Réutiliser, ré-imaginer, rendre hommage aux jeux d’antan avec des idées neuves, tels sont les chevaux de bataille de nombreux développeurs, indépendants ou non, depuis que le jeu-vidéo est jeu-vidéo, et ce pour œuvre unique ou par simple devise quelque peu monomaniaque. Indefatigable, studio néo-zélandais de son état, s’est donné pour mission, en 2019, et sans nul doute suite à plusieurs mois de développement, on l’imagine, de dépoussiérer les créations des années 90 d’id Software avec Quake, mais aussi de Raven Software avec leurs non moins célèbres Heretic et Hexen. En résumé, des FPS avec une forte teneur similaire en hémoglobine et se déroulant dans un univers dark fantasy en lieu et place d’un de celui provenant de la science-fiction particulièrement horrifique du DOOM originel. AMID EVIL se veut d’être dans cette trempe, mais se place assurément dans la case hommage à la saga originelle, jusqu’au bout de ses pixels, et en lettre capitales, s’il vous plaît. De quoi être ravi ? C’est ce que l’on va voir, expressément.
Vous, Champion, a été choisi par les anciens pour lutter contre une force démoniaque qui a récemment débuté son invasion maléfique au sein de différents mondes sacrés. La tâche ne sera visiblement pas simple, car beaucoup d’autres héros ont échoué. Mais bon, on vous vous êtes débrouillé pour obtenir la hache sacrée à la fin d’un périlleux périple, donc si ce n’est pas vous qui arrivez à terrasser la menace qui s’est pointée, personne d’autre ne le pourra… Autant dire que l’on s’y attendait un peu, et sans rentrer plus dans les détails, mais l’histoire proposée par AMID EVIL n’est finalement qu’un prétexte pour aller défourailler du méchant avec la bénédiction d’entités supérieures. Il y a bien des inscriptions légèrement cryptiques sur les murs présentant un tant soit peu l’univers et la mythologie qui entourent l’univers en plus de planter l’ambiance, mais elles ne seront guère indispensables à l’appréciation générale du jeu, et n’intéresseront que les personnes visant le 100%.
Nous ne sommes pas lancés directement dans la baston, mais, en analogie avec le cadre avant la tempête, dans une sorte de HUB apaisé qui sera l’occasion de découvrir la patte graphique concoctée pour Indefatigable et qui sera appliquée sur tout le reste du jeu, à savoir un style résolument rétro avec des architectures de niveaux bien carrées, aux textures non filtrées et basse résolution propices à faire ressortir du pixel, des armes modélisés en sprites, et des ennemis dont pourra admirer la modélisation simpliste et triangulaire. Comme à la vieille époque, assurément, mais les développeurs ont tout de même modernisé tout cela en appliquant sur les environnements de nombreux effets de lumières, sans oublier de rendre les mondes bien plus complexes et vastes que dans les années 90, comme nous verrons un peu plus bas. Globalement le résultat est convaincant, tout à fait charmant, et suffisamment bien rendu à l’écran pour que ce style soit apprécié par des personnes n’ayant jamais connu le moteur du Quake originel et qu’il ravisse celles qui ont eu l’honneur et le privilège de connaître la toute première génération de Pentium.
Un HUB de calme et de paix donc, pour revenir au début du précédent paragraphe, qui permet, à la manière de Quake, de choisir sa difficulté mais également par quel ordre nous pourrons aborder les 7 épisodes proposés par le jeu, découpés quant à eux en 4 niveaux dont un dernier réservé par un affrontement avec un boss. Ces mondes offrent des ambiances bien différentes mais s’accordent sur un goût certain pour les imposantes bâtisses aux conceptions alambiquées et aux mécanismes d’ascenseurs et de portes apparents, où ingénieurs et architectes semblent s’être lâchés sur la décoration et l’agencement mais dont il est difficile de s’y perdre tant le level-design est réussi, malgré la grandeur quasi grandiose des niveaux. L’influence des FPS des années 90 est bien là, Hexen, Heretic et Quake en tête, avec un mélange gothique et steampunk pour des décors associant métal, bois et beaucoup, beaucoup (beaucoup) de pierre, ce qui peut à la longue, et selon comment on enchaine les niveaux, un peu lasser. Notons quand même l’excellent épisode “The Arcane Expanse”, marquant par ses couleurs et son architecture pour le coup plus osée que le reste, pour un résultat visuel complètement dingue.
Les niveaux sont réussis, mais quant est-il du gameplay ? Vu l’hommage, on est en droit à s’attendre à de l’action en palettes, de la nervosité et un arsenal conséquent. Que l’on se rassure, AMID EVIL répond à l’ensemble de ces critères. Pour les armes, le jeu annonce rapidement la couleur avec la hache sacrée, arme par défaut plutôt efficace et sanglante pour du combat rapproché, et sera rapidement accompagné d’une poignée d’autres ustensiles magiques, parmi eux, un trident balançant un éclair continue, un lance orbes explosives, ou encore masse projetant des piques à la manière du terrible lance-pieux de Painkiller. A défaut d’être vraiment original et évolutif comme ce que peuvent proposer un certain nombre de FPS “rétros” moins récents, cet armement reste plutôt varié et chaque choix sera propice à chaque situation. Les ennemis sont en effet légion dans le AMID EVIL et déclinés en plusieurs types qui demanderont une approche différente : en effet, entre les rapides et peu forts, les volants, et les gros et gros balourds, attaquer avec la même arme ne sera pas toujours la meilleure option. Notons sur ce point un bestiaire varié, du moins du côté du design, propre à chaque monde. Durant les moments les plus tendus, et après obtention d’âmes, il sera possible de déclencher un mode berserk où le pouvoir le l’ensemble de l’arsenal sera décuplé pendant une durée temporaire mais prolongeable. Autant dire que ce dernier est particulièrement jouissif, mais non sans risque de crever d’arrogance, dans le feu de l’action. Pour le reste, le cahier des charges du genre et de l’époque est validé : de classiques points en vie, des secrets dissimulés un peu partout dans les niveaux, de l’action nerveuse lors des affrontements, une petite dizaine de power-ups pour pousser, sans oublier une progression un brin archaïque, il faut bien l’avouer, par l’obtention de clefs et l’activation d’interrupteurs. C’est fun, donc, mais pas parfait : si l’on met de côté le rythme pas aussi soutenu que des FPS plus modernes comme Serious Sam ou Shadow Warrior du fait notamment de la conception sur deux plans des niveaux (façon Quake, donc), on ne pourra que regretter que les boss ne soient finalement que de pauvres sacs à PV peut capables de riposter, malgré leur taille énorme et leur force de frappe potentielle, du moins visuellement : dans le mode de difficulté de base, où les morts seront normalement fréquentes, les boss ne sauront pas résister une bonne vieille dose de super armes balancées en continue. On sait que l’on incarne une sorte de demi-dieu, mais quand même, on se demande pourquoi les héros qui sont passés avant nous ne se sont pas associés pour détruire les grands antagonistes des mondes corrompus. D’où cette petite déception de victoire un peu trop facile.