[dropcaps style=’2′]On se souvient comment la sortie de Heavy Rain a tout défrayé de toute part. La communauté de joueurs s’est retrouvé énormément divisée : certains criant au génie, d’autres s’indignant. Parmi les détracteurs, outre ceux houspillant davantage devant le personnage de David Cage dans sa globalité que pour le soft en lui-même, le débat principal qui en ressortait s’articulait autour de la même question : Heavy Rain, est-ce du jeu vidéo ? Même si les plus jeunes ne s’en rappellent pas forcément, il faut admettre que les réactions ont été vives. Se remémorer cela permet de constater avec amusement le fait que les esprits ont, depuis, bien évolué. Alors qu’on passe à une nouvelle génération, Sony annonce en grande pompe une de ses exclusivités PS4 gros budget : Until Dawn développé par Supermassive Games qui, après un jeu Docteur Who et autres misérables party-games gadgets en réalité augmentée sur PS3, semble revoir ses ambitions et prétentions à la hausse. Reposant sur un concept similaire à Heavy Rain, à savoir proposer un film interactif sous fond de slasher movie américain – de l’épouvante où une bande d’adolescents coincés dans un lieu inhospitalier en proie à un tueur en série est souvent au centre du propos pour les moins cinéphiles d’entre vous – il faut reconnaître que les joueurs l’ont bien mieux pris que le titre de David Cage. Moins d’indignation, moins de débats. Certes, il y a bien eu quelques râleurs pour dire « que c’était de la merde, c’est même pas un jeu » mais de façon plus générale, on peut dire que l’on a atteint aujourd’hui une ère où il est acquis que le genre narratif/film interactif reste un sous-genre vidéo-ludique comme un autre. Malgré tout, Until Dawn peut-il se permettre d’arriver au même niveau qu’un jeu estampillé Quantic Dream, voire carrément le dépasser ?[/dropcaps]
Un synopsis banal.
Dix lycéens se retrouvent à faire la bringue en plein hiver au cœur des montagnes sauvages américaines au sein d’une propriété luxueuse appartenant aux parents de Josh et ses deux sœurs jumelles Bette et Hannah. Afin de passer une soirée inoubliable, ils ont invité Sam, la gentillesse incarnée que tout le monde apprécie, Jess, la pompom-girl aussi pouffiasse que populaire, Emily, son alter-ego populaire misant tout sur son intelligence et sa condescendance égocentrique, Mike, le footeux « BG et dents brights », Matt, autre sportif plus effacé et mesuré, Ashley, une fragile créature pétocharde du clan des non-populaires envieuse de plus de reconnaissance et Chris, la fausse tête de binoclard premier de la classe se complaisant dans l’attitude « blagues & vannes » pour masquer son côté coincé. Alors que Josh et Chris cuvent méchamment leur cuite dans la cuisine, presque toute la petite bande se décide à faire une petite blague, aussi douteuse que cruellement humiliante, à Bette. Perturbée et triste de s’être faite avoir aussi facilement d’un guet-apens si grossier, elle s’enfuit précipitamment du chalet avant que sa sœur jumelle ne la poursuive afin de la calmer et la ramener. Bientôt, les deux jeunes filles se font poursuivre par une mystérieuse présence et finissent par tomber au fond d’un ravin, les laissant pour mortes.
Un an après, Josh, visiblement plus apaisé de la disparition et mort de ses sœurs, invite ses sept autres amis qui étaient présents en cette funeste nuit. Histoire de rendre hommage à ses sœurs et passer une bonne soirée dans ce même chalet paumé comme elles l’auraient voulu de leur vivant. Mais rien ne se passera aussi calmement que promis et de mystérieux événements ont tôt fait d’intervenir et il est impossible pour eux de s’échapper, une tempête de neige faisant rage. Il appartient donc aux huit protagonistes de tout faire pour survivre jusqu’à l’aube où l’on pourra enfin les secourir. Et surtout à nous, joueur, de prendre les bonnes décisions pour qu’ils y parviennent.
Casting trois étoiles.
Blockbuster oblige et comme pour suivre la tendance que Quantic Dream a installé avec Beyond : Two Souls (où on y retrouvait les acteurs Ellen Page et Willem Dafoe), Until Dawn compte lui aussi sur un casting relativement prestigieux. Même si tous les visages ne sont pas de grandes stars que tout le monde connaît, il y a fort à parier, notamment si vous êtes sérievore, que vous avez déjà été confronté aux minois de Hayden Panettiere (Heroes, Scream 4), Rami Malek (Mr. Robot, Twilight) ou encore Brett Dalton (Marvel : Les Agents Du SHIELD) ou éventuellement Peter Stomare (Dancer In The Dark, Armaggedon, Fargo, Constantine…). Même si l’on sent qu’il y a eu quelques modifications dans la modélisation, notamment pour flatter les courbes des modèles, elle impressionne de précision et de richesses de détails dans les faciès. Même s’ils souffrent un peu du syndrome L.A. Noire dans le côté un peu exagéré.
