Les Chevaliers de Baphomet : La Malédiction du Serpent

George Stobbart : Le (grand) retour

Genre
Point-and-click
Développeur
Revolution Software
Éditeur
Revolution Software
Année de sortie
2014

La quatrième itération des Chevaliers de Baphomet fût quelque peu loupée malgré une volonté évidente de bien faire de la part de Revolution Software, notamment sur l’aspect du gameplay, qui résulta sur ce titre à un retour vers un jeu d’aventure plus traditionnel, loin d’un hybride un peu casse-gueule, et définitivement plus apprécié par les amateurs du genre. Un genre qui s’est fait depuis une seconde jeunesse avec de nombreuses productions indépendantes comme Machinarium, Gemini Rue ou The Dream Machine, ainsi que les remakes HD d’oeuvres LucasArts comme les éditions spéciales de Monkey Island. Plus globalement, la 2D était de retour, elle était belle et populaire, et Revolution Software ne pouvait pas rester les bras croisés : après avoir offert aux fans une version Director’s Cut du premier opus sur PC, mobiles, Nintendo Wii et DS, le studio se mit activement au travail sur le futur épisode. Le financement des Chevaliers de Baphomet : La Malédiction du Serpent fut assuré par le développeur lui-même (à hauteur de 500 000 dollars) mais également par la participation des fans via une campagne Kickstarter réaliste dans sa demande et tout à fait réussie dans son résultat, sans atteindre d’extravagants sommets (400 000 dollars sollicités, environ 875 000 récoltés). Ce succès permit d’allonger la durée de vie initiale du titre, découpé en deux épisodes, sortis respectivement en décembre 2013 et avril 2014, ainsi que de porter l’ensemble avec plus de sérénité sur différentes plateformes, du PC à la PlayStation Vita, en passant par une version Switch prochainement prévue. L’objectif de Revolution Software était clair : renouer avec les origines de la série tout en insufflant une bonne once de modernité. Que dire, que dire ? Ils l’ont fait. Enfin. La digne suite.

La Malédiction du Serpent débute par un hommage non moins souligné aux premiers opus : côté sonore, les cordes graves à qui vient s’enchaîner une envolée instrumentale de l’oublié thème de la série. Le célèbre “Paris en automne…” est remplacé par des citations sur fond noir, avec une transition vers un aigle en lieu et place du corbeau parisien. Sur un traveling, l’envol de l’oiseau nous emmène vers le début de notre histoire, qui se déroule en 1937 en plein milieu de la Catalogne, où une famille tente de fuir une armée de fascistes envoyée pour récupérer un mystérieux tableau. Ce tableau, “La Maledicció”, nous le retrouvons bien des années plus tard, exposé dans une galerie parisienne huppée où se retrouvent par le plus grand des hasards George Stobbart et Nicole Collard, qui ne s’était pas vu depuis quelques temps. Leurs retrouvailles ne vont pas, cela devient une habitude, se dérouler de la manière la plus normale qui soit : un individu armé pénètre dans la galerie, vole le tableau, et tue le responsable de l’exposition, sous les yeux ébahis de nos deux protagonistes. Il ne faudra pas longtemps pour qu’ils s’emmêlent de l’affaire, étant parmi les témoins du meurtre, George travaillant pour la société chargée d’assurer les oeuvres exposées, Nico sentant enfin son gros scoop arriver, et le tableau étant aussi bien considéré comme maudit que particulièrement insignifiant d’un point de vue financier. C’est de coutume, mais leur enquête va les amener à voyager à travers pas mal de coins d’Europe, avec pas mal de surprises et révélations à la clef. Globalement, ce cinquième épisode propose, que cela soit au niveau de son scénario, sa mise en scène, ses personnages et son rythme, bien de meilleures choses que ce que nous avons pu voir au travers du Manuscrit de Voynich et Les Gardiens du Temple de Salomon. Sans aller vers l’excellent premier opus, nous nous rapprochons du second, avec une trame agréable à suivre, toujours remplie de références religieuses et mystiques diverses dont le producteur et scénariste, Charles Cecil, est toujours friand, avec cette intrigue à plusieurs niveaux qui gravitent autour du tableau. Difficile ne de pas être happé, et l’on retrouvera avec une certaine délectation cette touche d’humour si personnelle de la série, dans l’efficacité cette fois. La poignée de personnages rencontrés, anciens ou nouveaux, sont travaillés et bien introduits, et viendront compléter le tableau d’un titre à l’ambiance définitivement hors du temps, surtout dans sa façon de présenter les lieux que nos héros visiteront.

