[dropcaps style=’2′]Dans les années 90, c’était à qui aurait la meilleure série de RPG. Devant les cartons de Final Fantasy et Dragon Quest, il était de bon ton de proposer une alternative originale, et ainsi marcher sur les plates bandes des deux mastodontes. Capcom a proposé Breath of Fire, Sony Arc the Lad, MediaVision Wild Arms, Namco Tales of et Konami, Suikoden. L’arrivée de la jeune et fringante Playstation a donné l’idée aux dirigeants de Konami de figurer parmi les premiers acteurs de cette grande aventure. Grande au moins autant que celle proposée par la série Suikoden qui se voit avec Tierkreis dotée d’un spin off sur Nintendo DS, d’où l’absence de numéro dans le nom.
Littéralement “Au bord de l’eau”, Suikoden tire son titre d’un roman chinois racontant l’insurrection de cent huit individus, issus d’horizons divers et de classes sociales différentes face à la corruption de leur gouvernement. Chaque épisode de Suikoden reprend cette trame : Tierkreis nous met dans la peau d’un jeune héros sans nom – que nous appelerons Vidok pour plus de commodités et d’égocentrisme – vivant entourés de ses amis et famille adoptive dans le petit village de Citro. Alors qu’ils y coulent des jours heureux, voilà que la découverte d’un étrange livre, aux abords du village, va octroyer à notre petite troupe divers pouvoirs, en plus de faire d’eux des porteurs d’étoile. Ce livre, cette chronique est activement recherchée par l’Ordre de la Voie Unique, un groupuscule militarisé, en passe d’attaquer tous les pays afin d’y imposer sa vision du monde : l’avenir est prédéterminé, il est connu par l’Ordre et chacun doit s’y soumettre sans réfléchir. Vidok, particulièrement désinvolte et fonceur, ne supportera pas cette vision et s’opposera très vite à l’Ordre.[/dropcaps]
Sa résistance aux assauts de l’Ordre fera vite le tour des pays limitrophes et ce sont jusqu’à 107 compagnons qui le rejoindront en fin de partie. Certains automatiquement, d’autres de manière parfaitement optionnelle, les plus retors nécessiteront la réalisation de quêtes annexes et des conditions bien particulières. A l’instar du reste de la série, Tierkreis permet de prendre possession d’un château, véritable QG, évolutif, qui accueillera l’intégralité du casting. Certains non-combattants y ouvriront même des échoppes, d’autres créeront un ascenseur ou cultiveront les champs. Véritable poumon du jeu, le château devient vite un hub où les décisions sont prises et servant de havre de paix entre deux guerres. Il est également le lieu de récupération des quêtes annexes grâce au personnage de Moana. Les habitués seront en revanche déçus du faible nombre de personnalisation et de mini-jeux.
Cette simplification résume d’ailleurs le jeu dans son ensemble. L’une des particularités de la série consiste à proposer différents types de bataille, classique, armée (à la Dragon Force) ou duel. Tierkreis ne retient que les combats classiques. Les Suikoden se jouent avec six personnages en combat, ordonnés en deux rangées : Tierkreis conserve les deux rangées mais n’y place que quatre guerriers. Le système de baston, très simple, est basé sur de l’attaque, de la magie – spécifique aux porteurs d’étoile -, de la garde et l’utilisation d’objets. La magie se paramètre en amont depuis des points bien spécifiques : chaque personnage ne peut posséder que quatre magies. Heureusement, les unions – très puissantes attaques réunissant plusieurs combattants – et les attaques coordonnées – plusieurs personnages qui s’associent ponctuellement pour enchaîner une même cible – sont toujours d’actualité. L’occasion de voir que la console de Nintendo a un peu de mal à ne pas ralentir quand plusieurs personnages bougent simultanément, peut-être l’une des raisons à cette limite de quatre.