Une exagération qui dépend d’ailleurs beaucoup des modèles, nous amenant à penser que le souci ne vient peut-être pas forcément de Supermassive Games mais davantage du jeu d’acteur à la motion-capture en lui-même. Des acteurs par ailleurs plus ou moins convaincants dans leur rôle. Alors que le personnage de Josh interprété par Rami Malek brille de mille feux et laisse sans voix (cf les derniers chapitres du jeu), on peut dire qu’on reste beaucoup moins ébahi des prestations des acteurs ayant prêté leurs traits dans les personnages d’Ashley, d’Emily et de Matt. Peu convaincants car trop exagérés, presque vulgairement grimaçants, et artificiels dans leurs mimiques et même dans leur doublage. Heureusement, outre Josh, l’interprétation de Sam (Hayden Panettiere), Mike (Brett Dalton), Chris, le psychiatre ou encore Victor Milgram (Peter Stomare) remontent le niveau. Leurs interprètes semblent bien plus à l’aise avec cet exercice tout nouveau de jeu d’acteurs vidéo-ludiques et doubleurs – à noter que le jeu propose le choix entre doublage original et doublage français plutôt réussie – et n’en paraissent que plus naturels et marquants en jeu. Outre le caractère propre des personnages, ce point a un impact plus important qu’il n’y paraît dans la considération, l’appréciation et l’empathie que l’on pourrait avoir en tant que joueur pour tel ou tel personnage.
Une mise en situation maladroite.
On ne va pas se le cacher et on n’ira pas non plus par quatre chemins : il ne faut pas se fier à la première moitié de jeu pour juger de la qualité d’Until Dawn. Ce qui est plutôt dommage d’ailleurs. Dans les premiers chapitres, c’est un peu le grand plongeon vers le slasher hollywoodien banalement emmerdant. Rien de bien intéressant, la mise en place se fait de manière bien trop longue et surtout, tellement exagéré que cela en devient caricatural.
On nous présente les personnages par séquences souvent menées en duo. Ce qui n’était pas forcément si mal car on se retrouve au final avec la bagatelle de huit personnages, d’où le fait qu’il faille nous les présenter calmement. Malheureusement, la narration ne s’avère pas forcément palpitante. Chaque personnage nous semble répondre au parfait petit cliché que l’on retrouve dans les codes cinématographiques du genre, nous laissant une vieille impression de platitude. Il y a fort à parier que vous n’accorderez aucune véritable affinité envers les protagonistes durant ces premiers chapitres, à tel point qu’il en devient même difficile de ne pas se mélanger les pinceaux de quel visage porte tel nom.
Des visages plutôt bien foutus d’ailleurs, même si la démarche durant les phases de déplacements s’avère exagérément rigide. Point semblant indigne d’une PS4 d’un côté, on ne lui accordera toutefois pas forcément de gros point noir vu que le personnage que l’on incarnera s’avère maniable et les phases d’action ne se font que par l’intermédiaire de simples phases de QTE, tantôt simplistes, tantôt putassières. Oui, même si elles ne s’arrêtent qu’à de simples pressions de trois touches ou de non-action via le sixaxis. Le jeu mise également sur un système de choix où l’on devra souvent sélectionner ce qui nous semble la meilleure option possible, parfois même ne rien choisir du tout si le temps s’avère limité pour le faire. Et fort honnêtement, on est bien loin d’arriver au niveau d’un Heavy Rain, en particulier sur cette première partie de jeu. L’importance se fait surtout sur des petits détails qui, au final, nous importent très peu. Ce qui renforce grandement la distance du joueur quant à Until Dawn, quand bien même l’on doive se démener de trouver dans chaque séquence des collectables amenant moult réponses sur le contexte des événements et autres totems d’une tribu amérindienne – petit clin d’œil à The Shining – permettant d’avoir de courtes visions de chapitres futurs plus ou moins éloignés. Ces derniers permettent de nous donner une idée plus ou moins vague de la meilleure décision à prendre. La plupart nous montrant des passages de la seconde moitié du jeu, on finit par les récolter sans vraiment s’en occuper réellement lors des premiers chapitres, certains se montrant tellement vagues que l’on a au final beaucoup de mal à percevoir là où cette « aide extérieure » veut en venir.
