Je ne sais pas si le titre est celui qui convient le plus, je n’ai jamais été très doué pour ce genre d’accroche. Mais à travers cet article, je souhaite partager mes pensées sur un genre que j’affectionne particulièrement, à savoir le RPG.
Et on sait qu’il y a énormément de dossiers, de réflexions, de débats et autres sur les jeux de rôle. Par exemple, dans la dernière chronique « Merci Dorian » de jeuxvideo.com intitulée « Le statut du jeu de rôle dans le jeu vidéo » – titre qui n’a par ailleurs pas grand chose à voir avec le développement de sa bafouille, m’enfin – l’auteur aborde certains points qui me titillent. Mise à part d’être bourrée de préjugés (« les RPG japonais obligent au grinding, ce qui rend ces jeux globalement ennuyeux ») et d’à priori un tantinet foireux, particulièrement sur les jeux Bethesda (dont le plus grossier sera à propos de Fallout 4 et de son « système de combat à la rue »), la vidéo touche malgré tout à des thématiques intéressantes. Le but de cet article n’étant pas de faire un procès d’intention non plus, je vais parler de ces sujets de façon plus générale. Le premier, c’est sur cette habitude – un peu hipster il faut le dire – de systématiquement reporter le jeu de rôle vidéo-ludique au jeu de rôle papier, au jeu de rôle sur table, enfin bref… vous avez compris, « au jeu de rôle vrai ».
Et là forcément on dérive sur des points sensibles. Les puristes ont décidé qu’un vrai RPG est un jeu qui puise ses systèmes dans ces jeux ancestraux. Alors oui, évidemment, on ne peut pas nier l’étroitesse qui existe entre ces deux-là, nos premiers RPG s’en inspirant plus ou moins. Mais j’ai envie de dire : le jeu vidéo est un média tellement singulier, mais il ne serait pas capable de développer des genres qui lui sont propres ? On se sent presque toujours obligés de rapporter les différents types de jeux à d’autres références (les films, notamment). Sauf que depuis ses origines, le RPG a créé sa propre indépendance au sein du jeu vidéo, puis s’est même divisé en plusieurs « sous-catégories ». Des sous-catégories, qui en ont souvent elles-mêmes d’autres car oui, il s’agit d’un genre des plus complexes. Si on le divise souvent vulgairement en RPG occidentaux et en J-RPG, il ne faut pas oublier que ceux-ci font aussi part de variantes (les RPG tactiques, les RPG orientés action, les dungeon-RPG, etc…).
Aujourd’hui, on a étrangement tendance à avoir une vision un peu réductrice du jeu de rôle. Dans les points déterminants, on cite souvent les stats… Les créateurs de Final Fantasy XV nous rassuraient même en montrant qu’il y avait des chiffres affichés à l’écran pour exprimer les dégâts et nous prouver qu’il s’agissait bel et bien d’un RPG. Sauf que voilà, ceci n’a pas grand chose à voir avec l’essence même d’un RPG. Tout comme les joueurs craignent souvent le penchant « action » des jeux de rôle jusqu’à en diaboliser chaque élément de gameplay qui semble moderne. On a reproché ça à Mass Effect 3, on le reproche déjà à Final Fantasy XV justement… Ce qui est stupide puisque l’une des caractéristiques marquantes de cette saga, c’est de développer un univers et un gameplay différent d’un opus à l’autre. Le problème maintenant si je puis dire, c’est que la plupart des jeux d’action intègrent des éléments de RPG, la plupart des RPG intègrent des éléments de jeux d’action… Ça devient un fourretout dans lequel il est complexe de se retrouver, et par le fait, des jeux comme Far Cry 3 ou Borderlands sont même classés comme étant des RPG.
Parce qu’il y a des statistiques, de la customisation d’armes et d’autres éléments que les joueurs pensent être inhérents à la classe du RPG. Mais si on réfléchit bien, il s’agit souvent d’affranchissements des contraintes liés à la progression des techniques de développement ; selon les périodes du jeu vidéo. Si on pense que les combats d’un RPG doivent forcément avoir une notion se rapprochant du tour par tour et comporter des pauses, c’est parce que les premiers étaient ainsi faits… sauf que c’était avant tout par contrainte plus qu’autre chose et Sakaguchi ne dira pas le contraire : l’évolution des systèmes de combat dans la série des Final Fantasy le démontre, du pur tour par tour à l’action-RPG en passant par l’ATB. Et si on considère qu’un FPS ou TPS est avant tout un jeu d’action linéaire dans lequel il faut faire des frags pour progresser, c’est aussi parce que les premiers étaient comme ça et que l’intégration de mécanismes de jeu « complexes » était à l’époque impossible. Avec le temps, on s’est rendu compte qu’apporter un semblant de personnalisation à ces jeux, ajouter parfois des évolutions quelconques, des points à répartir et même de l’expérience permettait d’approfondir le gameplay et de varier ces jeux dans leur déroulement. Ça ne veut nullement signifier pour autant que ça en devient des RPG. Nous sommes juste ici dans une logique évolution des choses.
