Paradise Kiss (パラダイス・キス, Paradaisu Kisu) est un manga d’Ai Yazawa qui a été initialement prépublié dans le magazine de mode Zipper. C’est dans un deuxième temps qu’il a été republié en format broché, et compte en tout 5 volumes qui sont sortis chez Shodensha, et est édité en français aux éditions Kana.
C’est la troisième série de manga de l’auteure à arriver en France, après l’incontournable Nana et le joyeux Gokinjo Monogatari. Beaucoup plus fantasmé que Nana – série très réaliste – car le monde de la mode de yazawa est complètement inventé, on y retrouve néanmoins certaines similitudes avec des personnages au style punk rock affirmé côtoyant des personnages beaucoup plus pop pour ne pas dire lolita.
Ce manga peut être considéré comme une suite logique du manga Gokinjo Monogatari, une vie de quartier, puisqu’il prend place quelques années plus tard, signant le retour de nombreux personnages. Cependant, il n’y a nul besoin d’avoir lu Gokinjo Monogatari : les deux histoires sont indépendantes, même si la lecture de Paradise Kiss apporte une nouvelle vision de l’univers global.
Mais je m’égare donc, je vais reprendre par le début, pour que vous puissiez mieux découvrir le monde de Paradise Kiss…
Yukari Hayasaka, lycéenne sérieuse mais pas spécialement brillante, étudie comme une forcenée pour les examens d’entrée à l’université. Ne prenant pas même pas le temps de s’amuser, elle méprise tout ce qui n’a pas trait à la préparation des concours. Malgré cela, elle est secrètement amoureuse d’un garçon de sa classe… La rencontre, fortuite, avec deux jeunes gens à l’allure originale la fait s’évanouir. Elle se retrouve alors dans un atelier, endroit où plusieurs étudiants de l’école de mode Yazawa travaillent à fabriquer des vêtements. À sa grande surprise, ils lui demandent d’être leur mannequin pour le défilé de leur école qui a lieu dans quelques semaines… Méprisante puis hésitante, Yukari découvre petit à petit que le mannequinat est une activité qui l’intéresse, allant jusqu’à abandonner l’école et s’enfuir de chez elle. Il faut dire que sa mère, farouchement opposée à ses projets, la laisse partir… La véritable adolescence de Yukari débute alors, l’amenant jusqu’à s’ouvrir à l’amour…
Yukari « Caroline » Hayasaka (早坂紫)
Lycéenne banale et médiocre qui n’a pour seul but qu’étudier. Depuis sa plus tendre enfance, elle s’efforce d’être toujours la meilleure pour rendre fière ses parents et surtout sa mère, très autoritaire. Dans les moments difficiles, elle puise son énergie dans son amour secret pour Hiroyuki Tokumori.
Jōji « George » Koizumi (小泉譲二)
Créateur de génie, il est le fruit de l’union d’un riche chef d’entreprise et sa maitresse, alors jeune mannequin. Il déteste les femmes qui rejettent leurs erreurs sur autrui (comme le fait sa mère, à longueur de journée). Il a découvert son talent grâce à Isabella, sa première muse, qu’il connaît depuis l’école primaire.
Miwako Sakurada (櫻田実和子)
Jeune fille pétillante, amie d’enfance d’Hiroyuki Tokumori et d’Arashi Nagase, elle a longtemps entretenu un triangle amoureux, mais a fini par choisir Arashi, ce qui a conduit à l’implosion du trio. Elle voue un culte à sa sœur aînée, Mikako, chez qui elle vit en l’absence de ses parents partis a l’étranger. Elle a intégré la Yaz’art dans le but de suivre ses traces.
< Parallèle avec Gokinjo Monogatari : c’est la sœur cadette de Miwako Koda, la styliste et créatrice d’Happy Berry >
Petit ami de Miwako, son style punk et ses piercings en font, de prime abord, un méchant « voleur et violeur » mais il se révèle être un ami dévoué, gentil et attentionné. Il aidera Yukari lors de sa fugue, malgré ses réticences. Il est très possessif et jaloux envers Miwako, avec qui il réalise les créations de Georges à la machine. Il fait également partie d’un groupe de musique.
<Parallèle avec Gokinjo Monogatari : c’est le fils de Risa Kansaki, amie de Mikako a la Yaz’art>
Isabella Yamamoto (山本大助)
C’est la figure maternelle des membres de ParaKiss. Elle s’occupe de la réalisation des patrons à partir des dessins de Georges. Elle a inspiré la toute première robe de Georges lorsqu’ils étaient plus jeunes, et avait souvent l’habitude de prendre chaque vêtement qu’il finissait. Elle est issue d’une famille aisée, mais considère son majordome comme son père car il l’a toujours accepté telle qu’elle était vraiment. En effet, Isabella est en fait un garçon, mais ne s’est jamais réellement considérée comme tel, préférant agir comme une fille. Aussi, elle déteste qu’on l’appelle par son véritable prénom, « Daisuke ». Isabella est passionnée par les perles et aime prendre grand soin de son jardin ainsi que de ses roses. C’est d’ailleurs grâce à cela que la robe du défilé prendra sa forme définitive. Elle encourage Yukari lorsqu’elle en a le plus besoin, que ce soit à propos de sa relation avec Georges où de son envie d’abandonner ses études. Quelque temps après le défilé, elle décide, prête à tout pour lui, de partir avec Georges, afin de l’accompagner dans tous ces projets. C’est aussi pour ne pas le laisser seul, et être heureuse.
