On aura beaucoup parlé new-gen cette année, et pas forcément en bien. Et en passant en revue les jeux que j’ai pu faire cette année, je ne regrette pas vraiment mon petit côté allergique à la nouveauté pour la nouveauté. Sans plus de transition verbeuse et inutile, mon bilan de l’année 2014 à l’intention de mes camarades technophobes :
Support de l’année
La PlayStation Vita, pour changer. Certains en attendaient peut-être des gros AAA et des shooters – et ils risquent de continuer encore longtemps à les attendre. Personnellement, c’est plus la continuation des ludothèques typiquement japonaises de la PSP et de la DS qui me branche, et dans ce registre l’année aura été plutôt dense pour la portable de Sony. Avec en bonus l’accès à de nombreux jeux indé ou pseudo-indé et un beau catalogue rétro PS1 et PSP accessible par le biais du PSN, il m’est de plus en plus difficile d’arriver à me scotcher à une télé pour jouer. Qui plus est la portabilité, c’est aussi la possibilité de jouer où on veut et quand on veut, dans le canapé ou en déplacement dans la famille, comme on bouquine un bon livre de poche. A mes yeux, il s’agit là du confort de jeu optimal, bien loin devant les 1256p et/ou les 120 fps.
Tops :
– Le jeu dématérialisé de l’année : Brothers / Soldats Inconnus
J’ai commencé 2014 en finissant Brothers. Comme entrée en matière, il y a pire. Je ne vais pas reparler du génie de sa narration, du génie de sa direction artistique ou du génie avec lequel est exploitée sa grandiose idée de gameplay. Après tout, Ced l’a déjà très bien fait sur Archaic et énormément d’autres joueurs ont reconnu les grandes qualités du jeu ailleurs sur le net.
Je m’offre donc une petite deuxième place ex aequo (sans toutefois être trop original) avec Soldats Inconnus. Un peu moins salué cette année, on tient toutefois ici l’une des dernières rares raisons qu’Ubisoft nous aura donné cette année de ne pas avoir trop honte de notre ogre vidéoludique français. Délaisser une Deuxième Guerre mondiale surexploitée pour parler un peu du premier gros traumatisme historique du XXème siècle, c’est déjà bien. Le faire de manière pédagogique et intelligente tout en restant ludique, c’est très bien. Enrober le tout d’une magnifique robe inspirée par la BD franco-belge, je dis banco. Mais au-delà de la leçon d’histoire interactive, Soldats Inconnus c’est aussi une respiration bienvenue dans l’industrie vidéoludique qui traite la violence née de la guerre en en évoquant l’horreur et la stupidité plutôt que d’en faire une propagande militariste américano-centrée puante et stupide. Alors peut-être que le jeu développe ses personnages de manière un peu trop superficielle, et peut-être même que la fin reste assez prévisible malgré l’émotion qu’elle dégage. Mais bon c’est peanuts quand on prend on compte LE facteur important : d’autres jeux comme Soldats inconnus, notre industrie en a cruellement besoin.
Autres jeux démat de l’année : outre Child of Light, le bundle Blackwell ou Hohokum dont j’ai pu parler dans L’Indépendant, il y aura eu d’autres tueries cette année entre le Strider de Double Helix (si si), The Swapper, Hotline Miami et Velocity 2X dans des registres très différents. Petite mention déçue à Contrast, plein de promesses et de poésie, mais dont l’imprécision du gameplay gâche tout. En espérant un deuxième jeu moins brouillon et plus travaillé chez Compulsion Games. Il y a du potentiel chez eux.
