Post Traumatic Disorder : Fact or Fiction ?
C’est en 1999 que Konami décidait de concurrencer Capcom et de se sortir de son marasme créatif en débutant une révolution dans le monde du survival-horror avec son Silent Hill, tout droit sorti de l’imagination morbide et torturée de Keiichiro Toyama. Ce dernier se distinguera par la suite dans des jeux tels que Forbidden Siren et Siren : Blood Curse, reprenant des mécaniques identiques.
La licence s’avérera juteuse, comprenant de nombreuses suites officielles, séquelles ou préquelles, des films dont un film dirigé par Christophe Gans, et une nouvelle graphique sortie sur Gameboy Advance et constituant un spin-off reprenant le personnage de Cybil Bennet, la gentille, mais néanmoins virile fliquette du premier opus. Il existe aussi des BD, et des jeux sur mobiles, principalement sortis au Japon. Konami a réédité sur Ps3 une fallacieuse Silent Hill Collection HD reprenant SH 2 et 3, très décriée.
Silent Hill avait réussi en son temps non pas à renouveler le genre, mais bien à l’axer sur des éléments tout différents. Techniquement en avance sur son temps, utilisant les capacités de la console, voire même les dépassant, bénéficiant d’un traitement cinématographique et musical incroyablement poussé, Silent Hill est plus qu’une réussite à l’époque, c’est un véritable coup de génie. Nombreux ont été les joueurs à se cramponner à leur pad tout en jetant des regards subreptices derrière le canapé, histoire d’avoir l’assurance et la garantie que c’était le chat qui avait fait tomber le vase de maman. Silent Hill, c’était, surtout, et avant tout, une expérience de jeu unique, glauque au possible, affreusement dense et terrorisante, qui est restée gravée dans les esprits, et qui a dû fournir un matériel onirique particulièrement oppressant à certains.
Son influence ne s’est d’ailleurs pas limitée aux psychés des joueurs. On peut ainsi retrouver des éléments de Silent Hill (dans une certaine mesure) dans des jeux comme dans la série des Parasite Eve, ou les récents Dead Space, Heavy Rain, et Alan Wake.
Silent Hill Origins, sorti en 2007 sur PSP, puis porté sur PS2 est une préquelle au Silent Hill original, et devait se nommer Original Sin. Ce n’est plus la Silent Team qui est en charge du développement, mais le studio anglais Climax.
Cependant, si la force évocatrice de Silent Hill reposait à la fois sur son ambiance, et sur sa musique, quid d’un opus sur console portable ? Est-il possible de retranscrire la terreur, même sur un écran ridiculement petit, sur une console nomade ? Vrai jeu, ou tentative ratée ?
C’est l’histoire… d’un petit cochon…
Vous débutez votre balade bucolique au pays de l’arc-en-ciel périple douloureux dans la quatrième dimension dans la peau de Travis O’Grady, chauffeur poids-lourds de son état, et sacrément fatigué sur le moment, pour cause de « temps de merde à pas laisser coucher une loutre dehors » et de réminiscence pénible.
C’est donc de bien méchante humeur qu’il s’enfonce dans un brouillard épais et manque de gentiment rendre service à une émo en crise d’auto-destruction suite à une rupture de Nutella au wall-mart du coin d’écraser une pauvre jeune fille prise dans la lumière vacillante des phares du 38t, telle une biche insouciante (en même temps, elle est un tout petit peu allongée en plein milieu de la voie). Aussitôt vue, aussitôt disparue, la belle s’évapore, laissant notre valeureux héros descendu de son char moderne perplexe. Et ce d’autant plus que ledit char refuse maintenant obstinément d’avancer du moindre petit millimètre. Et comme chacun sait, un routard sans sa monture, c’est un péon peu con piéton.
Bref, c’est pedibus jambus que Travis va se rendre au point B-histoire qu’on lui porte assistance-à savoir, une maison longeant la route, qui s’avère aussi fréquentée que l’Hémicycle un jour d’assemblée. Et là, c’est le drame. Comme dirait Bloodhand Gang, « The roof, the roof, the roof is on fire ! We don’t need no water let the motherfucker burn, burn motherfucker burn. » (car on imagine bien que c’est précisément ce que s’est dit l’initiateur de ce merdier, à savoir, le firestarter).
Travis est un mec bien sous tous rapports. C’est pourquoi, entendant des plaintes en provenance de la maison, ni une, ni deux, il se jette dans le brasier, parce que lui aussi, il a le droit d’aimer l’odeur du napalm de bon matin. Même s’il fait nuit. A l’intérieur c’est la forge d’Héphaïstos, mais Travis découvre, au centre d’un signe cabalistique, le corps frêle et cuit à point d’une jeune fille. N’écoutant que son petit cœur tout mou, il l’emmène à l’hôpital Alchemilla de Silent Hill, pour la remettre aux bons soins d’une équipe médicale compatissante et compétente.
