Crash Bandicoot. Jak and Daxter. Deux générations de consoles. Deux trilogies. La Playstation 3 arrive : Uncharted montre le bout de son nez. La série Uncharted n’est pas vouée à devenir une trilogie mais ce premier épisode présente le sous-titre Drake’s Fortune. Fini les univers toonesques et les personnages joviaux, et bonjour à un univers plus mature. Bonjour à Nathan Drake.
Descendant du célèbre marin Sir Francis Drake, l’un des plus grands explorateurs de l’Histoire d’Angleterre, Nathan est ce que l’on nomme communément un « chasseur de trésors ». Beau, jeune, mal rasé, un peu casse-cou mais profondément passionné, il décide de suivre la piste de son ancêtre. Ce dernier est supposé être mort de dysenterie en 1596, lâché en pleine mer panaméenne comme il le souhaitait. N’écoutant que son instinct, et l’anneau autour de son cou, Nathan Drake, Nate pour les intimes, retrouve le cercueil de Sir Francis en espérant que celui-ci le mènerait vers le véritable trésor de Drake, l’El Dorado. L’intrigue a de bien qu’elle est excessivement simple à comprendre, à l’instar de celle de n’importe quel Indiana Jones. Naughty Dog a instauré un point de départ convenu pour dérouler au fil de l’aventure une aventure aux multiples rebondissements, au milieu de décors tous plus exotiques les uns que les autres. Nathan y sera bien évidemment poursuivi par pléthores d’ennemis belliqueux désireux de mettre la main sur le trésor avant lui. Heureusement, il ne sera pas seul : amitié et amour étant de nos jours obligatoires dans pareille situation pour attirer et plaire à un maximum de personnes.
Lorsque l’on regarde Uncharted Drake’s Fortune, il est évident que Naughty Dog a su allier tous les bons ingrédients d’une superproduction hollywoodienne, à commencer par ce qui saute aux yeux : la réalisation. Si Uncharted n’est pas le titre le plus beau de la Playstation 3 à sa sortie, il faut convenir qu’il impressionne pourtant beaucoup. Rien que grâce à l’exceptionnelle modélisation des personnages. Nathan, Sullivan et Elena paraissent souvent plus vrais que nature, tout comme les décors particulièrement immersifs. Nathan est lâché en pleine forêt tropicale, ce qui induit une végétation luxuriante, une faune étrangement amicale et une foule de détails que bien des supports auraient du mal à afficher correctement. Tout comme l’élément eau, au rendu extrêmement fidèle à la réalité. L’animation dans son ensemble constitue très certainement le gros point fort du jeu. Nous savons tous que Naughty Dog dispose de son propre studio de Motion Capture. Cela se sent. Si les héros sont beaux, ils sont aussi et surtout parfaitement animés. Chaque geste paraît naturel, que ce soit en cours de jeu ou au sein des cinématiques. En phase de gameplay, Nathan court d’une manière particulièrement réaliste, laissant sentir tout son poids dans ses mouvements. Même si son agilité semble par moment égaler celle du Prince de Perse, elle n’en demeure pas moins crédible. Celle des ennemis, à quelques sauts près, n’a pas à rougir, bien au contraire.
Les adversaires se meuvent avec souplesse et intelligence. Half-Life a fait des petits : les ennemis ne restent pour ainsi dire jamais, si ce n’est les snipers bien évidemment, à camper leur position. Ils tentent sans cesse de progresser jusqu’à Nathan, en se couvrant mutuellement, certains en prenant parfois même leur temps, d’autres tentant une percée finie par une roulade pour éviter vos tirs. De petits bataillons vous tiendront en joue pendant que l’un des leurs vous contournera. Il est évident que l’intelligence artificielle du jeu a été fortement travaillée, heureusement au vu du nombre proprement hallucinant de confrontations. Uncharted ne lésine pas sur les vagues ennemies, jusqu’à l’overdose par instants. Linéaire mais très bien construite – le level design est, au passage, un véritable bonheur – l’architecture des lieux impose une progression hachée, ponctuée de séances de tirs un peu longues en général, où Nathan doit faire preuve de tout son talent pour la couverture. A l’image d’un Gears of War – et ce sera la seule analogie – notre héros peut utiliser tout mur ou caisson pour s’y adosser. D’une pression sur L1, il sort de sa cachette et peut ainsi viser. L1 relâché, Nathan se planque à nouveau. L’armement du jeu est plutôt classique, avec pêle-mêle du 9mm, fusils à pompe, fusil sniper, grenades, M4, AK-47, Desert Eagle, lance-grenades et autres Magnum. Seules deux armes, un flingue et un fusil, peuvent être équipées en simultané, en prendre une nouvelle sous-entend jeter celle de classe équivalente déjà en notre possession. Même si les munitions partent vite, Nathan n’est que rarement à cours puisque chaque ennemi en laisse tomber. Au pire, il dispose de tout un panel de coups au corps à corps pour pallier aux chargeurs vides.