Après des années de tâtonnement, Revolution Software s’est rendu à l’évidence que transposer sa série en trois dimensions partait peut être d’un bon sentiment mais que l’exercice a été quelque peu compliqué et contre-productif. Saluons donc, pour ce cinquième épisode, le grand retour de la 2D, qui plus est en haute dimension. Et quel résultat ! Une fois de plus, nous sommes dans la continuité des deux premiers opus, avec un style façon dessin animé, mais avec une résolution augmentée de manière exponentielle : les décors sont magnifiques, détaillés et colorés, un peu statiques il est vrai, mais tout de même bien loin de ceux que nous avons pu voir en 2003 et 2006 avec leurs couleurs mornes et peu composés. Du côté des personnages, le studio a opté pour des modélisations en 3D reconverties en sprites pour un rendu plutôt convaincant, même si parfois, malgré les effets d’ombres appliqués dessus, ils ressortiront pas de la façon optimale à l’écran, créant comme un décalage visuel. Mais après, difficile de bouder longtemps sur le plan visuel, tout comme la partie sonore, où malgré le budget réduit, le développeur a réussi à rembaucher la même équipe de doublage qu’à l’accoutumée, du moins pour l’excellente version française, ainsi que l’expertise musicale de Barrington Pheloung, compositeur des deux premiers épisodes.

Retour aux sources définitif également du côté du gameplay, même si Les Gardiens du Temple de Salomon avait déjà ouvert la voie. Nous sommes en présence, on peut le dire, d’un bon vieux point-and-click des familles, avec tout ce que cela implique : trouver des indices en parlant à des personnages, récupérer des objets dans des décors interactifs, et résoudre différentes énigmes en se prenant parfois la tête et en usant tout ce qui peut se trouver dans son inventaire pour y parvenir. Notons quelques petits aménagements sympathiques comme deux options possibles pour le dit inventaire, à savoir un classique, qui plaira assurément aux habitués de la série, et un moderne, plus proche des deux Director’s Cut, ainsi qu’un système d’aide pour ceux qui ne voit définitivement pas quoi faire. Après, il faut bien avouer qu’à part deux ou trois énigmes où il faudra avoir la révélation, La Malédiction du Serpent n’est pas un titre insurmontable du côté de sa difficulté, et ne sera pas résister bien longtemps aux personnes habituées depuis des années au genre. Du classique dans l’ensemble, mais après tout, la dizaine d’heures que demandent le titre sont très agréables, alors pourquoi demander plus, surtout quand Revolution Software a enfin décidé de lâcher les minis-jeux débiles des épisodes 3D pour se concentrer sur des énigmes plus cérébrales et tout simplement réfléchies. Il était temps !

Les Chevaliers de Baphomet : La Malédiction du Serpent
Appréciation
On termine Les Chevaliers de Baphomet : La Malédiction du Serpent avec une satisfaction évidente. Revolution Software nous offre en effet, et enfin, un digne épisode à sa série fétiche, avec un retour réussi aux sources. Graphiquement superbe, ce cinquième opus s’inscrit comme un classique mais efficace point-and-click, avec un scénario haletant, parfois drôle et surtout passionnant, accompagné de personnages et dialogues convaincants, en plus d’énigmes certes faciles, mais au moins bien pensées dans leur ensemble. Une belle aventure pour Nico et George, en somme, et de quoi voir positivement l’avenir de la série, assurément.
Points forts
Graphiquement très joli
Intrigue et humour réussis
De bonnes énigmes
Excellentes VF et bande-son
Points faibles
Quelques imperfections graphiques