Sauf que, le pauvre, s’écroule à peine sorti du bâtiment en flammes, pour ne se réveiller que désorienté, allongé sur un banc, dans une ville inconnue, et inexplicablement… vide. Il y a de quoi, quand même, en rester comme deux ronds de flan dans un bol de gelée anglaise.
La situation initiale de Origins est mise en abîme avec celle du premier opus. Cohérent, me direz-vous pour une préquelle qui a pour ambition de revenir aux origines, et ce, dans tous les sens du terme.
Silent Hill, une ville aux mille périls
Silent Hill est LE personnage numero uno de la saga, et porte bien son nom. Cette petite bourgade industrielle ne se distinguerait en rien d’une autre ville américaine perdue au fin fond de *l’Arkansas* la Virginie Occidentale sans ses particularités propres.
La première étant que Silent Hill est entourée d’une aura maléfique, malsaine, qui se matérialise par l’omniprésence d’un épais brouillard. Ce phénomène météorologique vous empêche de distinguer quoi que ce soit situé à plus de 2m autour de vous, et étouffe également les sons. Il sera indispensable de garder son sang-froid pour trouver des objets de soins, des armes, ou, pour ne pas se faire repérer. Car si la brume vous camoufle les alentours, elle augmente aussi les rencontres du troisième type inopinées. Il est à parier que cette brume si opaque et oppressante soit un héritage de la nouvelle éponyme de Stephen King, qui était elle-même très axée mythe de Cthulhu. Partant de ce principe, attendez-vous à croiser vos pires cauchemars dans les rues de Silent Hill.
En effet, si Silent Hill vous semblera vide au premier abord, elle s’avèrera en réalité peuplée de monstres à forme humaine, ainsi que d’humains proprement monstrueux psychologiquement parlant. L’équilibre schizoïde parfait. Parce que oui, tout de même, des gens parviennent à vivre dans cette ville maudite ! Qui sont-ils ? Comment peuvent-ils rester là ? Ce sont des questions auxquelles vous devrez trouver des réponses.
Il est cependant fort étonnant que votre avatar, qui a l’habitude de penser tout haut, ne se fasse strictement aucune réflexion lors de sa première confrontation… comme si… tout ce musée des horreurs lui était familier, banal.
Or banale, Silent Hill ne l’est pas. Les bâtiments qui la composent sont barricadés, taggés, et pour la plupart, ne tiennent debout que par miracle. Les murs sont maculés de tâches non-identifiables, mais qui font se hérisser les petits cheveux sur la nuque. Outre cela, les grandes artères de la villes portent les stigmates d’une catastrophe naturelle d’ampleur. Il vous sera impossible de prendre certains chemins, car la rue se sera complètement effondrée sur elle-même, comme tranchée au scalpel. En effet, même les bâtiments jouxtant la fracture sont blessés à mort, de manière nette.
En règle générale, vous devrez d’ailleurs prendre l’itinéraire le plus long, et le plus périlleux pour poursuivre votre enquête. Vous posséderez bien entendu une carte de la bourgade, mais celle-ci est à compléter par vos propres explorations. La ville est une putain vérolée prête à tout pour vous appâter avant de vous refiler la chtouille.
Silent Hill est un monde en soi, presque un être vivant, qui va tour à tour vous barrer la route, ou vous ouvrir des voies nouvelles. Elle prend inexorablement dans ses rets les infortunés voyageurs qui ont la malchance de l’approcher de trop près. A moins que ce ne soit la fatalité elle-même qui ait conduit Travis dans ce lieu où l’angoisse s’incarne. Silent Hill est comme un carrefour où se mélangent cauchemars et réalité. Les protagonistes eux-mêmes ne sauront que rarement dans quelle frange se situer. C’est aussi une ville mouvante, comme en témoignent les cartes différentes pour chaque jeu.
Ne vous y trompez pas, toute la ville est construite pour vous faire peur à intervalles irréguliers. En cela, les décors, l’ambiance lumineuse, les obstacles, et la mise en scène sont savamment mis en ordre.
Feel the pain music
Et pas seulement eux. Silent Hill Origins, bien que développé par des anglais, ne pouvait se passer de son compositeur (et maître d’œuvre) attitré, Akira Yamaoka. Ce dernier bénéficie de l’aptitude quasi-surnaturelle de susciter l’appréhension et l’angoisse en distillant une bande-son et une musique intra-diégétique particulièrement bien construites. La bande-son en elle-même suffirait à terrifier un commando de marine.
D’ailleurs, avant même de commencer le jeu, un écran vous conseille de jouer avec un casque, dans le noir total, pour vivre l’expérience dans des conditions optimales.