Uncharted alterne donc les phases musclées et celles plus centrées sur la plateforme. Nathan est souvent amené à sauter et s’agripper à toute proéminence du décor, ce qui est un réel bonheur tant la maniabilité est réglée au poil. Il est évident qu’elle a été, elle-aussi, un grand chantier pour les développeurs. Ils ont fait en sorte qu’elle soit au service de l’animation rendant l’action extrêmement fluide à l’écran. Une véritable prouesse qui donne ainsi l’impression à tout spectateur de regarder un film. Très peu de transition entre les phases de jeu et les cinématiques, aucune pour signifier le changement de chapitre et sauvegarde automatique sans indice visuel. A noter d’ailleurs que les points de contrôle sont extrêmement fréquents, au point qu’il est rare de devoir refaire plus d’une ou deux minutes de progression en cas de décès. Toujours dans le souci de ne pas polluer l’écran de quelques indices sabotant l’immersion, aucune barre de vie ne vient gêner l’affichage. Les coups reçus éclaircissent l’image au point d’obtenir une lumière blanche en cas de décès. Plutôt logique. En cas de repos – en se couvrant ou en se retirant du combat, l’écran reprend petit à petit ses teintes d’origine, signifiant que la barre de vie de Nathan est remontée, à l’image de la plupart des TPS et FPS actuels. Pour ponctuer ses moments de tir et de saut, quelques salles de réflexion, bien moins complexes que celles d’un Tomb Raider, font leur apparition nécessitant de s’appuyer sur le calepin de Sir Drake afin de trouver la solution. Toujours dans un souci d’ouverture à tous les publics, elles sont toutes enfantines à résoudre et ne sont là que pour rappeler le côté aventure d’Uncharted.
Car c’est bien ce qui marque le plus dans Uncharted Drake’s Fortune : l’aventure. Naughty Dog a su réaliser et montrer ce à quoi une adaptation de la série Indiana Jones devrait être. Tous les éléments sont là. Entre les méchants très méchants mais forcément pas très futés, les traîtres, les hordes de mercenaires, les beaux paysages exotiques, les courses-poursuites et un trésor à débusquer. Vous avez toutefois compris que le titre était loin d’être sans reproche. Puisqu’en plus de proposer une progression assez inégale aux affrontements souvent trop longs, ou en tout cas trop nombreux, il cumule les petits défauts de finition qui exaspèrent. Le principal et celui contre lequel vous pesterez le plus : la gestion des collisions. Il est évident que devant pareille réalisation, il a fallu faire des concessions. Le graphisme ou l’ergonomie. Et si dans ses grandes lignes, Uncharted est un bonheur de prise en main et de maniabilité, dès qu’il s’agit de naviguer dans de petits espaces ou jouer rapidement, il est à la rue. Nathan a la fâcheuse tendance à se coincer dans le décor, nécessitant parfois le retour au dernier point de contrôle pour débloquer la situation. Tous les murs ne protègent pas des tirs ennemis, sachez-le, même s’ils disposent apparemment de plusieurs centimètres d’épaisseur. Des adversaires passent au travers des balles, des murs invisibles protègent certains angles de tir. Une accumulation de petits soucis qui amènent forcément à pester considérablement le jeu, dont la difficulté est pourtant plutôt bien dosée dans sa globalité.
Pour un premier coup d’essai, Naughty Dog réussit à nous offrir un véritable jeu d’aventure, une aventure trépidante dans des décors paradisiaques où nous nous perdons avec le plus grand des plaisirs, toujours à vouloir en apprendre davantage sur le trésor. « Un cocktail passionnant d’exploration, d’action et d’aventure » comme le dit la jaquette française du jeu. Cependant, malgré ses grandes qualités, la myriade de bugs de collision et son rythme très inégal nous font passer un moins bon moment que prévu. Les sept heures nécessaires à l’accomplissement de la quête de Drake n’en demeurent pas moins un très bon prélude à celles qui suivent…