Hésitant entre une carrière de développeur de jeux vidéo et de mangaka, Ken Akamatsu avait cru bon d’insérer un peu de lui dans sa première série, AI Non Stop. Hitoshi Kobē n’est en effet pas le plus brillant des étudiants mais a une appétence particulière pour la programmation. A tel point qu’une des intelligences artificielles créées par ses soins réussit à prendre vie. Le public découvre alors l’agréable trait d’Akamatsu et son étonnant coup de crayon quand il s’agit de dessiner des personnages féminins. Quand AI Non Stop prend fin, son éditeur lui suggère fortement d’approfondir cette particularité. Ken Akamatsu imagine alors l’histoire d’un jeune étudiant aussi peu doué dans les études qu’auprès de la gente féminine tentant désespérément le concours de l’université de Todaï. Ken Akamatsu a échoué à ce même concours d’entrée.
Love Hina est publié au Japon de 1998 à 2001. Il a fallu attendre 2002 pour que l’éditeur Pika Editions ne le localise en France, jusqu’en 2004. Le grand public découvre alors le manga harem : le protagoniste principal est entouré de très nombreux personnages du sexe opposé. Nous parlons ici de Keitaro Urashima, presque 20 ans, tentant pour la troisième fois le concours d’entrée à la prestigieuse université de Tokyo, Todai (diminutif de Tokyo Daigaku). Sa moyenne plafonne à 49/100 et il est, à ses yeux, tristement célibataire. Il se raccroche désespérément à une promesse faite tout jeune à une petite fille. Bien que son nom et son visage ne soient plus très clairs, le tenant de la promesse l’est quant à lui, à savoir : ils s’aimeraient et se retrouveraient ensemble à Todai. Keitaro ne compte donc pas lâcher l’affaire. Tandis que ses parents le mettent dehors – désireux qu’il trouve un travail, Keitaro espère demander à sa grand-mère de l’héberger dans son hôtel. Arrivé sur place, il découvre par la force du poing d’une résidente que l’hôtel Hinata a laissé sa place à la pension pour filles Hinata. Et si cela ne suffisait pas, sa grand-mère, partie parcourir le monde, lui offre le poste de gérant, à sa place, jusqu’à son retour.
Dès ses premiers chapitres, Love Hina pose tout ce qui fera le sel de ses quatorze tomes : des situations improbables, des quiproquos, des gags à répétition et des personnages forts. Gaffeur et naïf, Keitaro est systématiquement embarqué dans des situations tendancieuses. Toutes se finissent immanquablement par un coup d’une des résidentes de la pension. Que ce soit les poings de Naru, le pied de Sû, le sabre de Motoko ou même la poêle à frire de Shinobu. Les cinq pensionnaires du début – qui passeront quasiment à huit en fin d’histoire, parfaitement réfractaires à la venue de Keitaro, devront composer avec lui, pour, évidemment, l’accepter. Petit à petit. Comme l’indiquent les filles, l’ambiance de la pension a changé dès lors que Keitaro en a pris les rênes. À faire front commun, elles vont toutes se rapprocher et intégrer bon gré mal gré le nouveau gérant. Evidemment, Akamatsu, très friand d’érotisme léger – considérant qu’il s’agit d’un “discours universel” – n’hésite jamais à mettre en scène ses personnages dans la source d’eau chaude de la pension non mixte. Ou encore à faire rentrer Keitaro dans la chambre de Naru au moment où elle s’habille. Il en jouera vers la fin du manga en inversant parfois les situations ou en rompant certaines habitudes.
Love Hina est une comédie romantique s’attardant énormément sur le quotidien de son héros et héroïnes. Si la série a eu un tel succès au début des années 2000, elle le doit principalement à ses personnages. Les différentes filles présentent des archétypes courants, comme Naru Narusegawa ou Motoko Aoyama, deux parfaits exemples de tsundere. Ken Akamatsu reconnaît d’ailleurs volontiers qu’il est naturellement attiré vers ce genre de caractères. Non content de proposer des personnalités bien distinctes, il révèle, par petites touches, divers détails sur leur vie. Elles auront toutes des chapitres dédiés. Nous y apprendrons notamment les raisons de leur présence à la pension. Nous ferons connaissance avec leurs familles. Bien que le décor principal de l’histoire reste la pension Hinata, les protagonistes voyageront à plusieurs reprises, que ce soit juste une escapade à Kyoto ou une aventure à Okinawa, voire même dans des îles ou pays factices. Love Hina ne lésine pas sur les rebondissements et les situations acadabrantesques. Peut-être même un peu trop sur la fin.