Camarade de classe de Yukari, il est celui dont elle est secrètement amoureuse, mais elle croit stupidement qu’elle est le genre de fille qui ne l’intéresse pas. Il a de très grandes capacités intellectuelles, est le premier de sa classe et aspire à devenir médecin. Il a auparavant été le voisin et ami d’Arashi et Miwako, et également amoureux de celle-ci. Mais Arashi ayant interdit à Miwako – qui avait de forts sentiments pour lui – de le revoir, ils se sont séparés sans jamais échanger un signe, jusqu’à l’apparition de Yukari. C’est d’ailleurs grâce à Miwako qu’Hiroyuki va commencer à se rapprocher doucement d’elle. Il est très étonné du choix de Yukari de devenir mannequin mais après l’avoir vue au défilé, il voit à quel point elle est heureuse et sait qu’elle fera un excellent mannequin.
L’histoire se construit autour de Yukari, qui est indubitablement l’héroïne du récit. Dans un japon très actuel, on découvre une jeune lycéenne obnubilée par ses études à tel point qu’elle en oublie de vivre son adolescence, pour ne pas dire sa vie. Yukari, en tant qu’élève studieuse, subit une forte pression de la part de ses parents et de ses professeurs. A leurs yeux, son chemin est tout tracé : une université prestigieuse, un bon travail dans une grosse entreprise, et enfin un rôle de femme au foyer lorsqu’elle aura trouvé un bon parti. Il faut savoir que la société japonaise dépeinte accorde beaucoup d’importance au statut social, statut qui s’acquière par le travail, et donc par de bonnes études. La jeune Yukari a toujours été bercée par cette complainte de la réussite : c’est donc tout naturellement qu’elle accorde beaucoup d’importance à sa réussite scolaire – on la voit d’ailleurs mépriser les élèves de la yaz’art dans un premier temps, car mal vus socialement. Ai Yazawa aborde, par ce biais, tout le poids des responsabilités que la société japonaise fait porter sur les frêles épaules de ses jeunes élèves : Yukari apprend les conséquences de l’échec dès l’âge de 5 ans. Grâce à sa rencontre avec les élèves de la yaz’art, elle va petit à petit se fixer un nouveau but dans la vie, se découvrir elle-même, et surtout apprendre à écouter ses envies et ses désirs.
Paradise Kiss est l’histoire d’un combat entre ce que l’on attend de Yukari (la réussite au concours, l’entrée en fac, …) et ce que Yukari désire réellement (être mannequin). Au fil des pages, Yukari, va grandir pour s’affirmer de plus en plus. Lorsqu’elle s’oppose pour la première fois à sa mère, sa première décision est la fuite. Elle fait, en effet, le choix de quitter la maison (et les cours par la même occasion). Mais ses nouveaux amis et ses nouvelles expériences vont lui permettre de prendre confiance en elle en la rendant suffisamment adulte pour affronter sa mère.
Paradise Kiss est donc bel et bien un shojô, puisque Yukari finit par découvrir le grand amour, après une série d’épreuves initiatiques. Néanmoins, il aborde également le sujet du choix d’un avenir… Si le futur de Yukari semble tout tracé par sa mère, elle va peu à peu apprendre à s’en écarter. En parallèle, on découvre aussi que si Georges, Isabella, Arashi et Miwako, semblent insouciants et persuadés de la réussite de la marque « Paradise Kiss », leur parcours n’en reste pas moins parsemé de doutes ! Ils apprennent ainsi à Yukari à croire en ses rêves, que ces derniers lui permettront d’avancer.
Comme à son habitude, l’auteure ne verse pas dans le shojô rose bonbon, même si son monde est complètement fantasque, allant jusqu’à donner son nom à l’institut d’art. Elle aborde des sujets très adultes, où la sexualité tient une véritable place dans l’histoire. Elle y est même toujours illustrée (je vous rassure : les frontières du shojô ne sont pas franchies !). Elle s’exprime également au travers de l’adultère : Georges, protagoniste haut en couleurs, est le fruit de l’infidélité de son père. Les triangles amoureux et la jalousie sont aussi la marque de fabrique Yazawa. Malgré tout, on reconnaît des similitudes avec sa série à succès Nana, par le style très « punky » d’Arashi et son appartenance à un groupe, et surtout des personnages qui, de premier abord, forts mais qui cachent de grandes faiblesses. Le graphisme et l’imagination d’Ai Yazawa sont un régal pour les yeux, il n’est pas exagéré de dire que quasiment chaque page révèle de nouvelles tenues relevant parfois du conte de fées…
A côté de tout cela, Paradise Kiss est, aussi, une ode à la tolérance et l’acceptation des autres. En effet, Ai Yazawa rappelle que sous les différences, il y a toujours un être humain, doté d’un cœur. Par le biais de l’école d’art, elle met en scène des personnages pour le moins originaux, qui sont marginalisés par la société. Si lors de leur rencontre, Yukari est effrayée par la tenue d’Arashi, le stéréotype même du voleur/violeur à ses yeux, elle est, par la suite, complètement décontenancée face à Isabella dont elle n’arrive pas à déterminer le sexe. Elle juge, au départ, ces jeunes gens de façon totalement arbitraire, concluant que la yaz’art n’est constituée que d’un « ramassis de crétins », tandis que le défilé n’est que le fruit de gamineries. Pourtant, ce « ramassis de crétins » va prouver au fil de l’histoire qu’il a bien plus de savoir-vivre que certain de ses camarades de classe qui ne porteront aucune importance à son absence prolongée.