Des sons métalliques, parfois tout proches, parfois lointains vous amènent régulièrement à vous demander ce qui peut bien encore se tapir dans les recoins obscurs de la machiavélique Silent Hill.
En cela, vous serez aidés par le grésillement particulièrement pénible de votre CB, dont l’intensité augmentera en fonction de la proximité des ennemis. Pénible certes, mais fort pratique.
Un regret cependant, qui est peut-être constitutif de cette préquelle : l’absence de la sirène. Non, vous ne serez plus prévenus de l’arrivée de l’ombre par la douce et lascive voix des haut-parleurs d’avertissement modulant les aigus. C’est bien dommage, parce que cette sirène provoquait des réactions épidermiques fascinantes.
Un gameplay hyper-réaliste
Travis est un routard. Un type tout ce qu’il y a de plus normal (en théorie). De ce fait, le gameplay est adapté, comme les SH 1 et 2, à un être humain normalement constitué. Vous pouvez courir ? Lui aussi. Mais, comme vous n’êtes ni Usein Bolt, ni Kenenisa Bekele, vous ne faites que trottiner, et, surtout, vous vous essoufflez. Logique.
Là où Silent Hill se distingue de Resident Evil, c’est que le premier est un jeu de fuite. On ne vous en voudra pas de vous faire dessus et de prendre la tangente plutôt que de vous fader une chose immonde, dégoulinante et suintante. Ce d’autant moins que les armes, les vraies, sont peu courantes, et les munitions de même. Il faudra donc vous contenter du tout-venant, bouteilles d’alcool, téléviseurs, pieds de perfusion, pour coller un ou deux pains avant de prendre vos jambes à votre cou. Les armes de circonstances ne résistent pas plus de trois coups portés consécutifs.
De plus, le poids de l’arme de circonstance influe sur la fluidité de vos mouvements, et votre rapidité de déplacement. Évidemment, comme vous êtes un camionneur, vous pouvez aussi ne vous battre qu’avec vos jolies mimines soigneusement manucurées. Sachez néanmoins que vos petites mains sont moins efficientes, et vous placent en position de perdre plus de vie que nécessaire. Or, les items de régénération sont fort rares. A vous de voir. Travis soufflera comme une forge après chaque combat, et seule une dose de caféine vous remettra d’aplomb immédiatement.
Dans Silent Hill, les freaks ne meurent pas aisément. Les cogner jusqu’à l’inconscience, c’est bien, les achever quand ils sont à terre, c’est mieux. Marchez-leur dessus en pressant X si vous ne voulez pas que Lazare se lève et marche.
Pour stocker vos petits effets personnels, foin de sac à main, que nenni, vous êtes un mâle, un vrai, mais vous avez tout de même accès à un menu en pressant triangle.
Comme dans les opus précédents, vous disposerez également d’une lampe-torche, rempart (doudou, gri-gri, au choix) contre l’obscurité. Parfait pour se rassurer, ou fouiller une pièce vide, mais vite handicapant, car la lumière attire les papillons, si vous me suivez. Un seul type d’ennemi demandera d’utiliser la torche. En règle générale, on ne vous attaque pas si vous ne l’allumez pas. De plus, des bonus sont déblocables en fin de jeu si vous l’utilisez peu.
L’innovation de cet opus du côté du gameplay, c’est l’apparition de QTE. Contre des boss, ou contre des ennemis de type infirmière de Mengele, il se peut que vous ayez à appuyer frénétiquement sur une combinaison de touches pour vous dégager d’un bon gros câlin de derrière les fagots version boucherie de quartier.
Game system : children of the damned
La Silent Hill dans laquelle vous évoluez représente un passage entre les mondes. Elle est une version altérée, parallèle de la Silent Hill historique, bannie dans les limbes. A moins qu’elle ne soit la Silent Hill historique. Ceci, c’est à vous de le découvrir.
Si dans les opus précédents, l’altération se manifestait par la sirène/banshee, qui vous envoyait danser le boogie woogie avec Satan de façon incontrôlable, dans Origins, c’est vous qui choisissez.
Évidemment, vous serez un minimum guidé. Cela étant, le passage se fait via des miroirs. Il va falloir vous mettre dans la peau *de Néo* d’Alice et traverser les miroirs pour vous rendre dans le passé.
Le système de jeu de SH ne repose pas que sur la fuite, ou l’alternance réalité/altération, mais également sur un ensemble d’énigmes, plus ou moins tordues.
Ainsi, il vous faudra collecter des organes, trouver des codes, dans le présent, et dans le passé, pour retrouver la jeune fille que vous vouliez sauver, ou bien pour vous équiper de tenues ou d’armes bonus.
