[dropcaps style=’2′]Le point’n click n’est pas mort, qu’on se le dise. Il suffit de jeter un œil sur la scène indépendante et de compter le nombre de projets de ce style qui en ressortent. A vrai dire, cela fait plaisir de voir qu’un tel style, longtemps considéré – à travers – comme moribond subsiste grâce à de jeunes loups plein d’avenir. Mais il ne faut pas oublier pour autant ses noms les plus emblématiques qui ont pleinement contribué à donner ses lettres de noblesse au « pointez-cliquez ». Si l’âge d’or est souvent assimilé au début des années 90 grâce aux jeux de LucasArts, il serait dommage d’omettre les années suivantes qui contiennent, elles aussi, des titres ô combien mythiques. Parmi eux, on peut compter sur la série des Broken Sword, connu par chez nous sous le nom des Chevaliers De Baphomet. Que ce soit via le premier opus éponyme ou sa suite, Les Boucliers de Quetzacoatl, un certain Charles Cécil a eu le nez fin et ne s’est pas gêné à développer ce qu’on considère maintenant comme un monument du genre. Il y a deux ans, Revolution Software se décide à rééditer son beau bébé dans son catalogue. Et comme le faire gratuitement n’est pas forcément bien perçu, cette réédition prend la forme d’un remake portant le sobriquet de Director’s Cut. Une bonne manière d’apporter un bon vent de nostalgie chez les plus vieux et inculquer un peu de culture aux plus jeunes. Mais vaut-il mieux se pencher sur cette version ou lui préférer l’originale qui, même si elle commence à dater, n’est pas si vieille que cela ?[/dropcaps]
L’enfant illégitime…
Les Chevaliers de Baphomet : Director’s Cut tire son nom d’un petit défrichage du jeu du même nom, sorti tout de même en 1996 sur PC et Playstation et a même été remis sur les rails en 2002 via une version GBA. Mais sous ce terme pompeux de Director’s Cut, il fallait quand même qu’il apporte son lot de nouveautés et améliorations pour le justifier.
Avant d’y aller dans la critique, il faut appuyer que ce qui suivra concerne uniquement la version PC, n’ayant pas testé ses pendants Wii, DS et Iphone pour juger si ces versions disposent des mêmes soucis. La version Director’s Cut promettait surtout deux choses au milieu des autres bonus gadget (un artbook entre autres). Des séquences ajoutées et un petit coup de jeune en ce qui concerne la réalisation. Passons pour le moment le premier point pour arriver directement au second. Si l’on devait s’appuyer uniquement sur celui-là, il faudrait appeler cette cure de rajeunissement comme une bien belle arnaque. Lisser le tout, c’est bien, encore faut-il le faire pour toutes les résolutions. Et en priorité le plein écran. Quel joueur joue en fenêtré maintenant qu’on a de si beaux écrans HD hein ? En gros, celui qui ne joue qu’en plein écran ne se voit pas gâté par la fontaine de jouvence. Et même si l’on se priverait du plein écran pour passer au fenêtré, on ne peut pas dire que le résultat soit vraiment convaincant. Pas spécialement plus de détails, toujours des beaux pixels, bref, pas grand-chose de réhaussé en fin de compte. Dommage car le style cartoon de base du soft pouvait amener un résultat très sympathique car il s’agit d’un style graphique qui ne sera jamais vraiment vieillissant.
En parlant de ça, les développeurs, dans leur recherche d’amélioration de la réalisation vieillissante ont réussi en plus à l’étouffer davantage dans la poussière. Il n’y a pas à dire, ces médaillons apparaissant dès lors qu’il y a un dialogue, cela tient bien plus de la maison de retraite que du jardin d’enfants… Mais bon, à la limite, la surprise passée, ce n’est pas spécialement dérangeant. Par contre, on ne pourra pas en dire autant des voix. On retrouve de façon choquante ces voix passées au filtre téléphonique… Mais en pire ! Des répliques se voient encore plus noyées dans un son confus et dégueulasse, ce qu’on ne retrouvait pas dans l’original (le son type radiophonique oui mais les fioritures par moments, non). Sans compter que certaines à de rares moments se retrouvent corrigées, ainsi que l’intégralité des voix dans les séquences ajoutées (logique sur ce coup-là), voilà de quoi encore moins bien faire passer la pilule. D’ailleurs, c’est à se demander ce qui est passé dans la tête des développeurs pour en arriver à empirer un défaut déjà existant. Cela peut sembler bête comme argument mais on ne peut pas dire que ces problèmes de réalisations donnent vraiment envie de plus se plonger dans la nouvelle version. Autant prendre l’originale, au moins, le poids des années et les moyens techniques de l’époque l’excusent.
