[dropcaps style=’4′]Ōkami fait partie de ces jeux qui n’ont, de toute évidence, pas connu le succès mérité. Vendu seulement à 2000 exemplaires dans l’hexagone la semaine de sa sortie, supplanté par l’ogre FFXII sorti le même mois, il est paru dans une certaine indifférence et ce, malgré des critiques élogieuses de toute part. Un nouvel échec commercial en somme pour Clover qui, après la sortie de God Hand, a dû mettre la clé sous la porte. Mais qu’on ne s’y trompe pas : Ōkami est un grand jeu, très grand. L’un des nombreux chefs d’oeuvre d’Hideki Kamiya, auteur de titres cultes à la pelle (Resident Evil 2, Devil May Cry, Viewtiful Joe, Bayonetta) et réputé comme étant l’un des meilleurs game-designers du circuit. Celui-ci tranche pourtant radicalement avec l’ambiance plus sanglante d’un Devil May Cry ou barrée de Viewtiful Joe : Ōkami s’avère être une véritable ode à la poésie, une succession de fables sincères et mémorables. Une aventure unique, comme nulle autre ailleurs dans le monde du jeu vidéo, à laquelle il convient de rendre une nouvelle fois hommage.[/dropcaps]
Note : ce test vaut pour les trois versions (PS2, Wii et PS3), les spécificités sont détaillées quand il le faut.
Ce qui marque en premier, évidemment, c’est le style graphique atypique du jeu. Dépaysant au possible, Ōkami nous donne l’impression d’évoluer dans des estampes japonaises animées. Les décors sont fins et magnifiques, et nous emmènent dans des lieux aussi nombreux que variés. Entre des vastes plaines, une côte méridionale, un palais sous-marin ou encore des grottes plus sombres, entre autres, nos rétines en prennent plein la vue. Rien que son style graphique fait d’Ōkami un pur chef d’oeuvre, grâce à une direction artistique tout bonnement éblouissante. Il existe quelques différences entre les trois versions du jeu : la première, sur PS2, donnait plus l’impression de grain d’image alors que la version Wii se voulait un peu plus lisse en renforçant l’aspect cel-shadding. Enfin, le portage HD sur PS3 (dont sont issues les images du présent test) reprend surtout la base de ce dernier en sublimant de façon ébouriffante l’ensemble pour un résultat à tomber par terre. De par son style artistique si particulier, nous tenons sans doute là l’un des plus beaux jeux vidéo auquel nous pouvons jouer.
Le jeu dispose aussi d’un certain sens de la mise en scène. Le joueur doit être patient puisque l’oeuvre de Kamiya prend clairement le temps de développer les nombreux dialogues pour faire vivre son histoire. L’introduction à elle seule vous fera tenir une bonne demi-heure devant votre écran sans jouer. Une étape pourtant nécessaire pour poser les bases d’une aventure s’annonçant grandiloquente en tous points. Ōkami nous met dans la peau d’une héroïne plutôt singulière, puisqu’il s’agit de la déesse du soleil et de la lumière, Amaterasu, incarnant le loup légendaire : Shiranui. La mission de notre chère déesse sera de faire revivre le monde et de lui redonner ses couleurs… En effet, les ténèbres l’ont envahi, les êtres se transforment en roche et la nature dépérit. Tout espoir repose alors sur Amaterasu, qui pourra acquérir de multiples pouvoirs divins tout au long de sa quête pour faire revivre la nature, passer des obstacles et vaincre de puissants ennemis démoniaques. Mais elle ne sera pas seule, puisqu’un petit bonhomme très bavard (qui n’est pas sans rappeler Taya et Navi de la série The Legend of Zelda), Issun, l’accompagnera.
D’ailleurs, les jeux The Legend of Zelda sont probablement les seuls avec lesquels Ōkami partage des similitudes. On retrouve une construction de l’aventure alternant plaines, donjons et villages, des pouvoirs à obtenir faisant progresser notre personnage, mais aussi plusieurs clins d’oeils évoquant certains opus de la saga de Nintendo : un passage nous fait penser à The Wind Waker, un autre à The Minish Cap… Mais il s’agit ici bien plus de bels hommages que de fumeux repompages. Et là où Ōkami est extrêmement fort, c’est dans sa capacité à maintenir éveillé l’intérêt du joueur en apportant toujours un nouvel élément de gameplay, une surprise ou une scène captivante de sorte à éviter tout éventuel temps mort, et ce, pendant tout de même la bonne quarantaine d’heures de jeu qui compose cette grande épopée ! Quand vous pensez avoir atteint les limites du gameplay, voilà qu’on vous donne un nouveau pouvoir fun à utiliser, ou que vous débarquez dans une phase spécifique (ça va de l’exploration d’une mer à une transformation en forme minuscule… sans en dire plus, bien sûr !). Impossible dès lors de s’ennuyer dans cette profusion de diversité, soutenue par un émerveillement toujours intact.