L’ambiance qui émane de cette première partie de jeu va de paire avec la narration où il ne se passe au final pas grand-chose. On appréciera le minimalisme sonore, très cohérent qui plus est, permettant d’instaurer une certaine tension. Musique qui s’emballe progressivement dès lors qu’un jumpscare pointe le bout de son nez. Et si les premiers font vraiment leur petit effet, on ne peut pas dire la même des suivants. Parce que les petites blagues légères et potaches entre potes, ça va bien cinq minutes mais quand on finit par les répéter jusqu’à l’écœurement, la corde finit par s’user dangereusement. Il faut reconnaître que ce qui fonctionne pour une durée de quinze minutes pour un film n’arrive pas à passer le cap lorsque c’est étiré maladroitement sur trois ou quatre heures de jeu.
Du climax badasse !
Heureusement, la seconde partie de jeu s’avère autrement plus convaincante. Mieux, elle parvient à balayer les premières heures peu palpitantes d’un revers de main. Les choses parviennent à s’emballer. Le scénario s’amorce et parvient même à se montrer plutôt surprenant dans ses tenants et aboutissants. Amenant avec ce point de bascule tout le reste de son intérêt.
La narration et les personnages gagnent considérablement en substance. On parvient enfin à ressentir cette tension permanente tant recherchée, bien que certains jumpscares tombent complètement à plat, conséquence fâcheuse des maladresses des développeurs sur les premières heures de jeu. Au fur et à mesure que l’on suit les galères de chacun dans leur survie, les affinités, qu’elles soient positives ou négatives, finissent par se créer. Le jeu d’acteur abordé précédemment joue beaucoup en cette tendance – certaines scènes s’avèrent même assez folles en terme d’interprétation brillante – même si la narration y est également pour beaucoup. En finalement assez peu de temps, Supermassive Games a très bien réussi son pari de parvenir à amener une véritable évolution dans le comportement de ses protagonistes face à l’adversité. La plupart sortent complètement du cliché sur lequel ils étaient embourbés dès les premières minutes de jeu. D’autres, au contraire restent fidèles à eux-mêmes et s’y enfoncent d’autant plus, quitte à se montrer quasi-insidieux vis-à-vis de ses camarades et récolter une certaine aversion du joueur qui aura éventuellement moins de scrupules à faire un choix fatal à son encontre.
On aura d’ailleurs tendance à prendre ces choix bien moins à la légère que lors des premières heures de jeu. Certes, on a tôt fait de comprendre que l’on se retrouve davantage face à un jeu à la Telltales Games dans le sens où il n’y a pas réellement de gros bouleversement en terme de trame, hormis l’amputation de quelques séquences au final assez secondaires par rapport à l’approche Quantic Dream où les décisions avaient bien plus d’impact sur le déroulement des choses, principales comme optionnelles. Malgré tout, la vie ou la mort de chaque protagoniste constitue une gravité suffisante afin que l’on s’y implique et prenne le temps de mesurer le pour et le contre de chaque décision à prendre et amener son petit lot de pression. Et que l’on prête plus d’attention aux différentes visions des totems. A noter que les autres collectables prenant la forme d’indices revêtissent de leur importance afin de lever toutes les zones d’ombre à propos du contexte et leur obtention sur le temps s’avère par ailleurs bien fichue, à l’instar des souvenirs de Alice : Retour Au Pays De La Folie. Ce qui fait que l’on se prend à se passionner véritablement à Until Dawn et à avoir du mal à en décrocher jusqu’à sa conclusion. Un final montrant une utilisation du sixaxis vraiment bien amenée en terme de gameplay, à tel point que l’on ne le perçoit pas du tout comme une simple vitrine de fonctionnalité de la console comme ça pouvait être le cas au début.
[section id= »conclusion » style= »border:1px solid white;padding:10px;overflow:auto;background-color:#00a0db;color:#FFFFFF; »]Il serait dommage d’abandonner Until Dawn lors des premières heures de jeu. Certes, elles ne sont pas très passionnantes. Les personnages ne nous touchent que trop peu, l’histoire a le plus grand mal à décoller et la narration s’avère exagérément maladroite. Malgré tout, les choses finissent par basculer sur la seconde partie de jeu où il finit par se révéler particulièrement haletant. Et réussit pleinement son pari d’amener son lot de stress et de tension qui seront à son comble au cours de la scène finale. Qui montre par ailleurs que Supermassive Games est pleinement capable d’avoir de bonnes idées de gameplay, même dans un style où cet aspect n’est pas le plus plébiscité. Until Dawn reste au final un très bon jeu, encore faut-il le prendre pour ce qu’il est : une approche d’histoire interactive davantage pop-corn, à l’instar d’une production cinématographique hollywoodienne. Là où du Quantic Dream tentera davantage de se rapprocher du film d’auteur un brin (trop ?) intellectuel.[/section]
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