Démarrée en 2014, l’initiative Square-Enix Collective propose aux développeurs indépendant un ensemble d’aides visant à concrétiser leurs idées pour le peu que le concept qu’ils souhaitent voir pousser plaise à la communauté qui a la possibilité de voter pour que le titre voit le jour. Ces aides peuvent se matérialiser en apports budgétaires ou encore à l’ajout de personnel ou de compétences manquantes à l’équipe indépendante, que cela soit pour du management, la production, le testing ou encore marketing. L’idée est, aux dires de Square-Enix eux-mêmes, de ne pas s’approprier la licence mais bien de donner un coup de main gagnant-gagnant. Depuis ses débuts, pas moins d’une dizaine de jeux ont été publiés par cette bien belle entreprise qui semble un peu discrète depuis fin 2018, dont Octahedron, développé par le studio “solo” Demimonde, et sorti courant 2018. Difficile, dans les magasins en lignes, de rater l’objet avec un tel nom – agrémenté d’un « Transfixed Edition » depuis 2019 via sa version Switch – et des visuels à priori simplistes et toutefois clinquants de couleurs. Que l’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit là que d’une façade qui cache un étonnant mais diabolique plateformer.
On peut constater, avec l’introduction du jeu, que Demimonde aime visiblement brouiller les pistes. En effet, le titre démarre dans la clairière d’une forêt, plus précisément dans une cabane juchée là, où un homme, seul, regarde un feu de cheminée s’éteindre peu à peu. L’ambiance déprimante, tout comme la palette de couleurs qui l’accompagne, ne s’arrangeront guère lorsque ce qui semble être définitivement notre protagoniste sort sous une pluie battante pour aller chercher du bois. Et c’est là que tout s’enchaîne : au détour d’un chemin, il est attiré par l’aveuglante lumière d’une étrange et imposante forme géométrique dont il fera rapidement les frais de son hostilité vu que cette dernière lui remplace sa tête par un prisme de lumière et l’envoie de force dans Veetragoul, un monde tout droit sorti… D’un univers de science-fiction à la Tron, je suppose ? Et puis voilà, pas plus d’explications sur les implications que cela peut laisser supposer, si ce n’est que, peut-être, on doit se casser d’ici. Si ça, ce n’est pas un lore des plus cryptiques…
Nous voilà donc lâchés dans un monde des plus hostiles avec pour seul objectif de le quitter, de préférence vivant. Octahedron propose une poignée de mondes découpés en une multitudes de niveaux, dont il faudra, pour chacun d’entre eux, tout simplement en rejoindre la sortie. Leur architecture à 100% verticale est liée de près au gameplay qui s’inscrit dans du plateformer pur et dur : notre bonhomme dispose de coeurs, d’un nombre défini de vies, des classiques mouvements du genre, à l’exception près qu’il peut, lors d’un saut ou d’une chute, créer une plateforme juste sous ses pieds, lui permettant ainsi d’atteindre des hauteurs auparavant inaccessibles ou bien de se déplacer sur l’axe horizontal du bloc matérialisé. La première subtilité est qu’il ne pourra pas en créer indéfiniment : un compteur est imposé pour chaque niveau et il faudra toucher une surface bien réelle pour se recharger. La seconde est que le bloc disparaîtra si l’on relâche la touche dédiée ou si on la maintient trop longtemps.
Un des points forts d’Octahedron réside dans la prouesse du développeur à avoir conçu, sur la base de cette relative simplicité, autant de niveaux qui exploitent toujours différemment ce gameplay. Aucun ne se ressemble vraiment grâce à l’ajout de facteurs “extérieurs” comme des téléporteurs, blocs à pousser, passages à sens unique ou encore une ribambelle d’ennemis et autres dangers, comme des piques, lasers, missiles à tête chercheuse… L’imposition d’un nombre limité de plateformes à créer pousse à se poser quelques instants pour évaluer le chemin à suivre mais fait également aussi bosser les réflexes et particulièrement la coordination. Globalement, le jeu offre un challenge conséquent mais diablement équilibré : tout ce qui est mis à notre disposition est juste suffisant pour compléter un niveau, à celui ou celle qui tient la manette d’en tirer parti. Et comme tout comme bon plateformer moderne qui se respecte, Octahedron est livré avec pas mal de rejouabilité pour les personnes qui veulent encore plus de défis : différents badges de complétion sont en effet donnés à chaque fin de niveau, et les obtenir demandera beaucoup, mais alors beaucoup de patience et de tentatives infructueuses, puisqu’ils s’attardent sur le temps, le nombre de plateformes créées, le nombre de vies utilisées et l’obtention de fleurs et de tetrahedrons disséminés et parfois bien cachés dans un niveau. A noter que récupérer les dits objets permettent non seulement d’avancer dans le périple principal, mais également d’accéder à des zones offrent des évolutions fort pratiques. Mais qu’apporte la mise à jour (gratuite) « Transfixed Edition » me direz vous ? Pour résumer : plus de défis par rapport à l’original, ainsi que l’apport d’un mode difficulté facile.
L’appréciation générale d’Octahedron ne saurait être complète sans aborder la partie visuelle et sonore du titre, parties quasiment indissociables du gameplay. Pour les yeux, le titre s’affiche de la manière la plus agréable avec ses graphismes simplistes et lisibles pour un mélange de pixels bruts et d’éléments plus modernes qui baigne une sorte de soupe issue de la vague synthwave et qui réagit parfaitement, via de nombreux effets visuels, à la bande-son. Et c’est sur cette dernière que le jeu marque assurément des points : écrite notamment par Andre Sobota, Demimonde lui-même et la chiptuneuse Chipzel (entendue sur Super Hexagon et le récent Dicey Dungeons), elle s’avère particulièrement fabuleuse, riche et entêtante. Et son intérêt est double : en plus d’accompagner notre aventure, elle « cale » le rythme de nombreux éléments du décor, que cela soit les pièges, les plateformes ou les ennemis.