Drive

Drive, c’est l’histoire d’un homme à l’apparence ordinaire. Mécanicien et doublure de cinéma le jour, il apparaît sous les traits d’un véritable pilote, la nuit, pour le compte de truands locaux. Cette schizophrénie est maintenue par Ryan Gosling (La Faille, Calculs Meurtriers, Les Marches du Pouvoir) ne laissant que rarement échapper une émotion. Vivant seul, il a pour unique ami Shannon, campé par Bryan Cranston (la série Malcom), un patron aussi bavard que son employé est calme. Ses petites habitudes sont toutefois perturbées par son rapprochement avec Irene (Carey Mulligan) et son fils Benicio, sa jeune voisine dont le mari est en prison, Standard (Oscar Isaac). Notre « driver » – son identité reste éternellement cachée – se retrouve impliqué dans un casse qui se passe mal…

Le pitch pourrait obtenir la palme du classicisme tant il a été vu et revu. Nombreux sont les réalisateurs qui s’y sont cassés et qui s’y casseraient les dents. Nicolas Winding Refn, lui, s’en sort haut la main. Prenant à contre-pied la plupart des clichés hollywoodiens, il marque Drive de son emprunte de réalisateur contemplatif. Le responsable de Valhalla Rising use et abuse des temps morts et des scènes qui durent. Non sans raison, puisque s’appuyant non seulement sur un cadrage hors pair – ce qui lui a d’ailleurs valu le prix de la meilleure mise en scène lors du festival de Cannes 2011 – mais également sur le jeu de ses acteurs, dont les gros plans laissent découvrir chacune des émotions. Pour épauler les protagonistes cités, Ron Perlman et Albert Brooks se donnent la réplique dans le rôle de deux mafieux que tout oppose, pourtant associés. Aussi méprisables qu’ils puissent être, leur présence crève l’écran, avec une mention spéciale à Albert Brooks délicieusement détestable qui contribue fortement au paysage violent dépeint par Drive.

Drive sait alterner froideur et violence exacerbée. Le symbole : Ryan Gosling. A la limite de la schizophrénie, il mène une vie finalement sans encombre. D’un naturel peu expressif, il n’incite pas au dialogue. A l’inverse, quand il s’agit de protéger des êtres chers, il se révèle être un monstre. Effrayant au passage le spectateur, rivé depuis la première minute de pellicule au moindre rictus de ce héros pas comme les autres. NWR en profite d’ailleurs pour bouleverser certains codes, nous surprenant dans des scènes anodines (une discussion entre deux voisins), omettant volontairement de s’arrêter sur des moments-clés (la mort d’un personnage) et nous proposant des courses poursuites à petite allure (la scène d’ouverture). Même la fin saura en déboussoler quelques uns, tant par son originalité et ses sous-entendus. En dehors de l’histoire qui nous est contée, rien ne laisse supposer un passé au héros. L’imagination sera la meilleure clé pour apposer une étiquette au « driver ».

Nicolas Winding Refn ne s’encombre pas d’emballage, affichant un minimalisme voulu et assumé, offrant un cachet inimitable à son œuvre. Le rythme du film est à l’inverse de ce que laisse supposer son titre et sa bande annonce – ce qui lui a valu quelques déboires. Le suspense ne disparaît cependant pas un seul instant, NWR nous habituant très vite aux retournements de situation. Ainsi qu’à une bande sonore – signée Cliff Martinez (Narc, Traffic) – typée années 80, hors de propos dans beaucoup de productions, et sublimant l’action dans Drive. Elle amène souvent la douceur manquant à la scène, de par ses élans pop excellemment bien choisis et très souvent rétro. Encore une fois, une étonnante réussite.

Du début à la fin, Drive cumule les bons points, mais pas ceux du bon élève qui récite sa leçon, plutôt ceux du surdoué qui surprend la classe par sa façon de penser. NWR fait décidément partie de ces réalisateurs à surveiller du coin de l’œil, tout comme Ryan Gosling que l’on ne pensait pas aussi impressionnant. Intriguant, fascinant et définitivement captivant, Drive réussit le coup de maître d’être un polar noir original. Sacrée performance.

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  1. Je rejoins ton avis sur le film. Je m’attendais à plus d’action (à la vue de la bande annonce ahah) mais finalement j’ai vraiment été absorbé par la « lenteur » du film et le héros, intriguant et terrifiant à la fois. Beaucoup de regards (mention spéciale à celui du driver dans la scène de l’ascenseur), pas vraiment de dialogues, et ça marche diablement bien. Puis les plans aériens à la Collateral sur fond du « Nightcall » de Kavinsky au début du film… Magique.

  2. C’est un film noir comme à la grande époque. Il est plus « moderne » car le héros ne meurt pas à la fin, quoique son immobilité puisse passer pour une sorte de coma.
    D’ailleurs ce film traite du coma, selon moi. Les persos sont tous dans une impossibilté de vivre pleinement pour des raisons propres à chacun.
    Le héros est à rapprocher de celui de « Une histoire de Violence », de David Cronenberg.
    Bon film, hypnotique du début à la fin.

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