Fire Emblem est maintenant une franchise mondiale et, comme Pokémon, elle était particulièrement attendue au tournant cette année puisqu’elle change de génération de console avec la Nintendo Switch. Nous sommes à présent à faire le bilan de l’année et on peut dire sans trop se tromper que Fire Emblem Three Houses a bien mieux réussi son passage à la HD que le jeu de Game Freak.
C’est sur le volume que le jeu d’Intelligent Systems impressionne d’abord : alors qu’on avait trois scénarios en deux jeux plus un DLC dans Fire Emblem Fates, il y a quatre histoires distinctes incluses directement dans la petite cartouche de Fire Emblem 3 Houses. Et qui plus est, toutes les langues sont disponibles dans toutes les régions. Je ne vois pas là d’autres mots que « bravo ». Le joueur se retrouve une fois de plus dans le rôle du stratégiste, qui se voit confié l’éducation d’une classe dans la prestigieuse académie militaire de Garreg Mach (qui est aussi un monastère).
Selon la classe que vous choisissez, l’aventure sera complètement différente, au moins dans sa deuxième partie. Ce nouveau Fire Emblem se joue sur deux époques, excellente structure narrative trop sous-estimée dans le milieu du JRPG. La première conte la vie estudiantine des trois classes de manière assez rigolote, avec une saine émulation et de beaux chapitres dans une ambiance rappelant fortement Harry Potter.
C’est très réussi sur ce plan, d’autant que ce long prologue prépare bien la suite, en montrant en filigrane le complot du mystérieux « Empereur des Flammes », dont la véritable identité est un véritable coup de poing dans la figure. La deuxième partie est au firmament de ce que l’on peut attendre d’un JRPG d’heroic fantasy : une odyssée pleine de courage, des défis, de valeurs… Sombre aussi, mais ce scénario très dur émotionnellement le protège du manichéisme et invite le joueur au questionnement. Les différentes factions ont toutes leurs raisons de prendre les armes. Qui est « méchant » ? Qui a tort ? Chacun trouvera sa propre réponse à l’issue des drames déchirants qui parsèment les conquêtes et les résistances. Fire Emblem Three Houses serre le cœur du joueur et arrive à être bien plus convaincant dans son déroulement que Fire Emblem Fates qui faisait des tours de passe-passe scénaristiques pour vendre du DLC.
L’absence de DLC narratif est donc une des forces de Fire Emblem 3 Houses, mais c’est aussi à mon avis sa faiblesse : le joueur achève sa et ses parties avec une joie amère, car le « bien » n’est nulle part et il n’y a pas de happy end incontestable. Fire Emblem Fates Revelations avait l’avantage d’apporter un enjeu supérieur qui réunissait tous les personnages, ce que cet épisode Switch ne fait toujours pas six mois après sa sortie. Les personnages et les pays sont toujours divisés. Le joueur reste à rêver d’une grande coalition des trois classes, d’une true end que l’on sent possible à travers les conversations. Alors, DLC tardif ? Suite ? Quoiqu’il en soit, il n’y a toujours rien à l’horizon. C’est bel et bien le seul gros point noir : il n’y a, à l’heure de l’écriture de ces lignes, aucune conclusion satisfaisante à Fire Emblem 3 Houses.
En termes de progression, Fire Emblem 3 Houses lâche son idée géniale : on peut enrôler les élèves des autres classes ! Quel plaisir d’arracher les jolies filles aux autres pour construire son propre har… bataillon. Concrètement, il est nécessaire d’augmenter les statistiques et talents du perso principal (magie, maîtrise des différentes armes…) en fonction de la recrue visée. Cela fait une activité toute trouvée durant les phases scolaires, au cours desquelles vous renforcez vos troupes pour la prochaine mission, mais c’est loin d’être la seule. Ecole oblige, vous allez… en cours ! Le perso principal dispense des conseils pour faire progresser ses élèves et partenaires, ce par quoi ils auront petit à petit plus de connaissances des armes, et donc pourront viser des jobs supérieurs. On chipotera en disant que les dernières classes cavalier sont sacrément dures à atteindre, mais le système est tout de même très prenant.
L’académie réserve bien d’autres distractions comme le salon de thé où l’on peut mater son ou sa préféré(e) sous tous les angles, la pêche, le jardinage, les tournois, les cadeaux et bien sûr la gestion de l’équipement qui est toujours un gros morceau. On sera encore une fois bercé par les characters events très drôles, avec des intervenants plein de charmes d’autant plus que les développeurs ont investi dans des doublages complets et des modèles 3D modernes. Les graphismes sont en revanche nettement plus faibles par ailleurs : les captures d’écran montrent des textures sommaires même si c’est moins gênant en mouvement. Les membres de l’équipe sont toujours aussi variés et plein de traits de personnalités adorables, comme Bernadetta qui ne veut jamais sortir de sa chambre et nous le fait bien comprendre jusque dans les combats avec des tirades hilarantes. Il y a un travail formidable sur tout le contenu annexe, qu’on apprécie comme il se doit.
Côté combat, si le principe du tactical-RPG sur un carte à cases est toujours d’actualité, Fire Emblem 3 Houses a changé beaucoup de choses. Déjà, le triangle des armes n’est plus : seuls comptent la précision, le poids et la puissance des armes à présent. L’arc garde son avantage sur les ennemis aériens, mais l’organisation de la défense est considérablement simplifiée. Autre changement qui va vers plus d’accessibilité, les sceptres et tomes de magie ne cassent plus. Du reste, les armes sont assez facilement réparables. La gestion de l’équipement perd donc en complexité, sans toutefois la rendre insipide puisqu’il y a encore une fois un très grand arsenal disponible. Cette version Switch ajoute la possibilité de prendre un groupe de soldats en soutien : par cela, n’importe quel personnage peut soigner ou attaquer de loin. C’est un outil qui affine l’optimisation de l’avancée sur la carte sans pour autant casser le gameplay. Dernière chose et pas des moindres, le perso principal peut remonter le temps! Derrière cet artifice scénaristique se cache une option destinée à aider en cas de coup dur, typiquement quand un allié qui meurt à cause d’un ennemi mal placé.
Alors, à force d’assister le joueur, Fire Emblem serait-il tombé dans l’assistanat? Pour moi, la réponse est clairement non. Le fait est que Fire Emblem 3 Houses garde la difficulté très elevée de Fire Emblem Fates Conquest, ce qui contrebalance les changements « d’ouverture ». Au contraire, on prend beaucoupplus de plaisir puisque qu’il est plus aisé de rester en mode classique grâce à « l’assurance » du voyage temporel. Et dans sa deuxième moitié, cet épisode a des cartes aux petits oignons, pleines de boss a priori imbattables, de mouvements de troupes violents, de renforts inattendus, etc. Innovation majeure, il y a maintenant des créatures géantes qui prennent plusieurs cases et qu’il faut attaquer à plusieurs dans des assauts très risqués. Ce nouveau type d’affrontement est tout simplement dantesque. Bref, les cartes sont intenses, très intenses. Plus d’une fois je me suis dis « c’est de la folie, on passera jamais ». Et à chaque fois, ça passe… les efforts tactiques payent et la sensation d’exploit est permanente. C’est bien là la marque des très, très grand JRPG.
Riche, passionnant, enivrant même, Fire Emblem 3 Houses est le digne héritier de sa lignée et très facilement la meilleure exclusivité Switch en ce qui me concerne. Son univers étendu, ses nombreux personnages géniaux, son gameplay toujours profond et son challenge parfaitement maîtrisé en font un jeu duquel il est impossible de décrocher.