Devant le succès planétaire des Chevaliers de Baphomet, Revolution Software ne pouvait décidément pas en rester là et enchaina pratiquement coup sur coup sur sa suite. Estampillée Le Miroir Fumant dans sa version originale et Les Boucliers de Quetzalcoatl dans nos contrées, ce second opus, disponible à peine un an après son grand frère, s’inscrit presque logiquement, vu le temps qui les sépare, dans une pure continuité aux premières aventures de George Stobbart… Et c’est peut être ce qui lui a été le plus reproché à l’époque. A tort ou à raison ? A noter qu’il sera abordé entre ces lignes la version originale, sortie fin 1997 sur PC et PlayStation, et non la « remastérisée » de 2010, étant donné que les choix opérés dans la Director’s Cut de l’épisode numéro un – dialogues en portraits fixes avec une DA pas raccord, un lissage moche de l’image, des indices visuels non désactivables, et la censure de certaines scènes – ont suffisamment refroidi votre serviteur pour ne pas réitérer l’essai.
Nous retrouvons donc notre célèbre touriste américain, quelques mois après les évènements qui l’ont conduit, lui et la journaliste Nico Collard, à voyager à travers pas mal de coins du monde pour résoudre le mystère d’un meurtre lié aux Templiers. Le début de notre histoire coïncide avec les retrouvailles de nos deux amis, retrouvailles de bien courte durée, il faut bien le dire : alors qu’ils rendent visite à un professeur spécialisé dans les civilisations précolombiennes, ils tombent dans un guet-apens où Nico finira kidnappée tandis que George sera laissé pour mort, attaché à une chaise, en compagnie d’une mignonne tarentule et d’un sympathique début d’incendie. Autant dire que pour une introduction, Les Boucliers de Quetzalcoatl est sans détours et met directement dans le bain, avec un héros en danger et une petite montée de stress pour celui ou celle qui tient le mulot. C’est un peu abrupt comme commencement, surtout quand on n’a jamais touché à un point-and-click au préalable, mais que l’on se rassure, on peut analyser et se familiariser avec les commandes tranquillement. Comme on pouvait s’en douter, la quête de George va tout d’abord se focaliser à porter secours à Nico, puis après, à savoir pourquoi ils se retrouvés dans cette situation. Comme semble l’indiquer le titre du jeu, cet épisode s’écartera quelque peu du premier épisode en s’habillant d’une nouvelle toile de fond, à savoir la civilisation aztèque, tout en gardant la dimension historique et mystique qui avait fait l’intérêt de l’opus précédent. Là encore, le titre est plutôt bien documenté et sait user de ses références et autres mystères pour garder les gens en haleine, avec une cohérence générale bien maitrisée, que cela soit pour son récit très bien écrit, aux nombreux rebondissements et au dénouement plutôt convaincant, ou encore pour ses dialogues toujours aussi savoureux de par les nombreuses personnalités rencontrées par notre héros au flegme légendaire. Continuité est décidément le maitre mot pour qualifier cette suite, si bien que l’on retrouve, non sans un certain plaisir quelques lieux et personnages emblématiques, distillés ça et là sans s’imposer pour juste faire du clin d’œil facile.
Et c’est sans doute ce qui lui avait été grandement reproché à l’époque : sorti à peine un an après Les Chevaliers de Baphomet, cette suite reprend absolument toute la recette de son grand frère sans vraiment révolutionner quoi que cela soit côté narration – au demeurant encore efficace – ou niveau gameplay : on retrouve le classique jeu d’aventure à base d’icônes contextuelles, avec son lot d’énigmes à base d’actions et d’objets à trouver, associer et utiliser aux moments opportuns, son lot de dialogues pour dégrossir de l’indice, et parfois, pour donner un peu de piment au style volontairement posé du genre, des séquences où il faudra enchainer rapidement quelques actions sous peine de voir un écran de fin de partie. On notera tout de même une excellente nouveauté : on aura plusieurs fois l’occasion d’incarner Nico, dont le rôle dans cette aventure est largement plus important qu’auparavant. Techniquement, Revolution Software a tout de même apporté des modifications à son moteur et on peut dire que Les Boucliers de Quetzalcoatl a en une année évolué dans le bon sens : le titre a gagné en résolution d’affichage et en détails côté décors et animations des sprites. Côte chapitre sonore, les voix façon répondeur téléphonique sur une vieille K7 sont maintenant absents d’une version toujours intégralement en français, et côté musiques, la clarté est maintenant reine. Tout cela au service d’un jeu dont le statut de pure et simple suite n’est pas à nier mais dont il est difficile de bouder le plaisir qu’il procure : si l’ambiance est largement moins marquante que dans le premier épisode (Paris aide beaucoup), on ne peut que saluer le voyage une fois encore dépaysant que Les Boucliers de Quetzalcoatl, avec de nombreux lieux à visiter aux quatre coins du monde, plus ensoleillés que jamais, et distillés à l’écran par des décors bien plus nombreux et moins redondants qu’auparavant. Alors que l’on revenait pas mal sur des lieux déjà visités dans le premier opus, ici tout est enchainé de manière linéaire, ce qui coupe un peu ce sentiment de liberté mais évite de se poser la question d’un indice ou d’un objet éventuellement oublié.