En outre, la bande-son tout à fait exceptionnelle n’est certainement pas étrangère à cette immersion impeccable. Celle-ci est le fruit de l’association de quatre compositeurs japonais : Masami Ueda, Rei Kondo, Hiroshi Yamaguchi et Akari Kaida (qui a composé beaucoup moins de pistes que ses compères, mais la qualité est bien là). En résulte une immense OST (tenant sur pas moins de 5 CD, dont un bonus), aux inspirations marquantes, avec des sonorités provenant tout droit de musiques japonaises traditionnelles. À l’instar de l’histoire du jeu, elle alterne entre thèmes épiques, amusants et d’autres plus doux ou mystérieux. Tout semble avoir été fait en symbiose parfaite et les musiques nous portent de façon incroyable tout au long du jeu. Et, cerise sur la gâteau, toutes les pistes sont disponibles une fois le jeu terminé une première fois (avec également de nombreuses illustrations à admirer) ! Musicalement, Ōkami nous offre donc du bonheur en barre et, de même que la patte graphique, la bande-son s’avère être un chef d’oeuvre à elle seule. Les dialogues, eux, ne sont pas doublés mais sont exprimés par des bruitages un peu du même type que le fameux « langage yahourt » de certaines licences Nintendo, ce qui convient très bien à l’esprit voulu.
L’histoire contée par Ōkami n’a pas pour objectif d’atteindre des sommets de profondeur ou de proposer quinze-mille niveaux de lectures. Le scénario, en soi, n’est pas spécialement complexe, même si les retournements de situation sont présents quand il faut, et le cheminement passionnant. L’histoire puise surtout sa force dans ses très nombreuses inspirations tirées de légendes asiatiques, que certains connaissent plus ou moins de loin, peut-être, à travers certains shônen comme Dragon Ball, Naruto ou encore One Piece. On retrouve ainsi les mythes de Kaguya, Shitakiri Suzume, Issun Boushi, le démon renard à neuf queues Kyûbi ou même les Hakkenshi, les guerriers canins dont l’histoire s’étend sur cent-six volumes (le plus long roman de la littérature japonaise). Exploitées à la sauce d’Ōkami, jamais avare en clins d’oeil de toutes sortes et en pointes d’humour toujours bien placées, ces légendes revisitées font mouche. S’ajoutant à cela des PNJ généralement amusants et hauts en couleurs, des quêtes annexes scénarisées contribuant à étoffer le background ainsi que des situations très diverses, l’alchimie prend bien et en résulte de ce fait une quête haletante.
Pétri d’originalité, Ōkami tente également de se démarquer de toute autre création avec ses combats qui sortent de l’ordinaire. Ne s’agissant pas d’un A-RPG bête de forme, les joutes mettent à profit vos pouvoirs de déesse pour vous débarrasser de vos adversaires. En effet, les compétences que vous obtenez s’utilisent via le pinceau céleste, l’un des principaux atouts du jeu. Chaque compétence s’utilise en exécutant un dessin ou un signe précis (un rond pour faire apparaitre le soleil, ou un trait horizontal pour trancher, par exemple), et étant donné que les pouvoirs se complètent au fur et à mesure de votre avancée (il y en a 15 au total), il faudra les utiliser à bon escient pour exploiter les points faibles de vos ennemis, en prenant en compte certains attributs spécifiques (l’eau, la foudre…). Ceci évite de tomber dans une facile redondance, et, contre les boss imposants, la stratégie est de mise pour aborder le combat de la bonne manière. Le pinceau céleste se dirige avec le stick sur PS2/PS3 et avec la Wiimote pour la version Wii. À l’époque, le Wii Motion Plus n’existait pas encore, on pourra ainsi regretter certains mouvements parfois hasardeux, même si ça reste globalement très correct. Outre les techniques du pinceau, notre louve possède évidement des armes, qui sont de trois types différents (boucliers, rosaires et épées). Si on en obtient de plus en plus puissantes au fil du jeu, il faut savoir bien les choisir. Pour les combats, on doit s’équiper d’une arme pour l’attaque, et d’une autre pour la défense.
