Lancement de la Nintendo GameCube. Ou lancement du Nintendo GameCube, as you wish. Nintendo doit présenter un line-up percutant, suffisamment pour redorer son blason après le succès en demi-teinte de la Nintendo 64. 30 millions de vente, c’est bien, les 100 millions de la Playstation, cela aurait été mieux. Malheureusement, le Mario nouvelle génération n’est pas prêt. Il faut donc assurer le minimum et offrir aux joueurs une aventure dans l’univers du plombier mais sans être estampillé Mario. La tâche est loin d’être aisée mais Nintendo possède en ses rangs un homme de tous les défis, Hideki Konno. Co-réalisateur sur Super Mario Kart, réalisateur de la suite et de Yoshi’s Story, l’homme sait relever des défis. Il doit entamer les festivités, non pas avec Mario mais avec son faire-valoir, Luigi. Le frangin maladroit et froussard qui n’a jamais été en tête d’affiche.
Pourtant, le personnage central de l’histoire est bel et bien le cadet à la salopette verte. Celui-ci a remporté, grâce à une loterie à laquelle il n’a jamais participé, un somptueux manoir, tellement loin de tout que le courrier est accompagné d’un plan. Il ne faudrait pas que Luigi se perde sur le chemin. Imprévu : Mario, tellement heureux de visiter la nouvelle maison de campagne du frérot, s’y rend en avance, trop en avance, tellement en avance qu’il y disparait. C’est ainsi que Luigi s’y rend à son tour non pas pour obtenir son gain mais avant tout pour retrouver Mario. Toutefois, très vite, l’ambiance pleine lune et éclairs tonitruants aidant, il se rend compte que la baraque n’est pas aussi chaleureuse qu’escompté. Pis, elle semble hantée. A peine quelques salles traversées que le voilà attaqué par des fantômes, translucides et visiblement agressifs. Heureusement, le professeur K. Tastroff (nous reviendrons sur la localisation du jeu) surgit, muni de son Ectoblast 3000, pour vaincre le fantôme. Sous ce nom barbare, se cache une invention de génie : un aspirateur à fantômes qui semble emprunter beaucoup à SOS Fantômes. Conscient de la quête qui attend notre héros vert, le prof. lui offre l’Ectoblast 3000, seule arme capable d’affronter les hordes de l’au-delà, et son aide au travers de gadgets et de coups de fils avisés.
Ainsi armé, Luigi peut désormais retourner dans les dédales du manoir à la recherche de son frère. Le manoir est découpé en étages, eux-mêmes divisés en pièces, pour la grande majorité fermées à clé. Luigi n’a pour seul choix que de rentrer dans les pièces ouvertes, en pleine obscurité. Il doit y vaincre tous les fantômes afin d’y ramener la lumière. Un peu à l’image d’un Beat’em All demandant d’affronter tous les ennemis d’une zone avant de passer à la suivante. Une fois la pièce nettoyée, les ampoules s’allument et, très souvent, un coffre apparaît contenant soit des bonus soit une clé, permettant d’ouvrir une porte un peu plus loin. Véritables récompenses après les luttes acharnées qui vous opposent aux résidents. Les fantômes ne vaquent jamais tranquillement à leurs activités : ils sont systématiquement planqués dans le décor. Il faut parfois les débusquer, à moins qu’ils ne tentent de vous surprendre d’autres fois. Après le léger sursaut de Luigi – qui peut être un handicap dans le cas des multiples apparitions vers la fin du jeu – il est nécessaire de réagir vite : éclairer le fantôme à l’aide de la lampe torche pour révéler son coeur pour ensuite l’aspirer. Le coeur possède un certain nombre de points de vie, ainsi, une fois en cours d’aspiration, vous devez réussir à maintenir le flux entrant en dirigeant le joystick dans la direction opposée à celle du fantôme, voire donner des à-coups. Comme si vous pêchiez. Cette action a pour effet de faire diminuer de manière drastique la barre de vie. Si votre timing n’est pas bon, le fantôme peut très bien vous propulser à travers toute la pièce à sa poursuite, vous occasionnant des dégâts et une perte d’argent. Attention donc. Le rituel est immuable et identique pour tous les fantômes du jeu, le moyen pour y arriver, quant à lui, diffère. Si les premiers ne requièrent rien d’autre, les crados déposeront des bananes à même le sol vous faisant glisser et perdre des coeurs, les glacés auront leur coeur caché et il faudra les “déglacer”, … La panoplie de fantômes se révèle suffisamment variée pour ne pas crier au scandale.
