27 Novembre 1998 sort la Dreamcast. La plupart des grandes écuries japonaises annonce soutenir Sega. La plupart, mais pas toutes. Electronic Arts restera fidèle à Sony, et Squaresoft. A la fin des années 90, Squaresoft est le mastodonte du RPG et les Final Fantasy sont des system sellers. Nintendo l’a compris à ses dépens lorsque le septième volet a été publié sur Playstation. Ainsi, à l’annonce de la Playstation 2, tous les yeux sont rivés sur Squaresoft. La démo technique de Final Fantasy VIII est dans toutes les têtes. Le studio révèle très vite le développement d’un jeu de combat, par Dream Factory. Rappelons que nous leur devons la série des Tobal et Ehrgeiz. Au fil de la communication, nous découvrons Shinji Hashimoto (Final Fantasy VII) à la production, Tetsuya Nomura (Final Fantasy VII, Parasite Eve) au design des personnages ou encore Takashi Tokita (Live A Live, Chrono Trigger) à la direction. Gross production en approche. Bien que The Bouncer est le premier titre Playstation 2 dévoilé par Squaresoft, il rate la fenêtre de lancement et ne sort finalement que le 23 décembre 2000. La console est disponible au Japon depuis le mars. Selon les développeurs, dompter la complexe architecture de la console a été le plus gros challenge pour The Bouncer.
The Bouncer a été pensé comme la réunion de deux mondes, celui de l’action et du RPG. C’est un Beat’em Up. Pas de combats aléatoires, pas de menus d’équipements et une progression par tronçons qu’il est nécessaire, la majeure partie du temps, de nettoyer avant de découvrir le suivant. Pourtant, Squaresoft, et tout particulièrement Takashi Tokita, ont souhaité intégrer la profondeur des héros issus de RPG. Pour cela, ils ont misé sur un déluge de scènes cinématiques. Si les mineures utilisent le moteur du jeu, les principales sont en images de synthèse, l’une des spécialités des jeux Squaresoft à cette époque. D’autant qu’en 2000, Squaresoft avait clairement l’objectif d’impressionner son public. The Bouncer est d’ailleurs le premier jeu PS2 compatible Dolby 5.1. Tokita souhaitait mettre toutes les chances de son côté pour proposer une histoire dramatique.
Celle-ci prend place dans un bar. Nous découvrons Sion, Kou et Volt, ses trois videurs. Ils accueillent Dominique, la petite amie de Sion, venue lui rendre visite, tandis que la vie du bar se veut bien calme. Le calme avant la tempête en réalité : plusieurs combattants en tenue de combats, ressemblant à s’y méprendre à des ninjas, font irruption et kidnappent Dominique. Ce sont des hommes de main de la société Mikado, selon Volt. Kou, grâce à un contact haut placé, obtient en quelques secondes le moyen de locomotion le plus rapide pour se rendre à la tour Mikado. Cette petite troupe atypique s’efforcera alors, pendant les deux heures de jeu, de rattraper les ravisseurs et sauver Dominique. The Bouncer ne compte pas un héros, mais bien trois. Avant chaque scène de combat, nous devons choisir lequel incarner. Chacun dispose de ses propres caractéristiques et vaincre un adversaire octroie des points d’expérience. Ils sont à distribuer après chaque confrontation, soit pour augmenter une caractéristique (points de vue, force, défense) ou pour acheter une nouvelle technique. Le rang du personnage débutant à G peut atteindre A en fin de parcours.
