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Composition : Olivier Derivière
Interprétation : The Boston Cello Quartet
Année de sortie : 2012
Nombre de CD : 1
Nombre de pistes : 22
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[dropcaps style=’3′]C’est fou ce que le dématérialisé apporte comme insanités. Si vous êtes amateurs et d’OSTs et de format physique, on ne peut pas dire que les temps actuels doivent vous ravir. Et pour cause, un très grand nombre de jeux se voient pourvus de sa BO uniquement par le biais du téléchargement. Exception faite si l’on se décide à acquérir la version collector d’un jeu, encore faut-il que le disque inclut soit complet (et là, c’est une autre paire de manche). Bref, sale temps pour les gameurs les plus audiophiles du lot. Heureusement, il subsiste quand même des cas particuliers. On voit par exemple toujours les OST de Final Fantasy sur le marché du physique. Tout comme on peut trouver des démarches plus confidentielles de passionnés, s’octroyant les faveurs d’un sujet certes moins prestigieux mais plus accessible en terme de moyens. C’est ainsi qu’on pourra remercier le jeune label Wayô Records, à qui l’on doit déjà la venue du duo Imeruat (comprenant le compositeur et une vocaliste de l’OST de Final Fantasy XIII) ainsi que la sortie de son album, Black Ocean, et plus récemment l’OST du dernier Kid Icarus sous nos latitudes hexagonales. Mais ces passionnés ne s’arrêtent pas en si bon chemin et ne semblent pas se reposer sur leurs lauriers, ils ont beau s’orienter vers le Japon, ils n’en oublient pas moins leurs origines et c’est ainsi qu’ils nous sortent aujourd’hui l’OST d’Of Orcs And Men, dernier-né des Français de Spiders. Surprenant de voir un tel titre se retrouver exposé à une sortie physique tant sa notoriété est effacée sous le poids effarent de moult mastodontes vidéo-ludiques. Et pourtant, c’est bien vrai, ce bon vieux cd est là, peut être commandé et offre même plus de contenu que son pendant numérique et ce, à un prix plus que raisonnable. Et croyez-moi, dix euros, c’est cadeau d’autant plus que la galette n’a pas à rougir d’un quelconque sentiment d’infériorité tant elle ne manque pas de qualités.[/dropcaps]
En même temps, vu le compositeur appelé à prêter main forte à Spiders, il aurait été fort surprenant d’avoir affaire à une daube. Olivier Derivière est loin d’être un débutant en la matière, nullement besoin de le tenir par la main pour lui montrer comment faire son boulot. Connu surtout pour ses travaux pour les deux Obscure ou bien du cinquième volet d’Alone In The Dark, on voit l’homme s’adapter à un nouveau style de jeu, le RPG, où il se doit de montrer d’autres étendues de son talent – bien réel qu’on se le dise – afin de réussir son pari.
Eh bien, la version purement audio laisse paraître une réponse plus que positive. Bien sûr, on accordera que c’est peut-être un peu réducteur de ne faire jouer que les oreilles à une œuvre faisant appel à plus de sens pour être appréciée de tout son jus mais que voulez-vous, on fait avec ce qu’on a, votre serviteur a ses oreilles mais pas le jeu qui, de toute façon, n’est même pas encore sorti. Il n’empêche toutefois que l’exercice peut se révéler intéressant, l’imaginaire venant mettre son grain de sel en contrepartie du sens visuel mis de côté par la force des choses.
Et c’est à vrai dire une grande force de l’OST de Of Orcs And Men : elle est très visuelle dans le sens où on peut se faire une idée vague du déroulement du scénario simplement avec les tonalités et atmosphères qui s’enchaînent dans les compositions – si l’on connaît un minimum le contexte du jeu bien évidemment – et, dans le même temps, partir vers des fantasmes narratifs totalement à côté de la plaque, une histoire qu’on se crée soi-même qui peut partir bien au-delà de simples histoires d’orcs. De ce second point, la cause en est très simple. Olivier Derivière a choisi d’adopter un style et des sonorités tout bonnement surprenantes, bien loin des clichés qu’on pourrait se faire de la musique pouvant accompagner le périple d’un orc. Pas de grandes envolées épiques et grandiloquentes dignes d’un Lord Of The Ring ici, ni même à des copies orchestrales d’un Rhapsody Of Fire (plus guerrier, tu meurs), on se retrouve face aux violoncelles du Boston Cello Quartet nous livrant un résultat bien plus fin, plus spirituel aussi. Assez ironique mais après tout, sachant qu’on suit des orcs habités de mœurs révolutionnaires, en quel honneur ne seraient-ils pas spirituels ? Après, on ne jettera pas la pierre, hors contexte, on pourrait tout aussi bien croire qu’on se retrouve face au monde des elfes en restant dans l’heroic fantasy, voire même dans des contrées plus asiatiques en allant plus loin. Malgré tout, l’incohérence n’est pas de mise, le travail fait sur les percussions aux sonorités tribales est fort à propos avec le monde des orcs tant on peut les apparenter à des indigènes dans le mode de vie qu’on représente d’eux en règle générale.
