Du Sang, des larmes et des Pixels
Les habitués de lecture anglophone, et notamment d’un site les plus connus à savoir Kotaku, connaissent sûrement le nom de Jason Schreier, puisqu’il y rédige de nombreuses news. Son lien privilégié avec de grands noms de l’industrie lui a inspiré un livre racontant les success stories improbables, celles que soit personnes ne voyaient réussir, soit celles qui étaient si mal enclenchées que leur happy ending tient du miracle. Uncharted 4, Diablo III, Dragon Age Inquisition ou encore Stardew Valley, l’auteur raconte, témoignages intégrés à l’appui, les difficultés rencontrées au cours du développement de ces titres, pour certains modestes, pour d’autres coûtant des dizaines ou des millions d’euros à leur éditeur. Et surtout pas de jugement, ou en tout cas de manière si léger qu’il n’entrave en rien la lecture, comme le récit des cinq années de gestation de Stardew Valley durant lesquels Eric Barone, son créateur, minimisait le temps de développement restant aux yeux de ses proches, enfoncé dans son culte de la perfection, ses dépressions et son isolement de créateur solo. Ou encore quand Uncharted 4 a obligé ses équipes à pratiquer la malheureusement bien connue période de crunch pendant des semaines pour espérer sortir le jeu tant attendu, jeu par ailleurs énormément retouché.
L’Histoire de Rare vol.1 & 2
Le studio britannique resté longtemps dans le giron de Nintendo est connu de tous, mais est-ce que nous connaissons réellement son histoire ? Pas certain, et probablement pas ses débuts au début des années 80. Ainsi, Régis Monterrin revient sur cette incroyable épopée et surtout sur l’ambiance hors norme du studio. Quand beaucoup d’ouvrages auraient opté pour le récit des faits, ceux-ci choisissent de le faire au travers des extraits d’interviews, publiées ou réalisées pour l’occasion. En résulte une histoire beaucoup plus authentique, jalonnée de myriades d’anecdotes. Les esquives de poulets sur le parking, la visite des OVNIS (!) vécues par une partie des membres du studio, les repas mitonnés par la maman des frères Stamper (les deux fondateurs de Rare) ne sont qu’une infime partie de ce que les deux bouquins nous révèlent. Ils détaillent l’excellente ambiance qui embaumait les locaux, mais n’oublient pas de tempérer l’ensemble en n’occultant pas les crunches et les mises à l’écart. En s’appuyant sur les témoignages d’importants salariés du studio dans les années 90 et 2000, que ce soit Kevin Bayliss (Battletoads, Killer Instinct), Grant Kirkhope (Banjo-Kazooie, Goldeneye 007), Gary Richards (Battletoads, Diddy Kong Racing) ou encore Eveline Novakovic (Donkey Kong Country 1-2-3), l’auteur brosse un tableau plutôt complet du studio, de 1983 à 1996 puis de 1997 à 2007. Et si le premier volume parcourt davantage d’années, le second compte 70 pages de plus. Malgré leur poids, ces deux beaux bébés se lisent rapidement et de manière étonnamment fluide. Saluons le remarquable travail de Régis Monterrin, qui, au-delà des interviews et des recherches, a réussi à rassembler l’ensemble pour en faire un récit cohérent. Il y a bien de petits paragraphes où notre homme y va un peu trop en avis personnel et en termes enthousiastes, qui trahissent une passion certaine, certes, mais qui, finalement, n’apportent rien. Mais difficile de lui en vouloir. Dans tous les cas, le récit est passionnant et finit d’asseoir la légende de Rare. Les années post rachat par Microsoft semblent un peu moins détaillées – il n’est pas toujours simple de démêler le vrai du faux, le souvenir de la réalité, dans le doute, l’auteur s’est abstenu, sage décision – ces deux livres permettent de revenir sur des classiques de Rare et surtout de mieux comprendre le contexte de sorties de certaines productions, telles que Grabbed by the Ghoulies ou Perfect Dark Zero.