Si globalement, le parcours général est à peu près le même pour tous, de nombreuses subtilités se sont glissées au détour des cinématiques. Entre les scénettes de début de combat, certains événements ne sont pas vus de la même façon selon celui que l’on dirige. Il y a même des combats exclusifs à chacun. Autant dire qu’il est indispensable de parcourir le titre plusieurs fois, avec chacun des personnages pour tout découvrir. Certains ennemis paraissent anecdotiques si nous les affrontons en tant que Kou, mais amènent des flashbacks et dialogues avec Sion. Le jeu disposant d’un mode Versus, il sera nécessaire de saigner le mode Story pour débloquer tous les combattants, y compris l’ultime boss. The Bouncer, à l’inverse de nombreux Beat’em Up de l’ère 16Bit se joue en solo. Il s’appuie énormément sur son scénario et rien n’a été fait pour être partagé. Tout comme le mode Survival, qui requiert du courage pour affronter des hordes d’ennemis, seul, à travers une dizaine d’épreuves. Seul le mode Versus autorise un second joueur à prendre la manette, pour du 1vs1, en arène.
The Bouncer rappelle le gameplay des Tobal, avec ses coups Haut, Moyen, Bas, et sa touche de protection sur les gâchettes. La palette de coups se veut simplifiée : The Bouncer n’a pas la profondeur d’un Tobal 2. Que ce soit clair. Toutefois, il y a largement de quoi s’amuser, si tant est que l’on étoffe l’ensemble en dépensant des points d’expériences. Volt a un style proche de celui des catcheurs, tandis que Kou utilise essentiellement ses jambes. Sion est plus polyvalent, avec des uppercuts et des coups pieds tournoyants. The Bouncer ne tente guère d’être réaliste, il est ainsi possible d’expulser des adversaires à plusieurs mètres avec le bon enchaînement. Les espaces de jeu varient énormément, nous alternons facilement entre les wagons d’un train et un jardin, en passant par des bureaux. Il faut s’accommoder à chaque fois à la disposition des lieux, bien qu’ils ne soient, malheureusement pas interactifs.
Sous ses allures de jeu sophistiqué, The Bouncer reste tout de même un beat’em up assez classique, et limité. Les sessions de jeu sont très courtes. Terminer le mode Story prend environ 1h30. Le terminer en zappant les cinématiques fait descendre le tout à 30 minutes. Le titre a pour lui une réalisation de haute volée, notamment en 2000. Il sert effectivement à l’écurie Sony à démontrer la surpuissance de la console, face à une Dreamcast en difficultés, et ce malgré l’effet Bloom omniprésent. Lissant les textures pour masquer un anti-aliasing un peu trop discret, cet effet a l’inconvénient d’amener un flou sur l’image. Squaresoft avait l’intention d’accentuer l’aspect cinématique de son jeu, et masquer les limitations de la console. Mais à trop vouloir l’utiliser, il peut gêner, notamment lors d’actions rapides, rappelant, aux mauvaises langues de l’époque, les habitudes N64. Cet effet sera plus tard réutilisé dans d’autres jeux et amélioré, tel que Ico. En revanche, l’aspect cinématographique est, quant à lui, bel et bien réussi. Un peu trop peut-être. Comme nous le soulignions précédemment, la manette est plus souvent posée que sollicitée. La bande son, signée Noriko Matsueda et Takahito Teguchi (futurs compositeurs de Final Fantasy X-2), s’en sort plutôt bien et accompagne bien toute l’aventure. Mention spéciale pour le thème de fin, chanté comme le voulait la coutume à l’époque, en japonais par Reiko Noda et en anglais par Shanice Wilson.
Une version japonaise en anglais
En 2000, les jeux à disposer d’une sortie mondiale sont rares. Il fallait souvent attendre des mois pour découvrir des pépites japonaises. Dans le cas de The Bouncer, il a fallu attendre plus de six mois. Pourtant, le jeu devant sortir aux Etats-Unis et au Japon simultanément – Sortie en mars 2001 aux US finalement – The Bouncer est jouable, dès sa version japonaise, en japonais ou anglais. Que ce soit les sous-titres, les menus ou les dialogues. La version japonaise contient en effet l’intégralité des doublages anglais. De plus, elle a l’avantage de tourner en 60Hz. L’européenne, tournant en 50Hz, a vu la rapidité du jeu chuter drastiquement, rendant l’ensemble bien moins agréable.