Yooka-Laylee

Hommage trop conforme ?

Genre
Plates-formes
Développeur
Playtonic Games
Éditeur
Team17
Année de sortie
2017

Constitué d’anciens membres historiques de Rare, le studio Playtonic Games a rapidement fait parler de lui avec leur tout premier projet, proposé au public si son financement participatif était validé, et annoncé cartes sur table comme un successeur spirituel à la série des Banjo-Kazooie. Il faut dire que cette gloire indétrônable de la Nintendo 64 et admirable alternative de Super Mario 64 prend malheureusement la poussière dans les tiroirs à licences de Microsoft depuis l’accueil mitigé de Nuts and Bolts, le dernier épisode en date. Yooka-Laylee serait une sorte de résurrection, sans la licence donc, mais avec l’équipe derrière, avec notamment à la musique messieurs Grant Kirkhope, David Wise et Steve Burke, puis les premiers visuels dévoilés, cela ne semblait pas spécialement être un problème. Poussée par une indéniable nostalgie, la campagne de financement fut un véritable succès, et pour le coup, le développement se déroula sans gros accrocs, à la grande appréciation de Team17, arrivé comme éditeur sur le produit. Pour quel résultat ? L’expression veut que c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes. Ici, c’est bien le cas, même cela manque un peu … de piment.

Alors qu’ils étaient destinés à passer une journée à se prélasser au soleil, Yooka et Laylee sont embarqués dans une dangereuse aventure dans la quête de retrouver les pages de leur vieux livre magique, ce dernier ne servant jusqu’alors que de sous-verre. Mais bon, vu qu’il est doré, il doit avoir de la valeur. Leurs recherches vont rapidement les mener à la source et la personne responsable de ce vol : l’usine aspirateur dirigée par Capital B, grand méchant PDG de l’histoire, dont les ambitions sont claires : aspirer tous les livres qui peuvent exister pour à priori contrôler la culture, mais surtout récupérer le livre magique pour contrôler le monde, parce que c’est le propre des méchants : ils sont méchants. Et bien entendu, notre duo va se mettre en travers de ses plans, et Capital B tout faire pour éviter cela, à coups de boss et autres pièges vicieux. Manque de pot pour les deux parties, les pages du livre n’ont pas été correctement aspirées et sont maintenant disséminées au travers de cinq mondes, ce qui fait que l’affrontement final devra attendre un peu. Capital B patientera tranquillement dans sa tour d’ivoire tandis que nos héros iront récupérer, une à une, les pages du bouquin, étrangement appelées « Pagies » et affublées d’yeux, comme à peu près n’importe quel personnage « vivant » du jeu, d’ailleurs.

Celles et ceux qui ont parcouru un Banjo-Kazooie ne seront guère perdus tant la version de Playtonic utilise la même base dans son univers. En effet, hormis pour son pitch de base, on retrouve une galerie de personnages rigolos, alliés comme ennemis, un méchant des plus ridicules – capitaliste jusqu’au sang, pas très copain avec les RHs – et deux protagonistes attachants aux personnalités diamétralement opposées : en effet, Yooka est un caméléon sympathique avec tout le monde et prêt à aider n’importe qui, tandis que Laylee, chauve-souris de son état, sera du genre à renvoyer chier quiconque parlera à notre duo avec des casses bien cinglantes, ravageuses et parfois référencées. En résulte des dialogues – vocalement doublées en yaourt, bien entendu – bien écrits et souvent très drôles, surtout quand Laylee expose les tares agaçantes souvent liées aux plateformers et aux vieux jeux-vidéo en général. Le titre baigne globalement dans une ambiance à la cool, avec un humour permanent et des univers colorés et inspirés des plus grandes thématiques du genre, allant d’une jungle avec des ruines à un monde enneigé. Le tout est poussé par le moteur Unity qui propose d’immenses niveaux bien modélisés, pas spécialement riches en détails et effets visuels, mais tout à fait convaincants. Dommage que techniquement, les supports les moins puissants, la Switch en particulier, ont un peu de mal à faire tourner tout ça à un quota d’images correct et continu.

