[dropcaps style=’2′]Cela arrive heureusement de moins en moins, mais quand ça arrive, ça fait mal : Great Ace Attorney n’aura pas été localisé par Capcom en occident. Certains invoquent des problèmes de droit relatifs à Sherlock Holmes, mais la raisons reste un mystère. Sur l’archipel en revanche, le spin-off historique poursuit son chemin avec une suite qui était pressentie étant données les grosses interrogations nées du premier volet.
Pas banal, Great Ace Attorney 2 s’ouvre sur un procès mené par Ryûtarô, lointain cousin du héros de ce spin-off, Ryûnosuke. Même si l’on évitera de révéler sa véritable identité, un tel déguisement ne trompera probablement pas grand monde étant donnés les cris efféminés de Ryûtarô. C’est ainsi que le novice Ryûtarô entreprend de défendre son amie Haori dans un procès à haut risque, dont la victime n’est autre que le personnage le plus mystérieux du premier volet. L’occasion de raccrocher avec le précédent et montrer une finesse de gameplay renouvellée, car les démonstrations de ce chapitre introductif sont déjà complexes.[/dropcaps]
Si Great Ace Attorney donnait cette impression d’un jeu désordonné et d’une histoire peu convaincante, c’est parce que les développeurs de chez Capcom avaient déjà prévu de tout raconter sur deux titres. En effet, de la première à la dernière seconde, Great Ace Attorney 2 va compléter le puzzle narratif laissé par le premier épisode et donner un vrai sens à la série parallèle daigyakuten saipan comme il convient de l’appeler. Déjà, les deux mystérieux intervenants apparus 5 secondes dans le précédent voient leur rôle éclairci dans un chapitre faisant office de flashback sur les évènements du premier. On y découvrira comment Ryûnosuke finira par mettre la main sur un certain artefact (d’une grande importance pour la suite) aux dépens d’un acteur raté et escroc à ses heures perdues. Une parenthèse déjà riche qui montre la volonté de Capcom de parachever l’ouvrage.
Mais ce n’est rien comparé à ce qui va suivre à partir du chapitre trois, puisque le scénario va combler tous les manques et tordre le cou aux incohérences du premier. Déjà, le joueur va désormais tout savoir du procureur Barlock Von Zieks, ainsi que la raison de son animosité envers Ryûnosuke. L’histoire fait également toute la lumière sur les meurtres suspects qui parsèment les dossiers de Von Zieks, avec en toile de fond un complot international de grande ampleur faisant revenir un personnage que l’on attendait vraiment plus à ce stade de la narration ! En termes de rebondissements, on en a pour son argent. Le jeu fait également un lien intelligent avec des meurtres terribles ayant eu lieu dix ans auparavant. Cette affaire et les thèmes musicaux sombres et puissants qui l’accompagnent apesantissent encore l’atmosphère de ce volet en renforcant son côté thriller extrêmement accrocheur. L’identité de don auteur, l’effrayant « Professeur » (sans nul doute en référence au professeur Moriarty des romans Sherlock Holmes), va planer pendant toute l’aventure jusqu’au dénouement.
L’heure n’est pas à l’innovation pour Great Ace Attorney 2 qui reprend intégralement le gameplay du précédent volet, sans chercher la petite nouveauté pour épater la galerie comme traditionnellement dans la série. Pendant les procès, il s’agira toujours de déceler mensonges et incohérences chez les témoins et présenter les preuves pour appuyer vos thèses. Les témoins peuvent être multiples, le jury est toujours présent, mais mêmes dans ces cas il faudra toujours chercher les incohérences entre eux. Ca ne change pas fondamentalement du gameplay traditionnel de la série. Classique, mais efficace : c’est néanmoins le compliment que l’on doit faire à ce nouvel épisode qui réussit du début à la fin à proposer des intrigues complexes propices à une bonne réflexion de la part du joueur. La logique est assez fine, il faut souvent capter des petits éléments de dialogues pour ensuite en déduire des choses importantes. L’observation des preuves est absolument cruciale, là-aussi le jeu vous demandera de pointer le petit détail quasi-invisible pour avancer. Le game over est restauré (contrairement à Ace Attorney 6 vous replaçait quelques instants avant votre dernière erreur) et les systèmes d’aide ont été supprimés.
On retrouve les phases de déductions mettant en scène Sherlock Holmes, séquences 3D toujours magnifiques pour la machine. Le célèbre détective, à l’inverse de son modèle littéraire, multiplie une nouvelle fois les fautes de logique et c’est encore à vous de rencardrer avec la réalité. En pratique, il suffit de tourner la caméra et de désigner l’élément du décor adéquat pour avancer. Difficile de réprimer un fou rire devant le rythme auquel votre partenaire enchaîne les bourdes, surtout que l’animation de ces scènes est bien trouvée. C’est moins enthousiasmant en termes de gameplay : les déductions deviennent de plus en plus faciles au cours du jeu.
Il n’y a pas que là qu’on rigole : Ace Attorney a toujours su divertir le joueur de la première à la dernière seconde, et il n’en est pas autrement ici grâce à la ribambelle de personnages hilarants apportés par Great Ace Attorney 2. Le truculent Natsume Sôseki fait son grand retour : l’écrivain vient de rédiger son chef-d’oeuvre Je Suis un Chat, et se pose génie des lettres modernes tout en lançant des débats littéraires détonants tels que « entre Roméo et Juliette, qui est le plus fort ? ». Les années passent et la série Ace Attorney ne perd en rien son humour décapant. On trouve évidemment quantité d’autres personnages qui, en remarques grotesques, mimiques pittoresques et propositions insensées, égayent joyeusement les phases de procès au point qu’on ne s’en lasse jamais. Mais le plus fort dans tout ça et que l’éditeur réussit une nouvelle fois à agrémenter son récit de subtiles références à l’oeuvre d’Arthur Conan Doyle. On retrouvera par exemple des anecdotes inspirées de L’Association des Hommes Roux ou L’Homme à la Lèvre Tordue. Comme quoi, le génie littéraire est aussi chez Capcom.