Point fort de la série, les combats de Tierkreis n’ont pas à rougir. Leur fréquence en revanche risque d’en énerver plus d’un. C’est “un combat tous les trois pas”, comme disent les vétérans des générations 8/16bits, et le nombre de pas pour franchir un donjon augmente fortement au fil des heures. Sans compter que le jeu aime ne pas téléporter le groupe une fois le donjon retourné et son boss destitué, obligeant le joueur à faire machine arrière avec la même fréquence de combat. Une plaie, surtout quand il est nécessaire d’en re-parcourir certains au profit d’une quête annexe. Heureusement, dans un sens, que le niveau de difficulté de Tierkreis soit proche du néant – il est en effet difficile de perdre un combat. Le rythme d’avancée se veut d’ailleurs plutôt lent, autorisant le joueur à s’aérer l’esprit presque toutes les heures ou deux heures avec de multiples quêtes. Celle des 108 porteurs d’étoile – débloquant la véritable fin du jeu – reste toutefois la principale. Elle se révèle bien moins compliquée que celle d’un Suikoden II, au hasard. Pas de choix cornélien, juste quelques petits malins à récupérer en temps et en heure. Impossible d’attendre le sprint final pour aller à la cueillette : il est nécessaire de les recruter tout au long du jeu, certains événements rendant des zones inaccessibles.
Autant dire que nous arpentons le monde du jeu en long en large et en travers au cours de la quarantaine d’heures nécessaire pour tout débloquer et réaliser. Une durée de vie honnête pour ce jeu qui se parcourt sans déplaisir. Les conflits politiques et trahisons, si chers à la série, sont toujours là mais le public visé, jeune, les empêche de gagner en épaisseur. Et nous touchons là l’un des principaux reproches que nous pourrions lui faire : les dialogues de Tierkreis sont pour la plupart enfantins, quand ils sont correctement traduits. L’aventure a été parcourue en édition française, peut-être faudrait-il comparer par rapport à la japonaise ou même américaine. En tout cas, c’est parfois affligeant de naïveté. Les fautes d’orthographe sont monnaie courante et les noms des personnages sont, lors de la première rencontre, régulièrement en anglais, n’est-ce pas “Mysterious Woman”. Dommage, même si nous saluons l’effort de placer une VF. Les voix restent en anglais, avec une qualité très années 90, qui remettra d’actualité la question “Pourquoi ne pas avoir laissé les voix japonaises ?”. Pas de voix non plus durant la somptueuse introduction animée qui sans égaler celle d’un Suikoden II, se permet de tutoyer les meilleures. A noter que l’aventure est régulièrement ponctuée de scènes animées du meilleur effet, pour le support.
D’ailleurs, Suikoden Tierkreis peut se targuer d’offrir une réalisation de haute volée pour la portable de Nintendo. Personnages en 3D, super deformed, à savoir grosse tête, petit corps, à la Final Fantasy IX, et décors en pré calculés tous plus étonnants les uns que les autres. Les ruines du début ou encore la forêt de Noslaw sont de véritables tableaux de pixels. Ce choix de représentation rappelle inévitablement les RPG de l’ère Playstation, tout en paraissant tellement adapté et naturel sur la portable. Les deux écrans sont en revanche parfaitement sous exploités, puisque celui du haut ne sert qu’à afficher une image, une vue de loin d’un village ou le ciel entre les feuillages des arbres dans une forêt un peu trop dense. N’abordons même pas le cas de l’utilisation du tactile, visiblement oubliée. Pas de Word Map non plus, plutôt des points reliés entre eux, où chaque déplacement coûte un certain nombre de jours, l’incidence se fait uniquement sur les délais requis pour remplir des quêtes annexes, et fait avancer la saison de floraison – importante pour obtenir le personnage de Namna. C’est dit.
[section id= »conclusion » style= »border:1px solid white;padding:10px;overflow:auto;background-color:#00a0db;color:#FFFFFF; »]Au final, que retenir de ce volet DS : un spin off honorable, à la réalisation technique plutôt brillante, si l’on exclut les quelques ralentissements en combat absolument pas pénalisants. Son orientation plus grand public n’a pour autant pas eu que de bonnes conséquences. Facilité déconcertante, personnages peu fouillés, dialogues énervants, conflits mal mis en valeur, Suikoden Tierkreis ne peut pas prétendre à se hisser du niveau d’un opus de la série.[/section]