Parmi eux, se cachent les fantômes portrait : d’anciens portraits affichés dans la galerie d’art du professeur K. Tastroff, volés par la compagnie des boos – fans de Mario, ce nom sonne forcément à vos oreilles. Ces anciennes peintures représentent les différents boss du jeu. Vous êtes amenés à en affronter plusieurs par acte – quatre actes au total – et leur résistance est bien plus conséquente que celles des autres. D’autant que certains, les plus imposants vous envoyant carrément vers une autre dimension, nécessitent une technique bien spéciale pour les vaincre. A l’ancienne. A la Nintendo.
Ils vous rapporteront certes des clés mais également beaucoup plus de bonus. Dans Luigi’s Mansion, vous pouvez être amenés à trouver de l’argent – sous toutes ses formes, de la pièce, au billet en passant par les pierres précieuses – et des perles. Tout ceci accumulé, à chaque fin de chapitre, donne des points pour un score final, et un grade. Juste pour le fun.
En parallèle, vous serez amenés à rencontrer les Boos. Ces cinquante fantômes blancs se cachent dans les nombreuses pièces du manoir, mais attention, uniquement les pièces illuminées, aux fantômes “classiques” d’ores et déjà punis. Il est nécessaire d’utiliser un outil mis au point par le professeur : le Game Boy Horror. Cet appareil en forme de Game Boy Color, permet d’afficher la carte des lieux, en 3D s’il vous plaît, vos trouvailles et de déceler la présence de Boos. LED Bleue, RAS, LED jaune, Boo dans la pièce, LED rouge, Boo à côté. Cette quête, optionnelle, permet de grossir proprement le score final en plus d’affaiblir le boss de fin, ce qui est toujours bon à prendre.
Et il ne faut pas oublier que rechercher ces Boos augmente de manière significative la durée de vie du titre initialement pas bien longue. Comptez quatre-cinq heures pour la principale et six-sept pour tout trouver. L’aventure est courte. Une fois terminée, un second run est proposé dans le même manoir en mode miroir, en plus d’être habité par des fantômes autrement plus coriaces et violents. Un mode difficile en quelque sorte, pour les acharnés. Difficile de les blâmer tant Luigi’s Mansion est addictif. La qualité Nintendo prime ici, au travers de la maniabilité quasi-parfaite. Le pad GameCube est très bien utilisé et chose étonnante : le bouton A, bouton central de la manette, sert à une action totalement annexe, appeler Mario. Luigi peut en effet donner de la voix pour appeler son frangin partout dans la bâtisse, selon votre bon vouloir. Fait amusant : selon les situations, le lieu et le moment, il ne l’appellera pas de la même façon. Tantôt sûr de lui, tantôt complètement apeuré. Il faut dire que les bruitages et voix du jeu ont fait l’objet d’une attention toute particulière. A l’exception de quelques moments, le jeu ne possède pas de musique d’accompagnement. Seuls les bruitages surviennent, un fantôme qui apparaît, une souris qui passe, des chauve-souris qui virevoltent, … ou Luigi en train de claquer des dents ou marmener le thème principal, à différentes sauces. Un thème si génial qu’il vous restera longtemps en tête.
C’est sur les détails que Luigi’s Mansion impressionne. Sa direction artistique, mi-horreur mi-mignon, fonctionne à ravir. Les fantômes ne sont pas effrayants pour un sou, pourtant l’ambiance est traquante. La réalisation technique n’y est pas étrangère avec une 3D très propre, fourmillant de détails, montrant surtout ce dont la console est capable. Effets de transparence (rideaux, fantômes), de particules (poussières, eau, feu) et de lumière (bougies, éclairs) à outrance, Luigi’s Mansion est une vitrine technologique. Avec un fantôme ou cinq, l’animation reste toujours aussi fluide. Aucune baisse de frame-rate n’est à déplorer, à l’exception de deux passages de portes totalement anecdotiques. Le petit jeu du lancement se transforme en fer de lance du constructeur. Et la localisation finit d’enfoncer le clou avec une traduction aux petits oignons. Elle est non seulement sans faute, bien tournée mais également pleine de références françaises et adaptations de jeux de mots. Pour exemple, les noms des Boos, que des calembours bien tournés. Bootique, Boodin mais surtout – appréciez – Jack Booregard. De quoi sourire bêtement devant sa télévision.
Décidément, ce Luigi’s Mansion semble parfait, et il l’aurait été sans une durée de vie aussi rachitique et un principe finalement assez répétitif qui n’aurait, de toute façon, pas apprécié d’être étiré. Paradoxal, pourtant, peut-être que les équipes de Nintendo auraient pu amener un peu plus de variété dans les “aspirations” et dans les puzzles. Luigi’s Mansion remplit tout de même brillamment son rôle de premier titre Nintendo sur GameCube, avec Wave Race Blue Storm, et, de tout simplement, bon jeu. Une première aventure réussie pour Luigi.