– Le jeu action/aventure de l’année : Devil may Cry
Autant être clair, je déteste cette série. Je l’abhorre. Je l’exècre. J’ai toujours trouvé que Dante n’était qu’un sale petit péteux insupportable de prétention et d’arrogance avec son look de poseur attardé pour seul argument de vente. Et pourtant j’adore cette chère Bayonetta, mais cette dernière a au moins l’élégance de ne pas trop se prendre au sérieux. Et j’ai adoré ce DMC-là : c’est dire si Ninja Theory a fait un exploit en rebootant la licence. Alors on s’est gaussé de ce nouveau Dante. Vache, les fanboys s’en seront donnés à cœur-joie et il aura pris cher avant même de pouvoir faire ses preuves. Et au final, on se sera rendu compte que niveau gameplay les choses n’étaient pas si différentes qu’avant si on exclut les grappins angélique et démoniaque qui ajoutent encore aux possibilités de mobilité du nouveau Dante. On aura gagné au passage un protagoniste toujours rebelle, mais également plus fin, moins sûr de lui et à la psychologie mieux travaillée sans en faire des tonnes dans le pathos, ainsi qu’un univers qui a quelque chose à dire de notre société moderne – certes sans toujours être très fin dans la manière de le dire. On a aussi eu la confirmation qu’au niveau de la direction artistique et de la mise en scène, Ninja Theory sait vraiment gérer. Cette année, ce studio et ses jeux ont été une très belle découverte : d’abord Enslaved avec beaucoup de plaisir, puis Heavenly Sword -malheureusement beaucoup moins maîtrisé et trop souvent aux limites de l’injouable.
– Les jeux typiquement japonais de l’année : Danganronpa et Danganronpa 2
Il y en a toujours pour dire que les visual novel ne sont pas du vrai jeu vidéo. Sans partir dans un débat qui a de fortes chances d’être stérile et de ne pas servir à grand-chose, je soulignerai juste la chose suivante : quand c’est bien fait, c’est tout de même sacrément fun et prenant. Spike Chunsoft nous avait prouvé récemment qu’ils assuraient dans ce domaine avec Virtue’s Last Reward (et en remontant un peu plus loin avec 999). Cette année ce sont les deux Danganronpa qui ont été localisés chez nous. Ces deux gloubiboulgas ludiques improbables mêlent phases de vie quotidienne riches en texte, phases d’enquêtes quand un meurtre arrive inévitablement et phases de procès boostées aux mini-jeux improbables et aux coups de théâtre tout phoenixwrightiens. Mais c’est surtout pour leurs scénarios aussi accrocheurs que des polars dopés aux stéroïdes et leur exploration toute japonaise des ténèbres de l’âme humaine que l’on joue aux Danganronpa. Si on ajoute à ça deux galeries de personnages bien barrés et une esthétique manga-jap acidulée en total décalage avec l’ensemble, on obtient assurément un des trips les plus étranges et jouissifs de l’année. Vivement que le TPS qui permet d’aligner des nounours bipolaires à grands coups de mégaphone soit localisé chez nous…
– Le jeu de l’année que tout le monde a détesté mais pas moi : Castlevania – Lords of Shadow 2
C’est curieux les gens. Je n’ai jamais trop bien compris l’adulation qui a entouré le premier Lords of Shadow, un jeu vraiment sympa doublé d’un hommage très sincère à la saga de Konami mais qui vire si souvent à l’ambiance med-fan la plus basique que j’ai du mal à l’intégrer à l’héritage gothico-horrifique des Castlevania. Je ne comprends pas beaucoup plus l’acharnement avec lequel cette suite si attendue a été enfoncée par tous, apparemment pour avoir osé s’aventurer dans un cadre un peu plus contemporain et imposé une poignée de scènes d’infiltration aux joueurs. Dans ma logique de roliste, qu’on puisse accepter que Castlevania s’aventure chez Donjons & Dragons et en même temps condamner qu’il braconne les terres gothiques-punk du Monde des Ténèbres a quelque chose d’incongru. Mais soit. Moi j’ai adoré, notamment grâce à la superposition entre la ville moderne bien réelle et le château onirique qui fait office de palais mental pour un Dracula à la recherche de ses souvenirs et de son histoire personnelle. Le terrain de jeu s’ouvre par rapport au premier, ce qui permet un retour timide de l’exploration et de l’aspect collecte de l’époque Igarashi. De quoi me motiver cette année à aussi découvrir Mirror of Fate, moche comme un pou mais revisite light plutôt plaisante de la formule Metroidvania, et à refaire les monuments de la série que sont Aria of Sorrow et Harmony of Dissonance.