Sauf qu’on a tendance à oublier que dans RPG, il y a RP, soit « Role Play(ing) ». Le cœur d’un jeu de rôle, c’est d’incarner un personnage qui évolue. C’est pourquoi – navré de le dire – un titre comme Shenmue par exemple n’a rien d’un RPG (tout est tracé par le scénario, mais le joueur n’a aucune marge dans la progression du héros) contrairement à ce que certains aboient. Mais l’évolution d’un personnage, encore une fois, ce ne sont pas que les statistiques, même si elles sont demeurent en général prépondérantes. Car on ne peut pas nier que les « fiches de personnage » ou ce qui s’en rapproche plus ou moins, où l’on répartit des points dans un arbre de compétence, est une récurrente du genre. Toutefois, il ne faut absolument pas négliger la notion de choix, celle qui guide l’idée même des RPG. Dans ces derniers, on incarne un personnage. On se met à la place du héros. Alors forcément, à l’origine, les choix étaient très basiques, comme choisir entre la gauche et la droite dans un donjon, ce qui semble anodin à l’heure actuelle. S’il y a des jeux qui personnalisent parfaitement cette idée, ce sont les jeux de BioWare. Pour exemple, dans la trilogie Mass Effect, même si Shepard a toujours le nom Shepard, vous créez l’apparence de votre personnage, vous lui donnez des origines, et surtout durant toute l’aventure vous êtes amenés à exécuter des choix cruciaux qui permettent de personnaliser votre aventure. Votre personnage peut être pragmatique ou conciliant, il peut sauver des vies ou en briser… Et cela causera des impacts sur le scénario, permettant par la même occasion de renforcer la rejouabilité du jeu.
Ce n’est pas le seul exemple, mais c’est l’un des plus probants. L’essence d’un RPG est un ensemble de composantes. Si les statistiques suffisaient, alors même FIFA avec son mode Ultimate Team, sa création de joueurs et son Deviens Pro serait un RPG, donc bon… Ensuite, le RPG s’est diversifié. Les Japonais ont aussi proposé leur vision, et si on rajoute un « J » devant ces RPG, ce n’est pas pour rien, mais parce que leur conception est en partie fondamentalement différente. Il y a très peu de J-RPG où vous pouvez réellement guider l’évolution de votre personnage à la manière d’un Fable, d’un Dragon Age, d’un Planescape : Torment, d’un The Witcher, d’un The Elder Scrolls, d’un Pillars of Eternity et de l’extrême majorité des RPG occidentaux. Il y a rarement de choix à réelle conséquence dans les dialogues et les scénarii se veulent généralement davantage guidés et linéaires. Avec les J-RPG, on s’écarte donc du principe fondamental du Role Play, ce qui en fait finalement presque un autre genre à part entière, ou du moins une branche « marginale ». Mais la plupart comporte tout de même des éléments de personnalisation, avec des gestions d’équipement tout aussi poussés, des arbres d’évolution plus ou moins différents, etc… Si l’identification au héros n’est pas toujours identique, le principe de personnage évolutif, même dérivé, demeure présent. Entre Obsidian et tri-Ace, ce n’est certes pas du tout la même école, mais ces studios produisent bel et bien des jeux du même type. Ce qui montre à quel point le RPG est riche et diversifié, et qu’il peut s’adapter aux goûts d’énormément de joueurs !
Oui, on ne pourra pas contredire les aficionados du jeu de rôle sur table, dans tous les cas nos RPG vidéo-ludiques restent moins personnalisables puisque l’histoire n’est pas réellement libre étant donnée que de toute manière (même s’il existe parfois des embranchements et possibilités qui diffèrent, un jeu entièrement libre semble infaisable à l’heure actuelle) elle est déjà écrite et contenue dans le code du jeu. Même si les MMORPG s’en rapprochent un peu plus. Mais c’est aussi pourquoi je revendique la différence avec les origines du jeu de rôle. Sa variante vidéo-ludique est assez forte pour se différencier et composer à partir de ses propres caractéristiques. Un RPG « jeu vidéo » n’a rien d’un « sous RPG » sous certains prétextes notamment évoqués dans la chronique dont je parlais en introduction de l’article. Pour autant, il ne faut pas non plus se mettre à tout confondre et à mélanger chaque type d’expériences vidéo-ludiques. Avoir des quêtes annexes, contenir des données chiffrés, comprendre une personnalisation d’arme et d’équipement ou proposer un minimum de liberté d’exploration et d’action ne font en rien d’un jeu un RPG automatiquement. Il faut que le reste suive, par conséquent la base qui tourne autour du personnage principal. Par exemple, les jeux que l’on appelle communément « films interactifs » (Heavy Rain, Life is Strange…) sont constitués de choix essentiels pour l’histoire, mais n’ont en revanche aucune de notion de personnalisation poussée des protagonistes en eux-mêmes, ce qui les écarte totalement du genre RPG. À l’inverse, si les jeux d’aventure semblent s’en approcher (Shadow of the Colossus, les derniers The Legend of Zelda…), la sensation d’exploration n’est pas suffisante non plus. À une heure où on veut un peu tout intégrer en tant que RPG, il faut savoir faire le bon tri pour ne pas se tromper !
Malgré ces notions de base, c’est bien à vous de déterminer ce qui fait, selon vous, un bon RPG ou non… Pour certains de bons personnages sont primordiaux, pour d’autres une histoire soutenue est nécessaire. Les plus exigeants nous parleront d’un condensé de tout ça. Le RPG parfait n’existe peut-être pas encore, mais une chose est sûre, ce genre nous offre tout de même énormément de belles aventures.