L’œil du Mal, c’est un peu le film que l’on va voir faute de mieux. Devant le cinéma, un 24 décembre, avec votre meilleur pote, vous restez hébété devant les différentes affiches sans réellement savoir que choisir. Une histoire d’amour en Australie ? Le récit animé d’un renne ado ? Les aventures d’un jeune héritier multimilliardaire ? Finalement, ce sera L’œil du Mal. Vous prenez place dans la salle, au milieu de cinq clampins, pop corn à la main et attendez tranquillement le générique. Il faut bien s’occuper. Deux heures plus tard, vous ressortez le sourire aux lèvres, totalement soufflé par ce que vous venez de vivre. C’était L’œil du Mal…
J’ai ri chaud
Jerry Shaw enchaîne les petits boulots sans trop faire de projets. Issu d’une famille aisée, il a à cœur de ne pas suivre les recommandations de son père. Opposé à tout type d’autorité, il préfère vagabonder, entre New York et Hong Kong en passant par l’Alaska. Il a trouvé un petit job dans une boîte de reprographie. Il rentre chez lui, sa mère l’appelle : son frère est décédé. Il part donc se recueillir au dessus du cercueil de son frangin, de son surdoué de jumeau. QI de 192, docteur en physique quantique, il était le préféré de la famille. En rentrant chez lui, Jerry découvre des dizaines de cartons. Passeports, fusils, chargeurs. Vingt minutes auparavant, son compte était crédité de 750 000 dollars. Le téléphone sonne, une voix lui dit qu’il a 30 secondes pour fuir avant que le FBI ne débarque. Il est perdu, ne comprend pas et se retrouve arrêté.
Rachel est une jeune mère divorcée. Devant l’incapacité de son mari à s’occuper correctement de leur enfant, elle a décidé de lui interdire l’accès à la maison. Du coup, elle se retrouve en charge de Sam. Ce dernier part d’ailleurs jouer un concert en compagnie de son petit orchestre. Rachel, trop occupée par son travail et tracassée par les revenus familiaux, se résout à laisser partir son fils. Alors qu’elle s’offre enfin un moment de répit avec ses amies, son fils l’appelle. Ce n’est pas lui, c’est une voix de femme qui l’accueille en lui promettant la mort de l’homme de sa vie si elle ne suit pas ses directives. Contrainte et forcée, Rachel monte dans une Porsche Cayenne noire…
Le mal a l’œil pour les bonnes choses
Les deux fugitifs vont se retrouver, guidés par cette femme. Totalement manipulés, ils vont commettre une série de délits dont l’enjeu leur échappe totalement. Mais s’ils ne comprennent pas ce qu’il leur arrive, le spectateur non plus. Vous suivez les déboires de ce couple tout au long de pérégrinations toutes plus improbables les unes que les autres. Mais là où l’incompréhension est à son paroxysme, c’est dans la maîtrise que semble posséder les personnes se cachant derrière ce complot. Ils contrôlent les trains, les caméras de surveillance, les photocopieurs, les voitures, les grues. L’intégralité des appareils modernes sont à leur merci. Evidemment, il est difficile de ne pas y voir un récit d’anticipation. Steven Spielberg, simple producteur, devait, au départ, réaliser le long-métrage. Totalement pris par le quatrième épisode d’Indiana Jones, il a cédé sa place à D.J. Caruso (Paranoïak). Et même si le grand monsieur n’a pas dirigé, son ombre plane sur le film. Non seulement au niveau du scénario, mais également du choix de l’acteur. Shia LaBeouf. Jeune égérie américaine et chouchou de Spielberg, il connaît, notamment depuis Transformers, une montée en puissance assez sympathique. Paranoïak, Indiana Jones et le Royaume du crâne de crystal et là L’œil du Mal.
De simple péquenot, il assume au fil du temps son statut d’homme devant protéger la veuve et l’orphelin. Le Shia LaBeouf de la fin d’histoire est d’ailleurs formidable. Mais il n’est pas le seul à l’être : le dénouement est exceptionnel, tout simplement. Le film distille au fil des minutes son lot de cascades de non-révélations, à la fois frustrantes et incroyablement intéressantes. Le début du film nous laisse entrevoir une pâle copie d’Ennemi d’Etat, référence en matière de film à suspense. Pourtant D.J. Caruso impose très vite son style et ne vous laisse pas un seul temps mort. Il vous embarque dans toutes ses péripéties sans jamais vous faire douter.
Jacques a dit…
Il faut dire que le film enchaîne les courses à toute berzingue, sans temps mort. L’analogie avec la trilogie Die Hard ne peut que sauter aux yeux des cinéphiles. L’ambiance terroriste-inconnu-qui-veut-mettre-à-mal-l’éconnomie-américaine-s’amusant-avec-un-duo-de-héros-paumés-mais-pas-choisis-au-pif est ici retrouvée, saupoudrée par l’opinion visionnaire de Spielberg mélangée à une satyre de la société actuelle. L’envie de vouloir tout contrôler et surveiller est ici mise à mal, bien qu’impressionnante. La première partie du film – autant dire la période où vous vous battez pour comprendre ce qu’il se passe – en fait en effet l’apologie montrant la toute-puissance de celui qui contrôle tout. C’en est même jouissif à suivre, tout étant si « parfait ». Il est impossible d’effleurer ne serait-ce que partiellement ce qui survient durant les deux heures de projections tant le moindre indice ruinerait immédiatement tout le suspense. Pour une fois que vous êtes face à un thriller à l’issue réellement intéressante, il serait dommage de vous la gâcher.
Et pour préserver ce secret, la production a fait appel à un casting grand luxe puisque vous retrouverez Rosario Dawson, Billy Bob Thorton, William Sandler et un très calme mais incroyablement charismatique Michael Chiklis. Pas de profusion d’acteurs connus pour simplement attirer les gogos. Là où L’œil du Mal (traduction plus que douteuse de Eagle Eye) fait plaisir, c’est dans sa constante envie de satisfaire le spectateur. Comment le voir ? Par l’absence de surenchère. Pas question ici d’allonger les scènes d’action. Aucun dialogue à l’eau de rose pour instaurer une amourette. Non que le destin de deux personnages que tout sépare et qui tentent de comprendre ce qui leur arrive. Leurs personnalités, diamétralement opposées, offrent d’ailleurs une complémentarité absolument remarquable. Le je-m’en-foutisme de Jerry est compensé par la douceur de Rachel ; et les rôles ne restent pas figés. Ils s’inversent tout au long du film. Une véritable hélice qui vous propulse sans arrêt en avant sans que vous ne puissiez stopper la machine.
Il gueule ! Aïe !
Et il faut bien l’avouer : il est difficile de vouloir l’arrêter. La plus grande force de L’œil du Mal provient de son effet de surprise. Nul ne l’attendait. Sa réputation s’est faite au bouche à oreille. A sa sortie dans les salles, vous n’entendiez parler que de Largo Winch et d’Australia. Pourtant, sommeillant dans les salles obscures de votre cinéma, il attendait que vous veniez vous faire happer par son intrigue haletante. Un vrai bon film à suspense, mêlant action, drame et message. Aucun élément ne prend le pas sur les autres. Ils s’ajoutent pour former un ensemble cohérent et diablement accrocheur. Une des révélations de la fin 2008 au cinéma et l’un des films à ne pas rater en DVD et Blu-Ray.