Pour le lancement de la Game Boy Advance, nouvelle machine qui signait enfin la passation de pouvoir avec la très vieillissante – mais toujours populaire – Game Boy et ses moult mises révisions, Nintendo mit comme souvent à l’époque les petits plats dans les grands, et ce malgré sa position dominante sur le marché du jeu-vidéo sur portable. En effet, le jour J, se fût pas moins d’une vingtaine de jeux disponibles sur les étales au Japon, et une bonne quinzaine respectivement aux États-Unis et en Europe, pour des genres variés allant de la course à la plateforme, tout en passant par du RPG et du sport. La réflexion fût à l’honneur, avec notamment l’arrivée surprise d’un certain Kuru Kuru Kururin, fruit de la collaboration entre Nintendo et la société Eighting, jusqu’alors spécialisée, par l’intermédiaire de Raizing, dans les shoot’em ups (Sōkyū Gurentai, Battle Garegga) et les jeux de baston (séries Bloody Roar et futurs Naruto). Sorti uniquement en Europe et au Japon, le titre marqua bien des esprits de par son nom imprononçable (du moins au début), mais également par le piégeux contraste entre son graphisme tout mignon et une difficulté qui met encore toujours bien des nerfs à l’épreuve. Retour sur une classique mais parfois agaçante cartouche.
Tremble Metal Gear Solid ! Tremble face au scénario à tiroirs et haletant de Kuru Kuru Kururin ! Une famille séparée ! Des frères et sœurs n’ayant pas trouvé mieux que d’aller se perdre aux quatre coins du monde ! Une mère désespérée ! L’ainé de la famille, courageux et téméraire ! Une mystérieuse machine volante remettant en question les lois de la physique ! Allez bon… Si tout est presque vrai, c’est évidemment du côté de l’histoire que l’on va pas s’attendre à grand chose, si ce n’est que d’avoir un semblant de prétexte à présenter à la personne qui vient de s’offrir la toute nouvelle et rutilante console accompagnée de la cartouche qui va avec. On incarne donc Kururin, un volatile bleu canard et plein de ressources se lançant tambour battant dans le sauvetage de sa famille dont les membres sont partis errer errer on ne sait où et on ne sait quelle raison… Ce qui finalement importe peu et a au moins le mérite de présenter un univers coloré et de futures destinations variées. Allez par contre savoir pourquoi, mais le valeureux piaf a besoin d’un hélicoptère baptisé Helirin pour se déplacer. Un comble assez amusant qui se justifie par le gameplay qui nous attend.
Ce gameplay est diablement simple mais terriblement efficace : en vue de dessus, il s’agira dans chaque niveau de balader notre monoplace volant d’un point A à un point B. D’accord. Sauf que les encombrantes pales de notre engin tournent irrémédiablement, sans possibilité aucune de les contrôler. Et notre hélicoptère ne peut résister qu’à trois collisions contre toute paroi, sans quoi c’est la fin de partie. Bien entendu, en plus d’être rapidement de très tortueux labyrinthes, les tableaux que nous devons traverser comportent des passages franchement exigus et un petit lot de pièges mobiles et logiquement destructeurs. Il faudra donc tenir compte et profiter du cycle de rotation de l’Helirin pour se glisser entre les interstices roublards et esquiver tout objet se présentant à nous. Les murs, bien indiqués à l’écran, seront les pires ennemis du jeu, le moindre contact pouvant entraîner la panique et par effet domino une frustrante et fatale destruction en une colorée explosion d’étoiles. Nos seules aides seront des ressorts pour inverser le sens de rotation, quelques repères visuels, et la possibilité d’accélérer la vitesse de déplacement. Réflexion et réflexes seront par conséquent indispensables pour estimer les bons moments et les meilleurs moyens de passer, et si les développeurs sont particulièrement sympas avec les premières excursions, boucler les derniers mondes demandera énormément de concentration et surtout, beaucoup de patience. Après tout, lorsque l’on connaît le pedigree du studio, difficile de s’attendre à une promenade de santé. Du challenge nous attend donc, et du passionnant !
Et cette difficulté est étonnement contrebalancée, comme indiqué plus haut, par un univers tout mignon et on ne peut plus joyeux. La Game Boy Advance, sorte de Super Nintendo portative, est ici plutôt bien exploitée avec Kuru Kuru Kururin, qui propulse sur son écran une palette de couleurs chatoyantes et des environnements variés, inspirés des classiques du jeu-vidéo (jungle, banquise, maison hantée…) et assez détaillés, s’autorisant des arrières plans justement animés car peu distrayants et quelques effets de parallaxe au cours de certains niveaux. Pas une vitrine technique à la F-Zero : Maximum Velocity, loin de là, mais le job est ici bien fait. Sur la partie musicale, rien à redire, surtout avec un hardware tout juste pris en main par les équipes de développement, avec ce qui demeure ici une des plus meilleures bandes-sons du support : composées par Atsuhiro Motoyama, les différentes pistes sont aussi entrainantes qu’entêtantes, et sauront accompagner avec brio nos péripéties tout comme nos cris de rage, non sans une certaine ironie, et ce durant tout ce que le jeu propose comme contenu.
Si l’on exclut l’entraînement et la personnalisation esthétique de l’Helirin, Kuru Kuru Kururin offre deux modes complémentaires en plus celui portant la dite et classique aventure par ailleurs parcourable avec des pales moins longues. Le premier n’est autre qu’une succession de courts challenges avec vies réduites qui pourront occuper quelques minutes supplémentaires les personnes les plus motivées. Le second, tout aussi intéressant d’un point de vue technique que ludique, offre la possibilité de se confronter, jusqu’à quatre joueurs, dans de rapides courses où la moindre erreur provoquera railleries et pleurs. Avancée majeure avec l’arrivée de la Game Boy Advance : une seule cartouche est ici nécessaire pour faire profiter du mode à tout le monde, l’intégralité des tracés disponibles étant transférés (rétrospectivement plutôt rapidement) entre les concurrents, dans une version allégée graphiquement. Une nouveauté tout à fait appréciable qui sera d’ailleurs moult fois appliquée dans d’autres jeux, à des degrés divers de contenus partagés. Enfin, pour celles et ceux qui apprécient les épreuves, les vraies, le titre propose pour chaque niveau deux défis supplémentaires, à savoir de le terminer le plus rapidement possible pour être en haut du podium des meilleurs temps, et/ou de le boucler sans absolument rien heurter. Rien. Du. Tout. Cette tâche, assurément la plus difficile, offre cependant une ou deux surprises pour les plus patients, en plus d’apporter une fierté certaine et totalement méritée. Les quatre derniers tableaux sont en effet une v-é-r-i-t-a-b-l-e partie de plaisir !