[dropcaps style=’2′]Après les nombreuses critiques adressées à Atelier Shallie et surtout l’impopularité du portage de Atelier Rorona sur 3DS, il y avait de quoi être inquiet pour l’avenir de la série de Gust. Inquiétude bien infondée, car le développeur préparait le plus tranquillement du monde Atelier Sophie.
«J’en ai marre de sauver le monde», telle est la devise affichée d’Atelier Sophie, qui se désolidarise d’entrée de l’arc Dusk et laisse entrevoir un retour à une narration plus innocente comme dans la trilogie Arland. En effet, aucune ambition grandiloquente à la Atelier Shallie n’est visible à première vue dans Atelier Sophie qui n’a aucun focus scénaristique sur la majorité de de l’aventure. Sophie est une jeune alchimiste un peu maladroite qui va progresser après avoir déniché dans son atelier un mystérieux livre d’alchimie doté d’une conscience, mais amnésique. Le but de Sophie, et donc du joueur, sera de lui faire recouvrer la mémoire en notant des recettes alchimiques dedans. On passe donc recette en recette, tout en complétant les requêtes émises par les autres personnages qui se dévoileront progressivement.[/dropcaps]
Les second rôles auront tous une histoire propre en moyenne plus développée que dans Atelier Shallie (qui souffrait d’une grande pauvreté en la matière), mais hélas d’importance très inégale : le personnage de Monica ne sera par exemple quasiment pas détaillé, au même titre qu’Oskar ou Leon (qui est une fille, comme son nom ne l’indique pas). En revanche, Harol, Cornélia, Fritz et Julio font l’objet d’une réelle narration parallèle, avec beaucoup d’anecdotes rigolotes ou émouvantes à la clé. Celle d’Harol en particulier était remarquable : jeune horloger trop passionné par les revolvers pour se consacrer à son métier, il est progressivement rattrapé par son enfance et la volonté de surpasser son père. On a donc un meilleur bilan que le précédent en la matière, même si on a des fois le sentiment que le jeu ne veut pas boucler la boucle : l’histoire de Cornélia par exemple, devrait aller beaucoup plus loin et amener à visiter d’autres contrées.
Dernier personnage et pas des moindres, votre livre Plachta (prononcez «Plafta») prendra forme humaine au moyen du système de Doll Make. L’âme de Plachta est transférée dans une poupée grand format, qui est modifiable à tout moment. Il suffit d’allouer un ingrédient alchimique à chaque partie du corps de Plachta, les plus rares et précieux octroyant des statistiques supérieures. A certains paliers de statistiques, le costume de Plachta changera et aura une nouvelle classe (mage, valkyrie, etc.). Cette option reste relativement anecdotique dans la mesure où le gain en statistiques est à la marge par rapport à celui des équipements synthétisés. Toujours est-il que l’arrivée de Plachta dans l’équipe marque une nouvelle phase du scénario où, ironiquement, il faudra quand même aller sauver le monde.
L’atelier d’alchimie est plus que jamais le centre névralgique de ce nouvel opus, étant donné que le système de progression vous demande non seulement de créer des nouveaux objets alchimiques, mais aussi d’en trouver les recettes. En effet et contrairement aux précédents volets, il n’y a pas de livres d’alchimie tout prêts dans les magasins. C’est Sophie qui, dans un éclair de génie, va imaginer un nouveau schéma et le noter. Mais la jeune alchimiste n’a pas la science infuse et faudra lui donner un petit coup de pouce, puisque des actions très variées suscitent l’obtention d’une recette : il faudra tour à tour inspecter un élément du décor, parler à un certain personnage, terrasser tel ennemi ou, plus compliqué, créer un objet avec certaines propriétés.
Mettons maintenant les mains dans le cambouis, ou plutôt dans le chaudron. Celui-ci est représenté par un damier avec des petites étoiles de couleurs. Les ingrédients, qui schématiquement prennent des formes un peu à la Tetris, doivent être insérés dans ce damier et vont, en fonction de leur placement, multiplier et grossir les étoiles de couleurs. La finalité est que le nombre et la grosseur des étoiles vont booster le bonus multiplicateur de la couleur dominante, améliorant ainsi la qualité et les propriétés de l’objet fabriqué. C’est très compliqué sur le papier et ça s’apprend un peu empiriquement. Notez également qu’il y a plusieurs types de chaudrons : certains ont des damiers plus ou moins grand, doublent l’efficacité des ingrédients, ou encore exigent synthèse en temps limité! Au final, ce système est technique mais au demeurant moins précis que celui de Atelier Shallie.
La création alchimique en générale sera elle plus accessible que par le passé : les propriétés puissantes qui apportent des hausses statistiques considérables sont relativement répandus dans le monde d’Atelier Sophie, et il sera très facile de trouver des ingrédients qui en sont pourvus. Ne reste après qu’à combiner ces propriétés entre elles via des objets intermédiaires comme le fil d’or (catalyseur d’une efficacité radicale puisqu’il sert à se créer lui-même), pour ensuite atteindre les bonus les plus puissant comme 全能の力 qui fait grimper toutes les statistiques de 25 points! Une fois de armes, armures, et accessoires construites sur la base de tels ingrédients, vos personnages sont bien préparés. Côté interface, le pavé tactile de la PS4 permet d’aller et venir rapidement entre les différents menus et l’encyclopédie (qui contient la liste des ingrédients et des compositions de propriétés) si bien qu’on a une lecture parfaitement claire des possibilités du jeu.
