Ace Attorney : Phoenix Wright – Justice For All

Phoenix-Wright-Justice-For-All_Jaquette[dropcaps style=’2′]L’année 2006 voyait débarquer un bien étrange concept pour nos petites DS franchouillardes nommé Ace Attorney : Phoenix Wright. Présenté comme étant une simulation d’avocat, on se dit qu’avec une telle base, sa provenance du Pays du Soleil Levant ne fait aucun doute. En même temps, il n’y a vraiment que les Nippons qui sont capables d’avoir et surtout assumer l’audace de tels concepts singuliers et originaux. Malgré tout, ces derniers sortent très rarement de leurs frontières, ce qui explique la surprise générale lorsque Capcom s’est décidé à l’éditer sous nos latitudes européennes. Mieux encore, le sortir en version traduite dans la langue de Molière. Une sacré prise de risques également de sa part car le succès était très loin d’être garanti. Et pourtant, grand bien lui en prit puisque la série des Ace Attorney a bien réussi à trouver son public. Il s’en est même vu naître une des communautés les plus dévouées à défaut d’être étendue à très large échelle (en France en tout cas). Mieux encore : pour beaucoup, la série des Ace Attorney, fans dévolus ou non, est considérée comme un must-have de la DS, une série de jeux incontournables qu’il serait bien dommage de louper, surtout si l’on apprécie l’aventure typée point’n click vu que la série s’en rapproche autant qu’elle s’en éloigne. Et ce qui devait arriver arriva. Fort de l’estime recueillie par le premier opus, le second, Justice For All, a fini également par fleurir sur les étagères de nos échoppes, lui aussi en version localisée. Une aubaine qu’il serait dommage de louper et voici donc pourquoi le second opus est tout aussi indispensable que les autres, même s’il reste toutefois moins séduisant que son prédécesseur et son successeur.[/dropcaps]

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Une simulation d’avocat ? Objection !

Catégorisé un brin hâtivement dans la simulation d’avocat de par sa promotion dans nos latitudes et nos médias qui s’y sont également engouffrés – ils n’y ont pas marché mais carrément couru – il n’empêche que même si on ne pourra pas retirer le fait qu’on y incarne bel et bien d’un avocat, la série des Ace Attorney n’a toutefois rien d’une simulation. Je vous mets d’ailleurs au défi si vous ne me croyez pas d’enfiler une robe noire à col blanc et de défendre la veuve et l’opprimée dans nos salles de tribunaux, juste parce que vous avez joué à cette série et non parce que vous avez mis les pieds dans un amphithéâtre de droit. Je vous donne à peine deux minutes avant de vous faire virer à grands renforts de coups de pied aux fesses accompagnés des ricanements de l’assistance. Parce que bon, soyons clair, les Ace Attorney ne sont clairement pas des simulations d’avocat comme on l’a si bien rabâché dans vos oreilles lorsque Capcom s’est décidé à éditer le premier volet en Europe. On ne sera nullement amené à passer tout le jeu à éplucher les textes de droit à la lettre près afin d’y trouver une faille qui permettrait d’arranger les affaires de notre clients. Reconnaissons-le, c’est heureux tant le dialecte du droit – oui, il a beau utiliser des mots français, ils sont enchevêtrés d’une telle manière que ça en devient presque une langue à part entière – c’est chiant comme la mort pour le commun des mortels.

Votre serviteur préférera dire que la série se compose de jeux d’avocats plutôt que de simulations comme ça a pu être dit. Parce qu’au final les Ace Attorney, qu’est-ce que c’est ? Eh bien, du visual novel teinté d’un soupçon d’aventure tendance point’n click où l’on incarne un avocat dans un univers japonisant comme on en voit en masse dans les shônen. Autant dire, en terme de réalisme, on repassera ! Malgré tout, mine de rien, c’est par ce genre de caractéristiques que la série arrive à tirer son épingle du jeu. Parce qu’honnêtement, si on restait calqué sur la réalité, qui voudrait incarner un avocat ? Si l’on retire sa situation sociale aisée qui a de quoi faire des émules, on ne peut pas dire que le métier vende du rêve. Entre le fait de potasser des textes de lois extrêmement indigestes, le bon nombre d’années d’études mais surtout cette fameuse image véreuse où l’on se voit obligé de défendre bec et ongle des criminels afin qu’ils ressortent en hommes libres et innocents… On ne peut pas dire que ce choix de carrière soit très tentant. Alors incarner un avocat dans un jeu vidéo, d’autant plus que son salaire présumé est très loin de rentrer dans notre compte en banque réel, c’est assez bâtard – mais original et audacieux, reconnaissons-le – comme situation. Par contre, si l’on nous dit que notre avocat tombe (presque) toujours sur des innocents à défendre tant notre héros a un flair de cocu pour tomber sur des affaires grotesques mettant en scène des protagonistes plus hauts en couleur les uns que les autres et qu’en bonus, jamais on ne basera une argumentation sur ces saletés de textes de lois mais plus sur des preuves concrètes plus ou moins logiques, il faut admettre qu’on arrive à se mettre dans la peau de Phoenix Wright avec la fleur au fusil, motivé à fond pour en découdre.