… Mais pas si catastrophique
A côté de la réalisation aux promesses loupées, la version Director’s Cut dispose d’un sérieux atout : ses séquences ajoutées. Charles Cécil a bien vu son compte en faisant de l’ajout qui n’est pas si insipide sans retirer l’esprit de base. Avoir fait le choix d’abaisser le projecteur sur la personne de Nico, personnage-clé du jeu qu’on n’incarnait par ailleurs jamais dans la monture originale s’avère très judicieux. Ces nouvelles séquences apportent une vision alternative intéressante car perçues par les yeux d’une autre personnalité qu’on connaissait sans vraiment connaître au final. Et éclaircir quelques zones d’ombre qu’on avait par le passé mais qui s’éclairent là d’une manière totalement logique. On pourra malheureusement déplorer qu’au final, ces nouvelles scènes soient plutôt rares et rajoutent très peu de durée de vie à l’ensemble mais le à-côté est plutôt distrayant et mérite d’exister. Et puis, réussir à les imbriquer de façon logique sans qu’on vienne remettre leur bonne teneur en question car totalement à côté de la plaque, c’est déjà admirable.
La Director’s Cut apporte aussi un autre petit plus en terme d’accessibilité. Cette version a été un peu simplifiée sans non plus aller en faire trop. La plupart du temps, cela tient surtout d’un système d’indice à trois échelons (du vague à la solution directement), ce qui n’ira pas déranger les vieux routards qui pourront se triturer l’esprit comme des masos. Mais parfois, c’est directement dans le jeu et il faut admettre que c’était assez judicieux. Le passage de la chèvre en Irlande méritait clairement ce petit traitement de faveur par exemple. Ouvrir à un plus large public sans aller trop déranger les puristes, en voilà une bonne idée.
Voyage, voyage
Autrement, on retrouve avec grand plaisir Les Chevaliers de Baphomet si on arrive à mettre de côté les soucis de réalisation. Retrouver ce scénario bien ficelé, suivre les tribulations de Nicole Collard, journaliste en mal de reconnaissance qui assiste au meurtre d’une grosse personnalité politique avec qui elle avait rendez-vous par le tueur masqué, sujet de ses investigations depuis des mois (nouvelle séquence) et de Georges Stobbart, touriste américain victime de ce même individu à cause d’un attentat à la bombe d’un bistrot où il sirotait tranquillement sa consommation en terrasse. Événement malheureux qui incitera ces deux êtres à s’allier ensemble pour régler cette sombre affaire et qui finira par les faire suivre la trace des Templiers et de l’épée de Baphomet. Ce qui les amènera (surtout Georges à vrai dire) à voyager un peu à travers le territoire européen, même si le plus gros de l’enquête se passe à Paris.
D’ailleurs, ce qui fait tout le charme du soft pour nous, en bons Français que nous sommes, c’est indubitablement notre bonne vieille capitale fortement représentée. Et qui nous amènera certainement à bien plus rire du jeu que dans d’autres pays. Cette vision parisienne est en tout point de vue celle d’un Anglais et cela se voit. Mais attention, il ne s’agit nullement de xénophobie mal placée, simplement d’un second degré débridant de voir tant de clichés et de caricatures sur la France. Un humour «so british» dans les règles de l’art : fin, ironique et emprunt d’un côté distingué tant la vulgarité n’est jamais de mise. Mais à dire vrai, la France n’est pas la seule victime de cette petite dérision car chaque lieu en prendra pour son grade : l’Irlande et son côté campagne profonde, la Syrie et son côté bordel – dans le sens bric à brac, pas de maison close hein – et on en passe.