– Le bon vieux RPG des familles de l’année : Ys – Memories of Celceta
Après avoir découvert les RPGs de Falcom avec Trails in the Sky l’année dernière, je me suis dit que ce serait pas mal de tenter les Ys. Ca n’est pas une série qui me faisait beaucoup rêver jusque-là : pour tout dire, elle me semblait trop classique pour être vraiment intéressante. Mais bon, je commençais à collectionner les épisodes chopés en soldes sur le PSN, et il n’y avait pas vraiment mieux dans la production récente de RPGs jap. C’était donc le moment ou jamais. J’ai décidé de les faire dans l’ordre chronologique des aventures d’Adol Cristin en commençant par les deux premiers regroupés dans la compilation Chronicles. L’occasion de vérifier que la série était bel et bien basique, mais dans un registre efficace plutôt que rébarbatif, et de découvrir les éléments qui serviront de base au reste de la saga : des musiques à tendance rock qui mettent la patate et surtout un appel à explorer contrées et ruines inconnues.
Lancer ensuite Memories of Celceta donne l’étrange impression d’avoir fait un brusque saut dans le temps. Les fondamentaux sont là et préservent la simplicité qui fait l’addictive efficacité de la série, mais le passage à la 3D permet de mettre en valeur de belle manière les hauts-lieux et les panoramas de la forêt de Celceta. Avec un gameplay qui s’enrichit de nombreuses possibilités (au premier rang desquels la gestion de plusieurs personnages) et une histoire qui gagne en sophistication et en rebondissements, on passe indéniablement du jeu d’action-aventure un peu simple au bon vieux vrai A-RPG japonais, de ceux qui proposent ce souffle d’aventure auquel on ne veut pas résister.
– La vieillerie rétro de l’année : Xenosaga Episode 3 – Also Sprach Zarathustra
Ca m’a fait beaucoup de bien de refaire le troisième épisode des Xenosaga cette année. Peut-être que le fait d’avoir lutté pour boucler l’Episode 2 juste avant y est pour quelque chose, mais pas que. Refaire Also Sprach Zarathustra, c’est aussi renouer avec ce qui a fait à mes yeux de la génération PlayStation 2 la plus passionnante en matière de RPGs japonais. Alors qu’on caricature souvent le genre comme du shônen adapté en jeu vidéo (et reconnaissons-le, la plupart du temps à raison), on parle ici d’une génération qui a vu percer en Occident des séries qui allaient un peu plus loin en abordant de manière mature et ludique des thèmes religieux, culturels, historiques ou philosophiques. On peut penser aux Shadow Hearts, aux Shin Megami Tensei, et bien sûr aux Xenosaga. Et ça m’a fait du bien de renouer avec cette tradition quasi-éteinte du RPG japonais, de me remémorer le brio de ce jeu quand il développe sa grande fresque space-opéra ou sa très riche galerie de personnages marquants. D’autant que le jeu est fun (pas comme le deuxième), d’un rythme implacable (là encore, pas comme le deuxième) et qu’il y a plein de vaisseaux spatiaux et de méchas dedans.
Les déceptions de l’année : Tomb Raider Anniversary et Sonic Adventure
Resituons : je n’avais jamais fait un Tomb Raider ou un Sonic en 3D de ma vie. On m’avait vanté ces deux-là comme les plus beaux spécimens dans leur genre. Et ils auront tous les deux été la démonstration que le plus gros souci avec les vieux jeux n’est pas forcément la technique dépassée, mais la jouabilité.
Tomb Raider Anniversary commençait bien : remake plutôt sympa visuellement du premier épisode de la saga (à ce que j’ai compris), il propose de crapahuter dans des ruines emblématiques et d’aller piller des trésors archéologiques. Je suis plutôt fan de l’idée, et au début le tout passait même très bien. Puis arrive le moment où le jeu se pique d’augmenter la difficulté de ses phases d’acrobatie. Le gros souci, c’est que le jeu n’a pas les moyens de ces ambitions avec une maniabilité brouillonne qui fait un peu ce qu’elle veut au moment où elle veut (dès qu’il est question de corde, souvent). Au dixième essai sur le même passage de plate-formes enchaîné à cause de ce gros souci, j’ai jeté l’éponge sur ce jeu – et très probablement le reste de la série.
