, grimpant longeant les murs, et utilisant l’ensemble du mobilier urbain mis à disposition pour des acrobaties souvent dangereuses, mais nécessaires pour accéder sur un point escarpé tout en évitant de se faire choper par la milice qui rode partout. La cité futuriste, sans avoir l’architecture pensée uniquement pour ça, et c’est un bon point, offre un terrain de jeu idéal, ses grues, corniches, échafaudages, et Faith dispose, en plus d’une endurance hors du commun, une panoplie de mouvements à appliquer dans toutes les situations. Il s’agit toujours d’aller, au fil de l’histoire, d’aller d’un point A à un point B de la manière la plus simple possible compte tenu du monde bétonné et parfois tortueux ambiant. Toujours dotée du « sens urbain » lui permettant de voir les prises et accès facilement abordables via un liseré rouge, désactivable pour les personnes les plus accomplies, notre héroïne peut courir à l’infini tout en enjambant aisément les petits obstacles, longer les murs, sauter en alternance sur ceux-ci, se balancer sur des tuyaux, glisser sur différentes surfaces, et moult autres impressionnantes acrobaties. Tout se fait presque automatiquement et avec une fluidité certaine à condition d’avoir le bon timing et une bonne estimation des distances, car sinon, c’est la chute mortelle assurée. Le principal changement est comment ces parcours sont présentés, ou plutôt, conçus.

Si l’épisode originel proposait, à l’instar de sa narration, une structure tout à fait linéaire, on passe maintenant sur un monde ouvert, avec bien plus de possibilités quant à l’appréhension du terrain qu’avant. Après, vu l’environnement aérien, cette notion se veut limitée à un réseau tentaculaire de chemins plutôt qu’un vaste open-world, mais l’ambition de proposer du mieux est là. On sent particulièrement bien l’inspiration d’un certain Far Cry 3, l’antagoniste percutant en moins, dans les objectifs annexes proposés, puisqu’il sera maintenant possible, en plus de la quête principale, de relever quelques défis acrobatiques sur certains spots ou encore d’aller rendre service, qu’ils soient des personnes connues de Faith ou de parfaits inconnus. Si l’objectif varie entre aller apporter tel objet à tell individu ou de faire le meilleur chrono sur un tracé, il s’agira d’aller tout simplement d’aller le plus vite possible et souvent de pulvériser un record, qu’il soit proposé par le développeur ou par un autre joueur, car, petit mode multijoueur online – mais pas trop – oblige, il sera possible de proposer ses propres défis. Pour le peu que les serveurs en ligne restent encore ouverts quelques temps.

Dans la même mouvance, Faith se voit maintenant amputée d’un grand nombre de techniques autrefois disponibles dès le début de Mirror’s Edge. Il faudra maintenant jouer des coudes et des missions pour gagner des points expérience et débloquer par la suite de nouvelles capacités, qui vont de la roulade à la réception d’un saut important à différentes actions et une meilleure aptitude à gérer certaines catégories d’ennemis. Si la volonté de proposer un arbre de compétences est bien là et louable, on s’aperçoit que le compléter ne demande finalement que de boucler un chapitre pour débloquer le nombre de points nécessaires, voir la dite compétence sans vider de crédit. Dans les nouveaux ajouts aux mouvements de notre héroïne, on notera la présence d’une barre de focus lui permettant d’améliorer la vitesse et l’enchaînement de ses mouvements et d’esquiver plus facilement les ennemis qui se mettront au travers de son chemin, un grappin qui permettra de se balance entre deux immeubles et de s’accrocher à quelques surfaces et d’atteindre des hauteurs auparavant inaccessibles, ou encore d’une poignée de brouilleurs visant à embrouiller pendant quelques temps la milice du coin et leurs casques connectés, offrant ainsi la possibilité de s’échapper ou d’aller à la castagne.

