Les portes du survival-horror défoncées à grands coups de tatanes par le cultissime Resident Evil, non sans s’être inspiré des fondements établis par un certain Alone in the Dark, une horde de développeurs se sont engouffrés dans le filon en espérant profiter d’un engouement certain de la populace pour la tripaille et de petites séances de flippe en solo. Polygon Magic est probablement un des derniers acteurs à s’être investi dans ce genre sur une PlayStation vieillissante mais pas encore décidée à passer la main sans balancer ses derniers atouts sur la table. Avec Galerians, le développeur nippon compte bien nous montrer un futur où la technologie est loin de faire que le bien. Loin de là.
Départ pour Michelangelo City, dans les très lointaines années 2500. A l’intérieur du principal hôpital de cette ville architecturée comme au beau milieu du vingtième siècle, une équipe de scientifiques se livre à des expériences éthiquement pas très correctes sur de jeunes cobayes humains. Ryan, l’un d’entre eux, est endormi, attaché sur une table d’opération. Durant un rêve des plus étranges, une fille prénommée Lilia le somme de venir la sauver, sans pour autant lui dire où elle se trouve. Ceci intervient juste avant que Ryan ne soit brutalement réveillé par l’injection de deux substances (des Psychic Power Enhancement Chemical ou PPEC) dans le cou via de monstrueuses seringues. Comme on s’en rendra compte rapidement, ces administrations lui conférera des pouvoirs psychiques suffisamment puissants pour permettre à notre héros de se libérer des sangles métalliques qui le maintenaient jusqu’alors tranquille, et accessoirement tuer du monde par la suite. Amnésique, bien shooté et grave sur les nerfs, il ne cesse d’entendre la voix de cette mystérieuse fille. En plus de s’échapper du centre hospitalier, il décide alors de la retrouver, en espérant que cela l’aide à savoir qui il est vraiment et que sont devenus ses parents. Il s’apercevra bien vite que le directeur de l’hôpital, le Dr. Lem, un certain nombre d’adolescents aux pouvoirs similaires, et surtout Dorothy, le super-ordinateur aux tendances destructrices et mégalomaniaques qui régit la ville, en veulent à sa propre existence ainsi qu’à celle de sa nouvelle amie. Le scénario très typé « anticipation » de Galerians puise ses inspirations dans les célèbres et excellents mangas – et leurs adaptations en animés – que sont Akira et Ghost in The Shell : une idée encore très peu exploitée dans le jeu-vidéo à cette époque, particulièrement bien travaillée ici grâce à une intrigue très agréable à suivre, pas spécialement riche en rebondissements, mais avec pas mal de personnages barrés, le tout illustré par de nombreuses cinématiques (3 CDs composent le jeu) et une maturité des plus percutantes. Il est cependant dommage que pour avoir eu la chance d’avoir un jeu intégralement en français, nous dûmes nous taper un doublage vocal aussi désastreux. A croire que dans les années 90, quasiment tout ce qui était traduction « sonore » du japonais était fait à la truelle. Les plus attentifs noteront la présence du même doubleur (doubleuse?) que la voix (criarde) de Sangoku enfant.
Si le titre de Polygon Magic peut se vanter d’être original dans son univers et son scénario, il n’est pas difficile de voir transpirer Resident Evil au travers de son moteur graphique et son gameplay, quelques points divergents mis à part (dont le fait que la notion de « flippe » est absente ici). A la sauce du titre de Capcom, on se balade dans des décors fixes modélisés en 3D pré-calculée avec son petit lot d’éléments qui réagissent au traditionnel bourrinage du bouton action. Les sacro-saintes portes blindées qui ne peuvent s’ouvrir qu’avec une clef cachée à l’autre bout du jeu sont également présentes, ainsi que de bien classiques énigmes simples à résoudre, surtout avec le pouvoir de clairvoyance de Ryan qui lui offre un indice visuel un peu trop parlant en scannant un objet ou un obstacle. Cette capacité sert parfois à en apprendre davantage sur certains aspects du scénario. Si la puissance mentale de notre héros ne lui permet pas de défoncer des portes en bois par simple pensée (un problème encore récurant dans les jeux d’aujourd’hui, avouons-le), il possède un trio d’armes psychiques en lieu et place des classiques pétoires, qui se rechargent par des piquouses dans le cou avec un pistolet-seringue. Le Nalcon et le Vermillon, disponibles dès le début de l’aventure, servent respectivement à envoyer de puissants obus télékinétiques et d’invoquer la puissance des flammes pour carboniser tout agresseur. A partir du second disque, on pourra utiliser le D-Felon, qui s’occupera de faire voler les ennemis un court instant avant de les projeter violemment sur le sol. Et puis voilà, c’est tout. Il s’agit là d’un arsenal des plus limités qui donnera la grimace à plus d’un joueur, d’autant plus que leur maniement n’est pas des plus pratiques : chacun d’entre eux demande en effet un certain temps de charge pour être utilisé à sa puissance maximale, sachant que pendant ce temps là, tout déplacement est bloqué, et que le moindre coup pris annulera ce cast. Hormis si le joueur prend un cachet qui augmente temporairement cette vitesse de charge, on est obligé d’éviter coûte que coûte le combat rapproché face à des ennemis rapides dont la moindre pichenette reçue fera pas mal de dégâts, en plus donc d’annuler la moindre des tentatives d’attaque. Et puis une maniabilité aussi raide que celle des jeux de Shinji Mikami n’arrange rien du tout, au contraire.