Pour Sonic Adventure, même combat. Moins pointilleux que le jeu du dessus sur les phases de plates-formes, on n’en finit pas moins très souvent dans le décor à cause d’un saut loupé pour une raison nébuleuse. Et le joueur n’est pas non plus aidé par un des exemples les plus calamiteux de gestion de la caméra que je connaisse. Il y a pourtant de bonnes idées : plusieurs personnages à débloquer, des phases de jeu assez variées, de bons concepts de niveaux… Ensuite, chacun aura son avis sur la pertinence de coller un « scénario » et un doublage bien américain à Sonic et tous ses amis. Au final, je l’ai bouclé mais le statut de référence du jeu m’échappe quelque peu.
Le mélodrame-gate de l’année : le Gamersgate
Franchement j’aurais pu m’appesantir sur l’Ubigate, mais j’ai déjà parlé longuement du scandale des jeux finis à la pisse et débités en kits avec des morceaux payants l’année dernière ou même celle d’avant. Décidément, il ne faut pas être pressé que la presse spécialisée découvre les sujets qui fâchent (sans non plus trop sanctionner les jeux en question dans leur notation, faut pas pousser et demander trop de cohérence). Non, parlons féminisme. Nous avons donc découvert cette année que les blockbusters du jeu vidéo proposaient une vision de la femme à peu près aussi glorieuse que les blockbusters du cinéma. Ah, et aussi que les gens se comportent comme des connards une fois protégés par l’anonymat d’internet, quitte à verser dans le harcèlement. En somme, beaucoup de scoops en très peu de temps… S’en sont suivis des arguties à peu près aussi constructives qu’un débat gauche-droite français entre des chevaliers blancs insupportables de bien-pensance et des réactionnaires limite inquiétants dans leur conception du monde. « L’affaire » a confirmé qu’une frange des joueurs (difficile à évaluer) n’a pas une confiance totale dans ses médias, et je ne peux pas dire que c’est un sentiment que j’ai du mal à comprendre. Quant aux médias en question, ils préfèrent user de démagogie et de mauvaise foi que de se remettre un peu en question. Enfin bref, le microcosme vidéoludique semble maintenant se superposer au macrocosme de nos sociétés de manière troublante et j’ai du mal à déterminer si je dois être rassuré ou inquiet de constater que les joueurs deviennent des gens comme les autres. En tous cas, ça a été le gros bordel pendant des mois et au final on se dit que tout ça a fait beaucoup de bruit pour rien. J’aurai certes perdu beaucoup de temps à lire des conneries un peu partout, mais je me rassure en me disant que j’aurais pu comme d’autres le perdre à les écrire. Ah, si… Si tout ce psychodrame a motivé des créatrices (ou des créateurs, je ne suis pas sectaire) à se lancer dans la production de jeux mettant en scène des héroïnes intéressantes, je suis preneur. Et ça sera la seule manière dont je m’engagerai dans ce débat sur la place de la femme dans les jeux vidéo : soutenir financièrement tout jeu intéressant mettant en scène des personnages de la dimension d’une Bayonetta, d’une Lenneth Valkyrie ou d’une Nilin.
Attente pour 2015 : A la fois rien du tout et un peu de tout
L’année dernière, j’attendais fortement Drakengard 3. Cette année, grâce à l’hallucinant foutage de gueule qu’a représenté la sortie du jeu chez nous (jeu fini à la pisse et livré en kit, comme d’habitude…), Square-Enix a définitivement achevé le concept de jeu providentiel à mes yeux. Ma grosse attente de 2014, au final je ne l’aurai pas achetée, ni même touchée. Dans ces conditions, difficile de citer une grosse attente pour 2015…
Est-ce que ça veut dire pour autant que je ne jouerai pas en 2015 ? Pas du tout, le bilan de 2014 me l’a bien prouvé : j’ai beaucoup joué, dans des registres très différents. Mais à des « petits » jeux, à des expériences ludiques resserrées (qu’on les appelle des jeux indépendants ou non, la différence devenant de plus en plus subtile à établir). Donc, c’est toute une série de « petits » jeux que j’attends pour cette année. Il peut s’agir de l’occasion de faire des jeux déjà sortis sur PC, mais sur Vita comme The Banner Saga, Papers, Please ou Shovel Knight. Ou alors de nouveaux jeux prometteurs totalement inédits, Axiom Verge en tête. Voire ne pas perdre espoir de faire en 2015 des jeux attendus de longue date comme ce foutu deuxième chapitre de Trails in the Sky ou Oreshika.