The Council est français. Ce n’est pas tous les jours que nous sommes en mesure de parler de titres français, surtout aussi ambitieux que celui-ci. Nous le devons aux bordelais de Big Bad Wolf, fondé en 2015, par des anciens de Cyanide et Focus. Des habitués de RPG – Game of Thrones, Of Orcs and Men ou encore Styx, c’est en partie eux, qui, pour leur premier titre, ont décidé de partir sur un jeu narratif, épisodique, qui intégrerait tout de même des notions de RPG, le tout distribué et produit par Focus. OK, soyons fous ; cela représente tout de même une sacré promesse pour un premier titre.
Louis la Brocante
En octobre 2019, le jeu peut être apprécié de deux façons différentes : par épisode ou d’une traite grâce à la version complète (disponible en boîte, pour les amoureux du physique). Telle une série TV, The Council devait se consommer par épisode, chacun se terminant sur une révélation primordiale, limite façon cliffhanger, de façon à faire trépigner d’impatience le joueur désireux de connaître la suite. Car il faut bien le reconnaître : l’histoire de ce jeune Louis de Richet ne laisse pas indifférent. Membre de l’ordre Doré, une société secrète, il est à la recherche de sa mère, Sarah de Richet, disparue depuis plusieurs jours, après avoir accostée sur l’île de l’énigmatique Lord Mortimer. Après un prologue antérieur à ces faits, histoire de nous apprendre les rudiments du gameplay de The Council, nous prenons les commandes de Louis au pied du manoir de Lord Mortimer.
Afin de progresser dans son enquête, Louis devra non seulement fouiller les lieux à la recherche d’objets et d’indices, mais aussi et surtout dialoguer avec les autres invités de Lord Mortimer. En effet, parmi la dizaine de convives, se trouvent d’illustres personnages de l’Histoire, tels George Washington, Napoléon Bonaparte – tout jeune et à l’accent bien de chez nous – ou Manuel Godoy, bien moins connu sous nos latitudes. Ce colloque à huit clos deviendra très vite le spectacle de confrontations, plus ou moins musclées, ou de morts suspectes. Interviennent alors les premiers points forts de The Council : sa galerie de personnages et sa liberté. Chaque interlocuteur dispose de sa propre personnalité, que ce soit ses peurs, ses secrets ou ses faiblesses. Il est indispensable d’apprendre à cerner chacun d’entre eux afin de d’aborder les conversations de manière efficientes. Et dieu sait qu’il ne sera pas toujours simple d’anticiper les réactions de chacun. La tenue de certaines discussions peuvent changer complètement le cours de l’histoire – voire même de l’Histoire, se dirait Louis – sans jamais de game over.
Plutôt Braque ?
La progression est ainsi faite que chaque épisode rappelle les faits passés, et véritablement les faits passés dans VOTRE histoire, ainsi vous êtes libres de vivre votre propre aventure, même si de grandes lignes restent immuables. The Council offre plusieurs fins résultant des ramifications empruntées. Selon les personnages auxquels vous vous attacherez ou auxquels vous accorderez de l’importance, des pans du scénario s’ouvriront, ou se fermeront. Ne comptez donc pas disposer de toutes les clés en ne suivant qu’un seul chemin. Afin de vous orienter, des points d’expérience vous sont octroyés à la fin de chaque chapitre, ceux-ci permettent de débloquer des traits de personnalité, donnant eux-mêmes accès à des tons et réponses différents en cours de discussion. Mais attention, Louis dispose d’un certain nombre de points d’action. Certains choix les font diminuer, quand profiter d’une faiblesse de l’interlocuteur les fait augmenter. De multiples objets, disséminés dans le décor – disponibles ou protégés par un mécanisme faisant appel à vos capacités – permettent, également, de lutter efficacement contre la pénurie de points d’action.
Les moments les plus importants se font au travers de confrontations, à la façon Janken à la différence que votre adversaire vous dévoile sa main et à vous de trouver la bonne répartie, dans le temps imparti ; en sachant qu’il est possible de mener des observations en parallèle, toujours dans un timing militaire. Ces joutes, au centre de bien des orientations, représentent rapidement la consécration de vos choix d’orientations (plutôt “Détective” ? ou alors “Linguiste” ?) et vos déductions : survenant à un moment ou l’autre avec chacun des protagonistes, elles valident l’idée que vous vous êtes faits de son caractère et de ses éventuelles faiblesses. A l’instar de la plupart de scènes, notamment vers la fin, la mise en scène n’est pas réellement un modèle de jeu d’acteur et de fluidité, mais l’ensemble reste correcte. Globalement, The Council propose une réalisation satisfaisante, aux raccords parfois maladroits, résultat de nombreuses ramifications vraisemblablement compliquées à gérer – souci dont souffrait aussi une autre production française, The Technomancer.
Et c’est bien cela que l’on retient une fois The Council terminé : avoir vécu une histoire intéressante, originale, ambitieuse, mais gâchée semble-t-il par le besoin de “rusher” les deux derniers tronçons d’histoire. Il en reste un goût de série tv aux deux dernières saisons décevantes, de légère déception tant ce jeu, inattendu, avait su s’offrir trois excellents – encore une fois – premiers épisodes. C’était le premier jeu de Big Bad Wolf. Soyons tolérants. Le second est sur la licence Vampire The Masquarade.