La baston est justement l’élément qui change le plus sur ce nouvel épisode. Si la fuite était plus que conseillée mais les affrontements plutôt gérables dans l’opus précédent, Mirror’s Edge Catalyst met davantage en avant les combats ainsi que, bien logiquement, un système de jeu bien plus poussé sur cet aspect, et dont il faudra en maîtriser les bases pour tout simplement progresser dans le scénario. Car en face, les conglomérats ont un budget conséquent pour assurer la répression sécurité des concitoyens à en faire pâlir le moindre ministère des armées, avec de petites brigades de cinq ou six hommes prêts à intervenir à la moindre activité suspecte. S’il le faut, des drones et des hélicoptères viendront prêter main forte. On pourrait croire que l’obtention d’une arme de poing réglerait facilement le problème, mais astuce scénaristique, celle-ci est associée à l’ADN de son utilisateur, et n’est donc (étrangement) pas piratable pour être utilisée par notre héroïne, qui ne pourra faire parler que les coups. Partant sur une base assez simple d’une attaque faible, rapide mais pas puissante, et d’une forte, plus dévastatrice mais facilement évitable, il suffira d’associer l’ensemble des autres mouvements, comme le saut ou la course, pour attaquer d’une manière différente. L’utilisation d’une direction lors d’une action permettra d’orienter son coup, mais également de parer ou d’esquiver, avec le bouton associé et le bon timing, bien évidemment. Les adversaires, eux aussi, en plus d’utiliser de la mitrailleur, joueront parfois les gros bras et viendront au contact. La ruse ainsi que pas mal d’esquives seront donc nécessaires pour les défaire selon le type abordé. Sympa sur le papier, pas trop mal dans son application avec quelques scripts qui viennent pimenter les affrontements, les contrôles des combats sont quand même assez étranges, avec une espèce de verrouillage pas toujours pratique et avec globalement pas toujours l’impression de bien comprendre l’attendu sur certains ennemis, qui eux n’hésiteront pas à nous liquider notre barre de vie en deux trois coups bien placés. On constate les possibilités, mais l’application reste assez brouillonne, du moins avec un combo clavier/souris.

Pour contrebalancer un peu les points négatifs cités jusqu’alors – surtout que les combats ne sont pas si nombreux que ça – il faut quand même avouer que l’expérience offerte par Mirror’s Edge Catalyst est mine de rien plutôt réussie et convaincante. La partie plateforming a subit pas mal d’aménagements, notamment sur le level-design design donc, ce qui offre quand même de gros moments grisants où l’on s’échappe, in extremis mais avec une aisance souvent déconcertante, aux différentes situations qu’elles soient amenées durant l’exploration ou durant certains chapitres où Faith se met dans une vraiment sale situation. Puis visuellement, le Frostbite, même s’il aurait pu apporter un peu plus d’interactivité, propulse le jeu d’une fort belle manière, pour le peu que l’on aime les environnements urbains d’une propreté irréprochable et une haute teneur d’effets lumineux renvoyés par les panneaux lumineux qui juchent la cité futuriste. Niveau sonore, très bonne nouvelle enfin, puisque Solar Fields, le musicien qui nous avait déjà concocté la superbe bande-son du premier titre, a été rappelé : bien plus consistante compte tenu de la longue rallongée du jeu, elle a tendance à tendre plus sur de l’ambiance spatiale, mais sait, durant les moments plus pêchus, bien se montrer pour balancer de l’hypnotique rythmique. Un régal pour les oreilles.

Mirror’s Edge Catalyst
Appréciation
La volonté est certainement là, mais on ne va pas dire que ce reboot est irréprochable sur tous les points. Drôle a été déjà le choix de reprendre les choses à zéro sur l’univers de Mirror’s Edge. Encore plus d’avoir décidé de tronquer son introduction par une série de comics qui n’a visiblement pas été diffusée comme il se doit. Ce qui pèche, au final, sur ce Catalyst, c’est que le malgré tout ce qui pouvait être traité et critiqué au travers de cet univers dystopique, rien n’en aura vraiment été retenu, ou alors pas dans l’ambition à laquelle l’on pourrait s’attendre, vu que l’écriture est molle et les personnages oubliables. On pourra heureusement apprécier le gameplay qui a subit une véritable évolution ici, bien que perfectible avec ses combats un peu confus, qui reste encore grisant aujourd’hui dans sa globalité, d’autant plus que le contenu, plein de défis est de trucs à trouver, résulte sur une durée de vie plutôt conséquente et appréciable. Cependant, connaissant la politique d'Electronic Arts, et à la vue de l'accueil général, nous ne sommes visiblement pas encore prêts de revoir un prochain opus. Et c'est quand même dommage.
Points forts
Pas mal d'évolutions
Parfois grisant
Joli, mine de rien
Bande-son spatiale
Points faibles
Scénario sans teneur...
... et au début tronqué
L'aspect RPG mouaif
Combats parfois confus