La comparaison avec Banjo-Kazooie va s’accentuer méchamment avec ces prochaines lignes, puisque nous allons parler du gameplay. Mais en bien pour commencer. Nous n’allons cependant pas nous étendre de trop sur le sujet tant il est connu, mais le voici grossièrement : on est lâché à travers d’énormes mondes à la recherche des pages en plus que tout de qui pourrait nous aider à les retrouver. Au commencement, le duo ne possède pas énormément de capacités et ne pourra ainsi que courir et sauter. Pas mal de Pagies seront dès lors inaccessibles, mais la récupération de plumes dorées permettra, via l’achat de nouvelles techniques, telles un super saut, une super roulade ou encore un vol plané, de pouvoir y remédier. Il faudra donc revenir visiter les différents mondes régulièrement afin de découvrir ou débloquer des endroits auparavant infranchissables. Les aptitudes animales de nos héros seront mises à contribution, Laylee pouvant se servir de son sonar pour assommer les ennemis et relever des éléments cachés, et Yooka gobera tout ce qui pourra être gobé comme insectes ou objets présents ici et là, lui donnant le pouvoir de cracher du feu ou de pouvoir se mouvoir sur la glace sans glisser.

Contrairement à Super Mario 64, et tout comme dans le titre originel de Rare, on ne contentera pas uniquement de récupérer la centaine de pages perdues, puisqu’il sera notamment possible de récupérer des objets augmentant vie ou la durée d’utilisation de capacités, de débloquer des mini-jeux jouables en solo ou en multijoueur, ou encore, selon la réussite de certains défis, d’obtenir des toniques proposant de modifier la difficulté générale du jeu comme virer la notion d’oxygène pour les passages sous l’eau ou – probablement le meilleur – de remplacer les graphismes en haute définition par ceux simulant une Nintendo 64, flou, textures simplifiées, et une vingtaine d’images par secondes en continue, ce qui est absolument un délice sur un écran 144hz. Et vu qu’il est disponible quasiment dès le début de l’aventure, on peut réaliser l’entièreté de cette dernière avec ce filtre. Pour les personnes les plus courageuses, il va de soi.

Dommage cependant qu’au bout d’une poignée d’heures de jeu, on commence à entrapercevoir pas mal de défauts plus ou moins ennuyeux, dans tous les sens du terme. Yooka-Laylee souffre en effet d’être une implémentation “trop” pure et dure d’une œuvre datant mine de rien de 1998 et dont on admettra plus volontiers les défauts, mais ici appliqué à la lettre avec pas mal ratés, et finalement, sans apporter rien de plus à l’ouvrage. Dans les faits, les nouvelles capacités débloquées au gré de l’aventure, nombreuses s’il en est, sont souvent sous-utilisées, présentées telles des gimmicks pour accéder à un ou deux passages grand maximum, pour être finalement oubliées par la suite. De même, les séquences où nos héros sont transformés en véhicules et autres formes bizarroïdes (façon Mumbo Jumbo), sont limitées à quelques régions bien cloisonnés des niveaux. Il est à constater également que les énigmes ou le plateforming à proprement parler, pourtant copieux et pas désagréables, ne sont guère inspirés par les dernières avancées technologiques ou de game design des précédentes décennies. Enfin, hormis les boss qui offrent des affrontements parfois corsés et grisants, le bestiaire ennemi se compte sur les doigts d’une main, et est pour ainsi dire très peu inventif et inspiré. Les seules évolutions que l’on pourra noter sont un allégement de la difficulté, puisqu’il ne sera jamais possible d’obtenir un Game Over, ou encore des niveaux bien plus grands qu’à l’époque, mais étonnement, pas remplis davantage de missions ou autres occupations auxquelles l’on pourrait s’attendre. On n’est pas spécialement perdu, mais les allées et venues deviennent un tantinet monotones et cassent quelque peu le rythme.

Yooka-Laylee
Appréciation
Tout est cependant là pour celles et ceux qui veulent se (re)plonger, le temps d’une vingtaine d’heures, dans un plateformer “comme dans le temps”, avec logiquement tous les aménagements visuels et de disponibilités sur tous les supports du moment que cela suppose. Que la dernière partie de l’article soit nuancée : Yooka-Laylee est annoncé très bon sur le papier, et c’est un très bon jeu manette en main. Les puristes pourront toujours pester de son manque de prises de risque, mais pour ce qu’il propose, en l'occurrence une aventure solide, un univers sympathique, un gameplay suffisamment carré ainsi qu’un vibrant et passionné hommage à Banjo-Kazooie, jusque dans ses musiques. Nul doute que le succès est mérité et Playtonic, louable pour sa création. Loin d’en rester là, le développeur se mit d’ailleurs rapidement au travail après la complétion de leur premier projet, pour lui offrir une suite directement, à savoir Yooka-Laylee and the Impossible Lair, avec cette fois un hommage à l’ancien Rare époque Donkey Kong Country. On ne manquera pas d’en parler, le temps voulu, une fois parcouru.
Points forts
Joli et coloré
Contenu plutôt conséquent
Bel hommage à Banjo-Kazooie...
Points faibles
... Pas modernisé pour un sou
Niveaux trop vastes