Toutefois, les techniques du pinceau céleste ne vous seront pas seulement utiles pour les batailles que vous mènerez, mais également pour l’exploration et la résolution d’énigmes. Les caractéristiques des techniques sont variées : faire refleurir la végétation, faire une bourrasque de vent, créer un nénuphar, ralentir le temps, produire du feu à partir d’une source, etc… Si on aura souvent la manie de redonner vie à tous les arbres sur notre chemin, certaines techniques seront plus utiles pour progresser, notamment dans les donjons. Si ces derniers arborent des constructions moins complexes que ceux des The Legend of Zelda, on y compte malgré tout quelques énigmes qui mettent à l’usage vos talents. Mais que ça soit aussi dans les villages ou pour les quêtes annexes, le pinceau céleste, coeur du gameplay, s’avère être généralement primordial. Au joueur d’en retenir les techniques et de savoir où et comment les utiliser pour réussir à avancer. Enfin, notons aussi une once de RPG dans l’évolution des caractéristiques d’Amaterasu : gagner des combats nous fait gagner des points d’expérience, que l’on peut ensuite répartir dans différentes cases pour améliorer notre héroïne.
En plus de tout ceci, on trouvera quelques mini-jeux qui viendront égayer notre progression. Décidément, le bébé de Clover s’efforce à diversifier ses situations et son gameplay pour nous offrir l’aventure la plus riche qui soit ! Et les quêtes annexes, qui sont en plus d’être scénarisées plutôt intéressantes à effectuer, pourront vous rajouter dix bonnes heures de jeu à votre compteur. Ōkami est une véritable mine d’or, au contenu très complet. Globalement un peu moins long que The Legend of Zelda : Twilight Princess (sorti à peu près à la même époque), Ōkami parvient lui à maintenir un rythme quasiment égal tout au long du jeu, en arrivant à éviter des allers-retours rébarbatifs, en utilisant à merveille les terrains et villages à parcourir et en sachant toujours, avec brio, comment ré-hausser l’intérêt du titre. Des qualités rares, car combien de jeux peuvent se targuer de proposer un contenu à la fois aussi long et intense ? Ces qualités démontrent à quel point le chef d’oeuvre de Kamiya est un jeu à part et absolument hors du commun.
Ōkami est un jeu vidéo que l’on ne peut que conseiller tant il se démarque et sublime magistralement son média. Certains lui reprocheront son certain manque de difficulté : en effet, si les combats sont parfois corsés, il est aisé d’avoir énormément de potions sur soi et ainsi de pouvoir se régénérer presque à volonté sur la fin (ceci étant dû au fait que l’on amasse beaucoup d’argent, et qu’une fois achetés tous les objets annexes, il n’y a plus grand chose à prendre à part des potions) mais on pourra toujours se fixer des challenges personnels. Et puis, le but d’Ōkami n’est pas d’être un jeu difficile ou de miser sur le die & retry, loin de là. Le simple fait de jouer une déesse n’est pas anodin… D’autres encore lui reprocheront d’être trop bavard. Mais ces soi-disant défauts potentiels n’en seront nullement pour d’autres. Car par-dessus tout, cette oeuvre signée Clover parvient à tutoyer la perfection dans pratiquement tous les domaines : la direction artistique et musicale est simplement divine, l’histoire est épatante, le contenu époustouflant et le gameplay sacrément prenant. Une aventure incroyable et mémorable.
[section id= »conclusion » style= »border:1px solid white;padding:10px;overflow:auto;background-color:#00a0db;color:#FFFFFF; »]Ne passez pas à côté d’Ōkami ! Transcendant le genre du jeu d’aventure et contribuant à élever le jeu vidéo au rang de véritable art, il s’agit là d’une oeuvre maitrisée de main de maitre qui excelle en tous points avec un culot impressionnant. Épique mais aussi drôle et sincèrement touchant, il représente un exemple de variété dans ce qu’il entreprend. Un titre qui respire la passion et l’inspiration, en somme, on pourrait juste parler là de l’un des tous meilleurs jeux vidéo existant.[/section]