Survivrez-vous à 99% de mauvaises fins ? Telle est l’accroche ingénieuse de Compile Heart pour attirer les joueurs vers le dernier jeu de Galapagos RPG. Le studio n’ayant guère convaincu depuis Fairy Fencer F, il était donc important qu’il parvienne enfin à conjuguer originalité et système de jeu solide. Rassemblant davantage les talents de l’éditeur, Death End re;Quest marquera-t-il le bout du tunnel ?
Arata Mizunashi est un programmeur de jeux vidéo menant une vie sans histoires, jusqu’au jour où il reçoit un e-mail de sa collègue Shiina. Rien d’extraordinaire à première vue, sauf que Shiina est portée disparu depuis un an. De plus, l’e-mail provient d’un compte de World’s Odyssey, projet de jeu en réalité virtuelle, avorté lui aussi depuis des mois. Contre toute attente, les serveurs de World’s Odyssey fonctionnent. C’est à la fois avec étonnement et soulagement qu’Arata retrouve enfin Shiina… coincée dans le jeu !
Death End re;Quest poursuit les efforts entrepris chez Compile Heart depuis Mary Skelter Nightmares en matière d’histoire de narration. C’est Makoto Kedôin, le créateur des jeux Corpse Party, qui vient par sa plume faire la différence au profit de Galapagos RPG. Shiina n’a plus d’option log out (ce qui n’est pas sans nous rappeler une autre franchise). Elle doit donc finir le jeu pour se réveiller, et Arata compte bien la guider depuis son poste de travail. Mais il ne s’agira pas bêtement de faire avancer Shiina jusqu’au boss de fin. Là où le RPG fait très fort, c’est qu’il y a autant (sinon plus) de rebondissements dans le monde réel que dans World’s Odyssey. Shiina trouvera par exemple des out of place artefacts, des objets appartenant à la réalité qui n’ont rien à faire dans le jeu.
A chaque fois, cela mettra Arata sur une piste : il va se rendre dans différents endroits de la ville afin d’enquêter sur divers phénomènes paranormaux, qui se multiplient mystérieusement depuis que World’s Odyssey est de nouveau actif. Très oppressantes, ces phases installent un climat de suspense quasi-permanent. Les nouvelles inquiétantes s’enchaînent autour de Arata : piratage de grande ampleur, meurtres, chantage, enlèvements… La bande-son, inégale au demeurant, a tout de même deux ou trois éclairs de génie (hôkai odyssey, magnifique) qui viennent intensifier les séquences importantes. La fin contient aussi son lot de révélations chocs, ainsi que de tours de passe-passe scénaristiques plus ou moins bluffants. Tout tourne autour d’une réflexion générale sur l’intelligence artificielle et son évolution : le progrès technique peut-il dépasser la frontière entre entités réelles et virtuelles ? A quel prix ?
Afin d’entretenir et même de renforcer l’atmosphère très sombre, Galapagos RPG a truffé le jeu de mauvaises fins (les fameux 99%). En pratique, beaucoup de dialogues incluent des choix, dont certains mènent directement à un game over spécial racontant une issue tragique. Le jeu propose donc ce phénomène très rare qu’est la quête pour les game over screens, puisque chacune de ces fins rapporte des crédits ou des objets une fois la partie rechargée. Signalons d’ailleurs qu’étant donné cette direction particulière apportée au titre, il est (théoriquement) possible de sauvegarder pendant les dialogues pour ne pas perdre des heures de gameplay. Mais cette innovation a quelques failles, à commencer par un manque de moyens global : beaucoup de ces fin parallèles sont sur fond noir avec un texte plus ou moins captivant. Qu’on se le dise : on reste carrément sur sa faim. Si c’est le point le plus original du jeu, il faut investir à fond dessus : ce n’est pas le cas. Le manque de moyens dessert aussi la narration, vraiment trop descriptive à bien des endroits. En outre, la sauvegarde en cours de dialogue est parfois bloquée pendant de longues périodes, avec le risque de devoir recommencer des combats de boss, par exemple.
