Après un cinquième opus des plus décriés, on aurait pu craindre que la licence Star Ocean ne passe aux oubliettes. Pourtant, tri-Ace remet bel et bien le couvert avec une nouvelle itération, titrée The Divine Force. Le studio japonais doit composer avec un budget pas vraiment divin, et les amateurs de JRPG pouvaient émettre des doutes, légitimes, sur la faculté de la série à reprendre du poil de la bête. À l’arrivée, s’il est clair que le manque de moyens se ressent clairement dans certains compartiments du jeu, tri-Ace est parvenu à compenser avec brio. En résulte une très bonne surprise et un RPG solide.
Une histoire qui démarre lentement, mais intéressante
À l’instar de l’excellent Star Ocean: The Second Story, ce sixième volet nous propose d’emblée le choix entre deux protagonistes. Sélectionner Laeticia ou Raymond est loin d’être uniquement une option cosmétique. Si l’histoire principale reste la même, les deux protagonistes se retrouvent parfois séparés pendant quelques heures, le joueur voyant ainsi les événements se dérouler d’un point de vue différent. Les interactions avec les autres personnages, lors des Private Actions, varient également, tout comme les musiques de combats (plutôt orientées science-fiction avec Raymond, et fantasy avec Laeticia). Mais aussi, chacun des deux protagonistes peut recruter un personnage optionnel qui est exclusif à sa route.
Les personnages, parlons-en ! Et c’est là l’une des premières excellentes surprises de cet opus. Alors, oui, il faut passer outre la modélisation 3D qui ne rend pas toujours parfaitement honneur aux superbes artworks d’Akiman, tandis que le manque d’expressions faciales a de quoi faire grincer des dents. Cependant, si on passe outre l’aspect esthétique, on se retrouve avec un casting de personnages très attachants et crédibles. J’apprécie beaucoup, en particulier, le duo de personnages principaux. Lesquels affichent des personnalités bien marquées, et s’avèrent aptes à prendre des décisions dans les moments importants. Cela change de certains clichés souvent vus dans les JRPGs.
L’histoire, elle, se suit sans déplaisir. Le premier tiers du jeu se concentre avant tout sur du world building, durant lequel on fait connaissance de la planète Aster IV et des différents personnages, sans qu’il ne se passe grand-chose finalement. Le tout est toutefois très bien rythmé, nous faisant enchaîner beaucoup de lieux très variés. Ce qui aide à maintenir éveillé l’intérêt du joueur. On commence à saisir davantage les enjeux de notre aventure au milieu de celle-ci, avec des événements sous fond d’intrigue politique qui, en dépit d’une mise en scène clairement archaïque, se révèlent accrocheurs. Le dernier tiers, plus axé science-fiction, nous embarque au cœur de concepts pouvant parfois paraître un tantinet complexes, mais aux idées intéressantes. Personnellement, je peste surtout sur l’antagoniste principal, au style et aux motivations vus et revus dans tellement de JRPGs…
Au niveau de la structure de cette nouvelle épopée, vous l’aurez peut-être compris, on retourne à quelque chose de relativement classique pour la série. La majorité du jeu se situe sur une planète « sous-développée », nous proposant une aventure finalement peu différente de la majorité des JRPGs durant ce segment, avec tout de même des éléments SF entre autres grâce à Raymond et son équipage. Un mélange assez amusant et maîtrisé à vrai dire, même si certains peuvent légitimement regretter qu’en-dehors de Star Ocean: The Last Hope, la série continue de suivre ce schéma au lieu de s’essayer à une épopée spatiale plus ambitieuse.
Un RPG au gameplay survitaminé…
La communication du jeu a largement tourné autour de D.U.M.A., ce petit robot nous aidant de multiples façons pendant les combats, et nous permet aussi de « voler » en dehors de ceux-ci. Un aspect extrêmement plaisant du gameplay, contribuant largement à cette sensation de vitesse à tout instant. De surcroît, cet élément apporte un peu de verticalité à un level design qui, sans être particulièrement transcendant ni révolutionnaire, se révèle plaisant en terme d’exploration. Les zones sont plutôt vastes et ouvertes, et on les parcourt sans rechigner à la recherche de gemmes pour améliorer D.U.M.A., de coffres ou autres éléments à récolter. Sans omettre les petits lapins colorés, mascottes officieuses de la série, qui signent leur retour.
L’un des principaux points forts de la série, bien sûr, est censé être son système de combat. Star Ocean 6 ne dénote pas de ce côté-là. À vrai dire, il s’agit probablement de l’Action-RPG le plus fun auquel j’ai joué. Oui, j’ai pris plus de plaisir sur ce Star Ocean que sur Tales of Arise ou Final Fantasy VII Remake. L’ensemble est extrêmement vif et nerveux, tout en proposant suffisamment de profondeur et technicité. Chaque personnage dispose d’un gameplay lui étant propre, ce qui rend définitivement intéressant de tout essayer, et de personnaliser ses combos et attributs comme bon nous semble. Nina, par exemple, est centrée uniquement sur le support et le healing ; alors que des personnages comme Helena et Marielle peuvent alterner corps-à-corps et attaques à distance. L’IA alliée n’étant franchement pas extraordinaire, il est d’autant plus essentiel de bien réfléchir au groupe et aux atouts passifs que vous choisissez…
… toutefois loin d’être techniquement irréprochable
À noter qu’à l’instar de Star Ocean: Integrity and Faithlessness, il n’y a pas de transition entre l’exploration et les combats. Mais cette fois, seulement quatre personnages participent aux joutes, autorisant une plus grande fluidité. Cela dit, la fluidité justement, ce n’est pas toujours ça. C’était l’un des points que l’on redoutait le plus à la vue de certains extraits de gameplay, et s’il y a une amélioration notable, il faut tout de même le reconnaître : le framerate est très instable selon les zones. À noter que j’ai parcouru le jeu sur PC, avec une RTX 2070 Super, ce qui normalement est amplement suffisant pour faire tourner l’extrême majorité des jeux sans souci. Mais dans le cas présent, Star Ocean 6 souffre simplement d’une optimisation délicate, peu importe le support, d’ailleurs. Il faut dire que tri-Ace travaille toujours avec son vieux moteur issu de la génération Xbox 360… Et, clairement, cela se ressent dans un jeu relativement ambitieux comme celui-ci.