Mais tous ces ingrédients, il faudra aller sortir les chercher! En dehors de la ville, Atelier Sophie propose de nombreuses zones sauvages à explorer, bien entendu remplies de plantes et autres minerais qui vont servir dans vos recettes. Précisons que Atelier Sophie est le premier de la série à avoir un cycle jour/nuit : les monstres, les ingrédients, les personnages présents, la météo vont changer périodiquement. Le temps passe donc, mais il n’est pas limité par autant. Atelier Sophie reprend le mot d’ordre de son prédécesseur : le joueur peut prendre tout son temps pour boucler l’aventure. Mais ces aires sont très petites et le level design est vraiment pauvre. Du coup, il n’y a guère matière à s’émerveiller : on cueille, on combat, point barre.
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Les combats justement. Ceux-ci ont été extrêmement simplifiés. Pire même, ils ont été plus ou moins automatisés. Chaque début de tour vous invite à choisir une stance pour chacun des personnages : attaque ou défense. Quelle que soit sa posture, le personnage pourra exécuter les actions classiques, à savoir attaquer, défendre, utiliser une capacité spéciale ou un objet. La stance ne gouverne que les actions supplémentaires : un personnage en défense pourra couvrir un allié en train d’être attaqué, alors qui ceux en attaque vont lancer des offensives coordonnées. Plus le nombre de personnages dans une stance est important, plus l’effet est grand. Ceci étant aussi conditionné par la jauge de Chain qui se remplit à chaque attaque : plus le chiffre est élevé, plus les actions sont audacieuses, 4 personnages en attaque avec une jauge de 300% déclenchant l’attaque ultime de l’un d’entre eux. C’est en gros le système de rôles de Final Fantasy XIII, mais considérablement simplifié, et sur lequel le joueur ne décide au final pas grand chose. Le système de combat en vigueur dans Atelier Escha&Logy était nettement plus satisfaisant.
Plutôt mesurée dans l’aventure, la difficulté va augmenter à une vitesse affolante à la toute fin du jeu, et encore plus après celle-ci. Heureusement et à l’instar d’Atelier Shallie, la difficulté est réglable à tout moment de facile à despair (ajoutée par mise à jour), permettant de rééquilibrer le challenge si nécessaire. Les connaisseurs pourront s’en sortir facilement en difficile voire en despair sur la majeure partie du jeu, mais il n’en sera pas de même face aux ultimes boss optionnels qui peuvent jouer quatre tours d’affilée! Alors que j’écrase la plupart des boss en despair (la vidéo ci-dessus est prise en despair, mais le boss est relativement mineur) avec juste le commande attaque, je ne tiens même pas 2 tours contre les deux derniers adversaires bonus en facile… Bref, c’est complètement pété! Ceci dit, un menu supplémentaire permet alors de booster ses personnages quand ils atteignent le niveau maximum : en plus de pouvoir ajouter des points statistiques additionnels, on peut également acquérir des skills passifs grandement avantageux et améliorer les techniques offensives. Mais la courbe de progression étant relativement lente, il faut beaucoup, beaucoup jouer pour se mettre à niveau. Un postgame qui a donc tourné court, loin, très loin de la replay value des précédents.
Côté réalisation, on ne peut que constater les difficultés économiques de la série : le downgrade est brutal. Les graphismes sont dans l’ensemble nettement moins détaillés que Atelier Shallie qui on le rappelle, tournait sur la génération précédente! La ville et les donjons font peine à voir tant c’est sommaire… Il y a même quelques remontrances à faire question design : les monstres se ressemblent beaucoup trop et il y a très peu (voire quasiment aucun en fait) d’ennemis uniques et charismatiques, ceux-là même qui font les grands combats de JRPGs. Encore une fois, même le décevant Atelier Shallie les avait. Ceci étant, les combats sont tout de même rudement plus jolis que le reste du jeu, donc on peut dire que l’essentiel est préservé. Même le génie musical de la série semble flétrir : on retient le thème de Fritz, air un peu troubadour enjoué qui colle parfaitement à l’ambiance médiévale du jeu, et senka no ichigeki qui poursuit la tradition des excellents thèmes de boss. Vos oreilles ne sont pas laissées pour compte pour autant, car un pack de musique gratuit ajoute des musiques de tous les anciens jeux Gust par dizaines, et il y a de quoi se faire des playlists de rêve.
Alors certes, on peut objecter que le projet est pour la première fois multi-plateforme dès le départ, avec une version PSVita disponible en même temps que la version de salon (fini le 2e passage en caisse avec la version «plus»), mais l’optimisation est largement insuffisante, et ce pour les deux. Avec une modélisation extrêmement proche de celle de sa grande sœur, la version portable est impressionnante de prime abord, car les personnages rendent très bien. Mais revers de la médaille, le framerate en prend un coup… La PSVita a du mal à encaisser certaines animations de combat par exemple, qui il est vrai restent assez impressionnantes pour les attaques combinées. C’est certes beaucoup moins grave que la boucherie qu’était la version PSVita de Nights of Azure, mais ce n’est pas le degré d’optimisation technique des versions Plus des précédents. A moins d’en avoir absolument besoin en cas de repas trop long chez la belle-mère, on conseillera de jouer en toute fluidité dans son salon.