Un autre élément du gameplay est directement visible via cette mystérieuse barre violette située entre celles des HP et des munitions, qui correspond au niveau d’accoutumance de Ryan aux PPEC et qui se remplit en prenant des coup et en attaquant. Une fois pleine, la moindre visée fait passer Ryan en mode « overdose », ce qui lui confère une force offensive dévastatrice – le moindre ennemi proche est immédiatement neutralisé – au détriment d’une vitesse de mouvement largement amoindrie et surtout d’une vie qui se désagrège irrémédiablement. Un petit médoc dans le gosier et on peut repartir tambour battant. Presque en conséquence de cette variable, une gestion très drastique de sa petite pharmacie personnelle déterminera une bonne partie de la progression dans le jeu. On ne peut emporter avec soit qu’une dixième d’objets et si avoir deux ou trois gélules et au moins une ou deux recharges pour le pistolet-seringue est vivement conseillé, ceux ci sont disposés tellement aléatoirement que l’on se retrouve parfois à se balader avec les poches pleines d’objets en surplus (et donc inutiles) en quête d’une recharge ou d’un médicament dont on a pas vue la couleur depuis trente minutes. On peut carrément foutre en l’air une partie si l’on sauvegarde au mauvais moment. Il n’est en effet pas difficile de se retrouver avec aucun moyen de calmer une overdose (ou de se soigner) face à un boss qui réclame une quantité indescriptible de coups et qui en a rien à carrer du mode super saiyen de Ryan.
Il est notable de souligner que pour son arrivée en Europe, Galerians a été nettement censuré par rapport aux versions américaines et japonaises. La chose n’était guère facile à remarquer à l’époque, nos sources d’informations étaient principalement régies par les magazines, YouTube n’existait pas et l’import de jeux était une entreprise onéreuse et parfois difficile. Mais aujourd’hui il est aisé de déceler les différences. Si on met de côté la jaquette japonaise légitimement modifiée, ladite censure débute avec l’introduction dont on a retiré les 30 dernières secondes (voir ci-dessous), une tronque durant laquelle on aurait dû voir le travelling d’un couloir ensanglanté avec des cadavres dispersés ici et là pour finir sur un zoom vers le regard (très) dérangeant du héros. Le plus cocasse c’est que la chanteuse est créditée dans le générique final dans la version PAL alors que la partie où on peut l’entendre pousser la chansonnette a été retirée. On remarque par la suite que certaines attaques sont bien moins gores que dans les moutures outre-Atlantique, notamment quand Ryan est en mode overdose. Si d’un côté, la tête d’un ennemi « explose » dans une bonne rincée d’hémoglobine, nous autres n’avons le droit qu’à admirer quelques convulsions et de petites traces de ketchup histoire de. Non mais c’est sûr, virer un peu de sang dans un jeu où un gamin qui porte un collier de chien butte d’autres gosses aussi drogués que lui, et où l’on aperçoit des enfants lobotomisés, des fœtus dans du formol, des abominations génétiques, une personne pendue dans sa salle de bain, et un prêtre pervers (dont les intentions sont à peine camouflées dans la version française), cela va éviter de choquer les joueurs et de s’attirer les foudres des associations de parents.
Introduction non censurée (USA / JAP)
Introduction censurée (PAL)
Jeu non censuré (USA / JAP)
Jeu censuré (PAL)