Comme toujours avec Galapagos RPG, on trouve dans Death End re;Quest un système de combat qui ne ressemble à aucun autre. Chaque peut utiliser trois capacités à la suite, qu’elles soient offensives, défensives ou curatives. Un grand champ de possibilités qui apporte énormément de flexibilité pour répondre à tous les types de situation en combat. Les personnages se déplacent librement, au tour par tour, sur l’aire de combat. Ceux-ci sont plutôt variés : Claire et Lily peuvent attaquer et soigner efficacement depuis l’arrière, Celica possède de longs combos brutaux, mais le personnage le plus intéressant est Al dont le jeu défensif tout en finesse impressionne.
Mais ce n’est pas tout ! Chaque aire de combat a des dalles de couleurs qui sont un système de bous/malus : marcher sur les dalles fait perdre des HP mais régénère les SP et ajoute des états bénéfiques. Plus important que tout, elles font grimper de taux de corruption des héroïnes. Quand celui-ci atteint 80%, le personnage est « glitché » : son apparence change, ses stats principales montent à 9999 et il peut utiliser son attaque ultime. Arata, de son côté, pourra faire apparaître des dalles spécifiques depuis son poste de travail. Tout l’enjeu réside dans le niveau de risque que le joueur décide de prendre pour gagner plus vite : marcher sur des dalles extrêmement risquées pour multiplier les glitch forms ou la jouer de façon plus classique ? Car à 100% de corruption, l’alliée est KO sur le coup.
Pas avare en subtilités Death End re;Quest propose d’autres options comme la possibilité d’invoquer les boss déjà battus, où encore changer… de genre ! Arata peut en effet modifier momentanément l’écran de combat pour jouer à la manière d’un jeu de tir, de combat 2D ou de hasard. Plus ou moins efficaces, ces cheats demandent parfois beaucoup de dextérité pour que l’on puisse en tirer quelque chose, ce qui peut finir par les rendre obsolètes. L’ultime clé du système est le knockback : certains coups repoussent l’ennemi très loin vers les bords de la zone de combat. A chaque choc, l’ennemi perd un pourcentage de HP. C’est là que c’est très important car les alliés peuvent reprendre de « volée » un adversaire pour les faire rebondir encore. Avec une bonne organisation, notamment spatiale, on peut faire rebondir un monstre un nombre incalculable de fois et l’abattre en un rien de temps.
Idéalement, car les combats ont malheureusement, hérité du défaut récurrent du label : ils sont nettement trop longs. Passer 10-15 minutes sur un bête combat aléatoire, c’est juste énervant. Les ennemis ont bien trop de points de vie, même en mode normal. Comptez une bonne heure pour un boss ordinaire, plus du double pour les derniers du jeu. Autant dire qu’il faut avoir les nerfs bien accrochés. On regrettera également le manque de liberté dans la progression, le jeu étant ultra-linéaire sur les deux tableaux. Il y a une zone bonus appelée Pain Area comme challenge ultime et plusieurs fins pour assurer une certaine rejouabilité, mais le jeu montre vite ses limites surtout que le level design n’est guère attrayant. Le système de missions annexes, aussi simpliste que raté, s’est avéré tout simplement épouvantable à gérer.
Visuellement, on note des progrès par rapport aux précédents RPG du studio (il est vrai qu’on revenait de loin) mais assez loin des standards établis par des éditeurs/développeurs de même taille (D3 Publisher, Gust). Certains personnages ou paysages sont nettement plus réussis que d’autres, le tout allant globalement du médiocre à l’agréable. Comme Makai Trillion ou Mary Skelter Nightmares, c’est le trait de Nanameda Kei qui fera la différence : les héroïnes sont encore une fois super-réussies et la glitch form est assez géniale. Des monstres insectoïdes aux petites mascottes accompagnant les filles, le thème du « bug » est travaillé jusqu’au bout. Même les prix in-game sont volontairement buggés, certaines potions coûtant moins cher que prévu…