Anecdote personnelle :
J’ai découvert l’anime Love Hina au travers d’un AMV. A l’époque, bien que connaissant le concept d’AMV, trouvant les paroles tellement en accord avec les images, j’étais persuadé que la chanson, Right Now du groupe SR-71, était issue de la série. Je me suis alors procuré le maximum d’OST et de CD espérant la retrouver. Je n’ai découvert que plusieurs années après l’origine de la chanson. Je reste l’heureux possesseur des OST.
Les interactions entre les personnages sont extrêmement nombreuses, parfois plus complexes qu’à première vue. Et si Ken Akamatsu a bel et bien un talent pour rendre ses personnages attachants, il n’hésite pas à les défigurer le temps d’un gag. Keitaro, notamment, se voit affublé d’une pléthorique palette de mimiques. Impossible que vous ne craquiez pas devant plusieurs d’entre elles, à sourire voire à rire, tout simplement. “J’ai tout décalé d’une ligne” : cette citation rappellera des souvenirs aux lecteurs du manga. Les autres, sachez qu’elle est intégrée dans l’un des meilleurs enchaînements de cases de la série. Le point fort de Love Hina, assurément, est son humour. Toutes les pages recèlent plusieurs détails et/ou situations comiques. Ce rythme change au fur et à mesure. Comme l’auteur le révèle, raconter une histoire avec un séquencement en chapitre est extrêmement usant. Car elle complexifie l’écriture. A tel point que nous sentons une baisse de créativité dans les cinq derniers tomes.
Si Love Hina dispose d’une narration au poil à ses débuts, nous sentons bien que le dernier tiers tourne un peu en rond. L’auteur y jette toutes ses dernières forces, par des rebondissements improbables et en amenant même de nouveaux personnages parfaitement dispensables. En fait, dès lors que l’avenir de Keitaro paraît enfin plus clair, l’intérêt baisse légèrement. Ken Akamatsu tente de camoufler cette baisse de rythme avec davantage d’action, mais rien n’y fait, nous le remarquons. Rien de dramatique et il est difficile de s’arrêter à la première lecture. Toutefois, à la relecture, certains chapitres, voire tomes, vous paraîtront plus fades que les autres. La seule constante, et nous ne pouvons qu’applaudir la prouesse, est l’étonnante bonne humeur qui se dégage de la série. Dès le premier tome, la folle ambiance de la pension Hinata transpire de chaque page, nous faisant terminer chaque livre avec un large sourire. C’est pour cela que le manga Love Hina, malgré son âge, a pu recevoir une réédition en douze tomes en 2014-2015. Les années passent mais son statut de “manga doudou” ne disparaît pas.
Love Hina a été porté en anime. Les 24 épisodes reprennent la trame principale des sept premiers tomes, en modifiant de nombreux événements et surtout en intégrant énormément de nouveaux personnages tels que Kentaro Sakata, le syndicat du quartier ou encore la soeur de Naru, Mei. L’anime se veut moins coquin que le manga et occulte de nombreuses situations entre Naru, Mutsumi et Keitaro. Il n’en reste pas moins très agréable à voir, reprenant avec succès le punch des scènes du manga. Naru et Motoko sont toujours aussi percutantes – d’autant que Motoko y est désormais encore plus sévère. Il y a toutefois de quoi être déçu du dénouement qui laisse les spectateurs et spectatrices sans réelles réponses. Une saison deux semblait être dans les tuyaux mais elle fut avortée faute de succès suffisant. Toutefois, un épisode, le 25, a été produit ainsi que deux épisodes spéciaux et des OAV. Ces derniers tentent de mettre un point final à l’anime, en se raccordant aux événements marquants du manga.