Un autre point noir est la qualité des menus et des interfaces en général. Beaucoup pestent sur la petite taille de la police, bien que cela ne m’a guère posé de problème, jouant près de mon écran. En revanche, naviguer dans les menus (notamment pour vendre ou trouver des objets) relève parfois du calvaire, alors que certaines options, qui pourraient ajouter au confort global, manquent à l’appel. J’espère sincèrement que les menus et le framerate feront l’objet d’améliorations lors d’éventuels patchs à venir, afin de rendre l’expérience globale encore meilleure. Ce sont clairement deux points qui, s’ils n’ont pas gâchés mon plaisir de jouer, s’avèrent tout de même frustrants.
Une DA réussie et un contenu conséquent
En revanche, un aspect m’ayant beaucoup surpris et finalement, celui-ci aide grandement à compenser l’aspect purement technique vieillot du titre, s’agit de la direction artistique véritablement réussie. La plupart des environnements sont honnêtement sublimes, nous offrant plusieurs superbes panoramas (malheureusement, il faut composer sans mode photo). Ces décors alternent science-fiction et fantasy plus classique avec brio. Si les textures accusent le poids des années, tri-Ace s’est donné le droit de contrebalancer avec quelques effets visuels qui flattent la rétine (oui, j’aime l’herbe dans ce jeu). Je dois admettre que je n’attendais pas ce nouveau Star Ocean à ce niveau-là.
Un petit mot sur le crafting, fonctionnalité récurrente de la série. On retrouve ici un système assez proche des premiers jeux, et évidemment, la truculente Welch est de la partie. Il existe au total sept catégories différentes de crafting (ingénierie, médecine, artisanat, etc…), lesquelles vous demandent tout bonnement de choisir un ou deux éléments afin d’en créer un objet. La suite, en plus de contenir une bonne dose d’aléatoire, dépend beaucoup du niveau de vos personnages et de leurs atouts dans chaque spécialité. La synthèse, qui permet d’octroyer des atouts à vos armes et accessoires, est sans doute la partie du crafting la plus sympathique.
Pour terminer ce Star Ocean: The Divine Force, il m’a fallu près de 60 heures. À noter toutefois que j’ai complété la plupart des quêtes annexes (près d’une soixantaine), passé beaucoup de temps à explorer et retourner dans les différents lieux afin de débloquer des Private Actions (le jeu récompense vraiment ceux qui prennent leur temps), et je me suis pas mal attardé sur l’Es’owa, un mini jeu de qualité avec des pions auquel on peut défier de nombreux PNJs – et qui permet, par ailleurs, d’obtenir d’excellents accessoires. Quelqu’un qui décide de rush en ligne droite peut sans doute voir les crédits de fin en 30 ou 35 heures, mais passerait à côté d’une partie importante de ce qui fait l’intérêt du jeu.
Je dois avouer que j’ai trouvé la difficulté assez légère en mode « Galaxie » (qui correspond au mode « normal »), avec lequel on roule très rapidement sur tous les ennemis basiques. Je suis donc passé sur le mode supérieur, « Univers », et ayant tout de même beaucoup farm, le jeu m’a offert un challenge principalement lors des combats de boss. Il faut aussi savoir qu’en terminant l’aventure, malgré l’absence d’option New Game + à proprement parler, on débloque un nouveau mode de difficulté, ainsi qu’un end game costaud, sans surprise chez un jeu tri-Ace. Le principal intérêt étant de se frotter à deux nouveaux donjons jusqu’à affronter, sous trois formes différentes et de plus en plus ardues, deux boss bien connus des amateurs de la série.
Du bon Sakuraba
Parmi les petits détails sympathiques, on peut saluer le fait que l’intégralité des personnages, y compris les PNJs, sont doublés. Cela inclut ceux qui ne font que discuter entre eux, et que l’on peut ainsi entendre en passant dans une rue ou autre, ce qui apporte un peu de vie et d’immersion à l’ensemble. D’ailleurs, j’ai trouvé le doublage anglais globalement correct sur cet opus, et je tiens aussi à préciser que la synchronisation labiale, bien que probablement perfectible, m’a semblé nettement meilleure que lors des trailers et la démo.
En résumé, en tant que joueur assidu de la série, j’ai été ravi et rassuré par ce Star Ocean 6. Puisque les deux licences partagent souvent des similarités, je l’ai trouvé nettement meilleur qu’un Tales of Arise qui, s’il était effectivement plus abouti sur la partie technique, m’avait paru fade et peu inspiré au possible. L’OST, aussi, fait preuve d’une plus grande inspiration et diversité. Sur les musiques de combats et d’exploration notamment, on retrouve un Sakuraba en forme, en dépit de certains thèmes qui sentent encore un peu le réchauffé, pendant les cinématiques en particulier.