Ces sonorités percussives représentent tout le côté épique de cette bande-son, l’aspect orchestral ayant été volontairement fort peu représenté certainement pour éviter de tomber dans le cliché sans saveur. A peine le retrouve-t-on dans « The Knight Will Die », sonnant comme un dernier souffle, le dernier effort avant la conclusion, avec son rythme lent, son atmosphère lourde et ses chœurs affichant une tonalité grave. Pour le reste, l’épique prend forme tel un état de transe comme on pourrait l’entendre dans un contexte amazonien. Un fort côté organique, nullement sophistiqué s’en dégage représentant un lien certain avec la nature et son environnement. Ici, il n’est nullement question de force brute, elle est même plutôt subtile. Il peut même en ressortir un côté initiatique, parallèle mettant encore plus en accord le lien avec le concept même du RPG où l’on commence toujours en tant que tartempion faiblard pour finir surpuissant. Voilà un peu ce que l’on retrouve dans la première partie de l’OST s’étendant sur les six premières compositions.
La suite se voit contrebalancée par des sentiments beaucoup plus mélancoliques. Les percussions restent toujours présentes mais laissent une plus grande place aux violoncelles sonnant souvent comme une complainte languissante. L’urgence de la situation est là, les acteurs doivent prendre les choses en main et lever les armes vers le haut pour connaître une vie meilleure tant leur mal-être est bien réel. Mention spéciale à « Slave Like Dad », jouant tout en minimalisme, oscillant entre cordes frottées et silences, légèrement appuyés par des timbales qui se veulent discrètes mais profondes. En continuant dans le marquant, on pourra noter aussi la réussite de « I Hate This Place » portant admirablement bien son nom tant elle se veut dérangeante, dans un premier temps menaçante puis plaintive. Un grand moment rempli tout en beauté et d’émotion assurément.
Of Orcs And Men Original Soundtrack a beau se découper en plusieurs pistes qu’on peut même diviser en plusieurs parties distinctes représentant sans doute les grandes phases du scénario du jeu, la galette jouit d’une cohérence pouvant paraître très homogène au point qu’on pourrait presque considérer qu’on a le droit à une seule et grande pièce aux diverses variations. Les sonorités restent similaires de titres en titres, on y retrouve plus ou moins les mêmes éléments, tantôt mis en valeur différemment, tantôt écartés, tantôt réintégrés. Voilà peut-être le plus grand risque pris par cette OST pouvant être considérée par certains comme manquant cruellement de variété. D’un autre côté, ce parti-pris ne fait que renforcer plus la cohérence de l’ensemble. Les variétés opérant de composition en composition, on les ressent assez facilement. Tellement qu’on n’aura aucun mal à discerner le lien géographique entre « My Quest Begins » et « Back To The Forest », tous deux pourvus des mêmes types de chœurs mystiques. Il y a par conséquent fort à parier qu’on se retrouve à retourner à un moment ou à un autre du jeu dans la zone de départ. Est-ce vrai, ne l’est-ce pas ? Grande question mais voilà ce que laisse présager la simple musique couplée à un imaginaire un tant soit peu développé. Notez que ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres, l’OST comporte d’autres moments propices aux questionnements vu les liens que l’on peut faire d’un titre par rapport à un autre.
[section id= »conclusion » style= »border:1px solid white;padding:10px;overflow:auto;background-color:#888;color:#FFFFFF; »]Cette OST d’Of Orcs And Men s’avère au final prenante. Surprenante au démarrage, on se laisse séduire par sa profondeur et sa richesse camouflée derrière un résultat assez minimaliste par rapport à bien d’autres bande-sons de RPGs faisant la part belle à la grandiloquence orchestrale. Le mysticisme couplé à la mélancolie, deux composantes omniprésentes tout le long du disque le rend également poétique, touchant même. Au point de s’attacher à ces personnages que sont les orcs, pourtant représentés d’ordinaire de façon extrêmement ingrate. Après, en tant que héros, il est vrai que c’est quelque peu essentiel que le jeu réussisse à créer l’empathie chez le joueur. En tout cas, une chose est sûre, s’il y arrive, la musique aura grandement contribué à la développer. Ça, parmi tout un tas d’autres choses…[/section]
NB : Par respect pour Olivier Derivière, j’ai choisi d’utiliser les extraits en streaming des quelques titres qu’il a lui-même décidé de rendre public en guise d’aperçu sonore. J’insiste donc sur le fait que les titres présentés ici sont incomplets. Si vos oreilles en réclament plus, je vous invite chaudement à vous rendre sur d’autres plates-formes de streaming légale (Youtube, Deezer, Spotify…). Mieux encore, achetez la galette, dix euros n’est pas la mort et permet en bonus de rentabiliser la démarche de Wayô Records et ainsi les encourager à perdurer.