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La vie d’avocat en deux phases

Phoenix-Wright-Justice-For-All_Screen-003Selon la série des Ace Attorney, la vie d’avocat tourne autour de deux phases bien distinctes afin de résoudre une affaire avec succès. La première reste l’enquête sur le terrain. Honnêtement, on avouera quand même la logique de la manœuvre : arriver la bouche en cœur au tribunal en n’ayant rien fait d’autre qu’attendre que le temps passe le cul avachi sur une chaise derrière son bureau, ça ferait un peu tache en plus d’être suicidaire. Ou plutôt meurtrier dans le sens où dans le monde de Phoenix Wright, les coupables de meurtre passent systématiquement sur la chaise électrique. Même si ce « subtil détail » a tendance a vite s’effilocher dans nos caboches, voilà de quoi ajouter un peu de piment d’autant plus que le jeu semble se complaire, voire s’amuser, à nous le rappeler, histoire qu’on n’oublie pas la grande responsabilité qui nous incombe. Malgré tout, il n’y a pas à stresser pour autant, ce n’est pas spécialement lorsque nous sommes sur le terrain qu’on sentira une quelconque pression. Cette phase est en effet présentée sous forme d’aventure point’n click à forte consonance retro dans l’approche. Comprenez qu’on se retrouve face à des décors fixes où l’on trouvera sur l’écran tactile quatre verbes, le concept old-school des vieux jeux Lucas Arts par excellence, qu’il faudra utiliser à bon escient afin d’avancer. Quatre verbes, ce qui fait que les possibilités restent assez limitées par rapport au début des années 90 où les candidats avaient toutes les armes en main pour nous faire tirer les cheveux avec un choix s’apparentant davantage à un mini-bescherelle des actions possibles du pointez-cliquez. Malgré tout, il n’y a pas à lui en tenir rigueur pour autant, les quatre se concentrent sur l’essentiel, ce qui ne rend l’ensemble que plus efficace. Après tout, qu’auriez-vous voulu faire de plus qu’observer le décor afin de déceler d’éventuelles preuves, parler aux témoins présents, la possibilité de leur présenter des pièces à conviction afin qu’ils nous en parlent et se déplacer vers d’autres contrées éventuellement plus fertiles et verdoyantes afin de faire progresser son enquête ? Quand on y réfléchit de plus près, on se dit qu’il n’y a pas forcément de plus étoffer la chose. Par contre, on se sentira peut-être biaisé au démarrage car ces phases sont si dirigistes et rectilignes qu’aucune place n’est laissée à une quelconque prise de liberté, ne serait-ce que pour l’ordre des tâches à effectuer afin que l’enquête avance. Comme quoi, même quand il semble y avoir moins de passivité dans le gameplay, le côté visual novel reste toujours là, dans l’ombre, n’attendant que de prendre les rênes et ainsi montrer son véritable visage.

Phoenix-Wright-Justice-For-All_Screen-004C’est justement dans le second aspect du jeu, à savoir les procès, que le visual novel prime. Et là, tous les concepts d’activité et de liberté, vous pouvez les oublier. Vous serez devant du blablatage intensif où les seuls moments de contribution du joueur seront de présenter les bonnes pièces à conviction quand on nous les demande et faire délier les langues de témoins pourvus de mémoires défaillantes ou de conscience tellement peu scrupuleuse qu’ils en viennent à mentir comme des arracheurs de dents. Ces sous-phases de témoignage, on en vient généralement à bout lorsqu’on coupe le clapet des témoins en mettant le doigt sur des incohérences évidentes entre leur discours et les faits et/ou preuves. Pour cela, là encore, vous aurez deux verbes pour vous y aider : « attaquer » où vous pouvez creuser dans le bout de témoignage choisi, ce qui vous aiguillera dans votre recherche de contradictions ou ajoutera carrément des parcelles de témoignage (bien souvent utile pour nos affaires) et « présenter » où l’on confronte la pièce à conviction faisant contradiction au témoignage. Bref, dans la théorie, on a bien plus l’impression de lire plutôt qu’agir durant ces phases au tribunal. Et pourtant, ce sont elles qui sont au cœur de la série, son point fort indéniable. Car à grand coup d’humour, de bouleversements soudains et voltes-faces perpétuelles, la série des Ace Attorney donne l’illusion d’être au cœur du jeu. Même si on ne fera pas grand-chose avec notre stylet, on s’impliquera tout autant que si on nous demandait d’être perpétuellement actif. En deux mots comme en cent : c’est vraiment dans les procès qu’on sera plongé de façon immersive dans le jeu et, si l’on adhère au concept, on est même carrément à fond dedans.