Origins est pourtant très axé sur l’aspect action. D’ordinaire, les streums, on les évite soigneusement. Ici, la quantités d’armes disponibles inciteraient plutôt à vouloir éliminer toute forme de menace. Souvent même, vous n’aurez pas le choix. Difficilement compréhensible dans une série qui veut jouer sur une peur viscérale du croque-mitaine. Après tout, attaquer, c’est faire face à sa peur.
Comme dans les épisodes antérieurs, Silent Hill Origins ne dispose pas de sauvegarde auto. A vous de trouver des points de sauvegarde matérialisés par des panneaux triangulaires rouges. Et comme à l’accoutumée, ils sont peu nombreux, seize en tout. Évitez donc de mourir, sous peine de devoir refaire une section de plus de 20 minutes ! Ceci dit, des bonus sont accordés si vous ne sauvegardez que rarement. Essayez après avoir bouclé le jeu une première fois.
Eh oui. Vous serez amenés à rejouer à Origins pour pouvoir avoir accès aux différentes fins, comme pour les précédents jeux. Ces fins alternatives sont déterminées en fonction des types d’actions effectuées, et de votre style de jeu. Ici, elles ne sont que 3, ce qui est assez peu (autant que SH3), SH1 en comptant 5, et Shattered rien moins que 8 !
Ce qui était particulièrement fort dans les SH 1 à 3, c’était que la difficulté des énigmes vous mettait le cœur au bord des lèvres : vous vouliez trouver rapidement la solution pour ne pas avoir à affronter encore et encore des hordes d’enfants échappés de l’enfer, ou de silhouettes vagues qui donnaient l’impression d’être emballées dans des housses couvertes de pus. De plus, certaines énigmes vous obligeaient à parcourir de longues distances, vous mettant à découvert, et en stress.
Mais pas ici. Les énigmes sont d’une rare simplicité, et sincèrement, pas vraiment nombreuses. Fini la torture mentale, vous ne risquez pas de vous faire une entorse du cerveau. Et cela laisse un sacré goût d’inachevé dans le fond de la gorge lorsque que l’on a pratiqué la série. Mais peut-être faut-il être japonais pour être capable de créer la peur sur la base des sensations…
Ou, peut-être encore est-ce simplement dû à la spécificité de la plate-forme : une console portable, et donc nomade. Après tout, vous n’êtes pas censé jouer longtemps dessus, il faut donc en tenir compte en faisant des raccourcis drastiques dans le système usuel de la licence. Ce ne sont bien entendu que des hypothèses. Il n’en reste pas moins que ces points sont des freins pour cet opus.
Vient maintenant l’heure du bilan. Qui s’avère complexe. En effet, le jeu ne sera pas reçu de la même manière par les adeptes de la secte, ou par les novices. Voici donc deux conclusions, une pour l’altération, une pour la réalité. Ou pas.
Pour les adeptes :
Vous regretterez probablement les ingrédients essentiels de la série, qui ont été supprimés par Climax, comme la sirène, et le passage du système de fuite au slash pur et dur. Ces éléments n’étaient pourtant pas superfétatoires. Les énigmes vous paraitront fades, et vous ne retrouverez probablement pas l’ambiance délétère, ésotérique et mystique qui faisait la force des vrais SH. Si l’avatar semble plus souple au niveau des contrôles directionnels, la camera est particulièrement pénible dans certaines circonstances. Climax n’ayant pas prévu de niveaux de difficulté, vous le trouverez peut-être trop simpliste. Tout ceci le fait étrangement ressembler à un Resident Evil… dommage.
En soi, et cette préquelle est auto-suffisante, Origins n’est pas mauvais, loin de là. Mais intégré à la saga, il n’est qu’à peine moyen. Cela dit, vous apprendrez néanmoins quelques petits détails de scénario global qui n’avaient pas été révélés jusque là. En outre, vous saurez enfin, comment tout a commencé. Cependant, vous aurez bien du mal à avoir aussi peur que lors des premiers opus. Mais, n’est-ce pas non plus parce que nos souvenirs nous jouent des tours ?
Pour les novices :
Silent Hill Origins est indépendant de la série. Nul besoin de déjà connaître la trame scénaristique, laissez-vous emporter en même temps que Travis dans son voyage sous LSD dans le monde merveilleux de la déliquescence. Profitez des paysages magnifiques s’étalant devant vous, et n’oubliez pas de prendre des photos ! SHO vous promet des séquences *émotion* frisson inénarrables. Parce que oui, même sur une console portable, on peut vous faire flipper. Le jeu reste très beau malgré son âge, le scénario est prenant, et le système de jeu pas si désagréable. Une bonne mise en bouche pour tout joueur qui serait passé au travers du phénomène Silent Hill. Faites-vous peur, c’est rigolo.