Du DLC modèle maxi

Phoenix-Wright-Justice-For-All_Screen-005Mais ce que je vous décris là ne sont que les mécaniques de gameplay d’Ace Attorney : Phoenix Wright, le tout premier opus. La critique portant sur le second, Justice For All, il y a de quoi se demander si je ne me fous pas de votre gueule en recyclant les vieux arguments du précédent opus. Et pourtant, il n’en est rien, Justice For All ne change pas grand-chose de son gameplay originel. Il y ajoute juste de légers détails apportant quelques subtilités supplémentaires à la base déjà présente mais aucunement, ça ne bouleversera notre façon de jouer. On peut dire que cela reste de la suite paresseuse qui reste sur ses acquis. Mais, c’est un fait : Phoenix Wright, premier du nom, amenait dès le démarrage un gameplay on ne peut plus efficace par rapport au concept déployé. Il n’y a donc pas matière à le bouleverser plus que cela car la motivation première qui nous anime lorsqu’on s’attaque à cette suite (et autres opus suivants), c’est de découvrir de nouvelles affaires, histoire de s’immerger à nouveau dans un univers auquel on s’est clairement pris d’affection. Et ça, les développeurs l’ont bien compris puisqu’ils n’hésitent pas à recycler des décors et personnages du premier volet. Du fan-service dès le second opus, voilà qui était risqué mais ça fonctionne quand même comme on le verra par la suite de cette critique.

En attendant, même s’il reste assez paresseux, ce second épisode apporte quand même quelques petites nouveautés. Certes, elles ne changent aucunement la façon de jouer mais force est de reconnaître qu’elles amènent des subtilités bienvenues. A commencer par l’apparition d’une jauge de vie. Dans l’opus précédent, nous avions des points d’exclamation représentant le nombre d’essais auxquels nous pouvions avoir le droit. Dans Justice For All, nous avons donc le droit à cette fois à une barre de vie qui, bien entendu, ne devra jamais se retrouver vide sous prétexte de conduire notre client vers le couloir de la mort. De plus, ça ne s’arrête pas là puisque la quantité de vie retirée est loin d’être fixe. Selon le moment du procès et bien entendu de selon comment le jeu considère la gravité de l’erreur, on en sera pénalisé de façon proportionnelle. Cela ne semble pas grand-chose dit comme ça mais mine de rien, cela ajoute tout de même un peu de piment aux procès, certains moments ne pardonnant clairement pas en terme de perte de crédibilité. D’autant plus que la barre de vie n’est pas réinitialisée entre chaque affaire comme ça pouvait être le cas avant.

Phoenix-Wright-Justice-For-All_Screen-006Malgré tout, les développeurs ne sont pas si chiens que ça, il existe quand même une façon de faire remonter cette barre de vie grâce à certaines phases. Celles-ci représentent la nouveauté la plus importante de Justice For All. On les retrouve durant les enquêtes lorsque l’on est confronté à des témoins qui semblent avoir bien des choses à cacher. A l’aide d’un magatama magique, notre avocat pourra « lire » dans le cœur des gens et selon l’importance du secret, on sera confronté à des chaînes plus ou moins verrouillées par des cadenas spirituels appelés verrous-psychés. Ces phases ressemblent beaucoup aux audiences où l’on devra présenter la bonne preuve par rapport à ce que l’on peut nous demander, ce qui incitera le témoin à ravaler son insolence jusqu’à finir par délier sa langue complètement. A l’issue de ces phases et selon le nombre de verrous-psyché détruits, la barre de vie se remplira plus ou moins. Par ailleurs, prenez garde car une erreur sur une mauvaise preuve présentée sera signe de pénalité sur cette même jauge de vie.

On notera également une petite subtilité supplémentaire dans les nouveautés. L’apparition de la barre de vie haussait déjà la difficulté d’un cran, ce sera davantage le cas avec l’augmentation du panel de pièces à conviction pouvant être présentées ou non, que ce soit devant la cour ou durant ces fameuses tentatives d’ouvertures de verrous-psyché sur le terrain. Avec Justice For All, en plus des sempiternelles preuves matérielles, on peut dorénavant présenter également le profil d’un protagoniste de l’affaire en cours. Et comptez sur le jeu pour ne pas forcément aiguiller si la solution se trouve des côtés desdits profils ou des preuves matérielles. Autant le tout premier Phoenix Wright ne posait pas énormément de difficultés dans son avancée, autant Justice For All apporte bien plus d’embûches sur son passage, même si un sens de l’observation et déduction aiguisés n’auront pas trop de mal à s’y retrouver au bout du compte, hormis les quelques rares heurts habituels dus à une logique parfois bien tirée par les cheveux. Mais cela, on le retrouvait déjà dans l’opus précédent, on le discerne dans celui-ci tout comme on y sera confronté de nouveau dans les volets suivants. Par chance, ces moments ne sont pas spécialement légion. On finira, sur tout un épisode de la série, par les compter sur les doigts d’une main. C’est dire si au bout du compte, on fait complètement abstraction de ces légères fautes de la part des développeurs qui auraient pu concevoir la chose autrement ou bien simplement l’aborder d’une autre manière afin qu’on puisse discerner un peu plus facilement où ils voulaient en venir.

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