Septerra Core : Legacy of the Creator

Aux armes et Septerra

Genre
RPG
Développeur
Valkyrie Studios
Éditeur
Monolith Productions / TopWare Interactive
Année de sortie
1999

C’est une évidence certaine que la sortie de Final Fantasy VII en 1997 a quelque peu bousculé l’univers du jeu-vidéo et véritablement ouvert la voie au jeu de rôles à la japonaise, en particulier en Europe où le genre n’était alors diffusé que de manière plutôt éparse. Un succès synonyme d’opportunités à priori florissantes pour beaucoup d’acteurs de l’industrie vidéoludique avec pour eux plusieurs options pour satisfaire un public en toujours plus en attente d’autres titres du même acabit : localiser ses propres titres, éditer ceux d’autres sociétés, ou alors développer sa propre œuvre. Avec Septerra Core : Legacy of the Creator, sorti en 1999 dans le monde, c’est le troisième choix que fit le développeur américain Valkyrie Studios, reprenant pour le compte de Monolith Studios le travail d’ICOM « Shadowgate » Simulations, ce dernier ayant récemment fermé ses portes. La volonté à l’époque était limpide : proposer, en reprenant les codes et particularités, le style visuel, et ce qui semble fonctionner dans le JRPG tel que notamment établi par Square, une réinterprétation du genre à la sauce américaine, avec le même niveau de réalisation général, et ce en plus uniquement pour les propriétaires d’un PC, le support n’étant guère achalandé. Un petit air de Secret of Evermore me direz-vous ? Pas sûr, car malheureusement et malgré quelques bons atouts, la recette est loin d’être goûteuse, voire au final très lourde pour l’estomac.

Partons pour la planète Septerra, située dans une galaxie inconnue dans un temps incertain. Une planète fort originale dans sa structure puisque ses sept continents sont en fait des anneaux qui gravitent autour de son noyau salvateur. Les légendes racontent que ceux qui pourront acquérir le pouvoir de ce cœur étincelant seront les maîtres du monde, voire de l’univers. Bien évidemment, cette potentialité attire bien les convoitises et les guerres font rage. Maya, notre héroïne, a perdu ses parents durant l’un de ses conflits, massacrés par un groupe issu des Élus, un peuple tout puissant vivant dans sur le continent juste au-dessus du leur. Forte et téméraire, elle va se trouver embarquée dans une épopée dont elle n’imaginait pas les proportions, elle qui au départ devait juste ramener au village un ado quelque peu rebelle qui n’a pas trouvé mieux que d’aller faire de la contrebande avec les bandits du coin plutôt que d’aller en cours avec le sage du coin. Ce que nous allons apprendre rapidement, c’est que sur les anneaux inférieurs, des affrontements sont en cours et, nous nous en doutons, un type quelque peu envieux pourrait être derrière cela. Type qui pourrait se trouver être le commanditaire de la mort des parents de Maya. La quête de vengeance se profile pour notre protagoniste, quête qu’elle ne fera pas seule, puisque qu’une poignée d’alliés issus d’autres contrées de Septerra se joindront à son périple, chacune et chacun avec leurs propres affaires à régler avec la nation belligérante et le grand méchant de l’histoire.

Septerra : Legacy of the Creator propose un univers et une intrigue sur le papier des plus intéressantes, même si pour cette dernière, nous sommes parfaitement dans le triptyque de la vengeance qui se mue en un sauvetage du monde en bon et due forme. Les personnages, qu’ils soient alliés ou ennemis, ne manquent pas d’originalité, mais il est fort dommage qu’ils ne semblent ne se résumer qu’à un design et un background minimum, avec des interactions qui ne se résument qu’à de rares dialogues clefs et de courtes discussions avec les PNJs, si bien que nous nous focaliserons uniquement sur leur capacité au combat plutôt qu’à leur côté sympathique. Maya, fort heureusement compte-tenu de son statut d’héroïne principale du RPG, demeure très décidée et charismatique, n’hésitant pas à s’imposer et à renvoyer balader quiconque se met sur son chemin.

C’est d’autant plus regrettable que les équipes ont vraiment bien bossé sur l’univers de Septerra, avec pour chacun de ses anneaux une thématique visuelle et technologique qui lui est propre, entre du contemporain, du steampunk ou encore du médiéval-fantastique, qui suscitera pour chaque protagoniste de l’incompréhension, de la fascination, et parfois quelques piques bien senties. Visuellement, au lieu de proposer de la pure 3D, le jeu s’affiche dans un style « anime » en 2D/3D issu de modélisations réalisées par ordinateur, certes quelque peu cheap de nos jours mais non sans un petit charme rétro, mais suffisamment cohérent et réussi pour 1999, avec des environnements détaillés et des animations correctes pour une palette de couleur assez limitée mais dans le ton des autres productions PC de l’époque. Bon, on est quand même loin du niveau des jeux de Square de l’époque, ceux-ci proposant largement plus de cinématiques et une réalisation, comme nous allons le voir, bien plus pêchue. Notons que le titre tourne bien sur les supports modernes, notamment avec l’utilisation d’un patch développé par un certain M-HT, qui permet notamment pousser la résolution d’affichage à un niveau plus raisonnable que celle d’origine.

Tout RPG qui se respecte se doit d’avoir un gameplay suffisamment poussé pour tenir en haleine joueuses et joueurs pendant un nombre assez élevé d’heures occupées à se taper des donjons et tout un tas d’ennemis. Ici, point de grosses surprises avec un cahier des charges appliqué pratiquement à la lettre près, avec des combats directement inspirés des récents Final Fantasy, reprenant une barre d’attente qui débloque trois niveaux d’attaques de plus en plus puissantes. Chaque personnage dispose d’un certain nombre de techniques, et il est également proposé un système de cartes à associer pour balancer de la magie voire même de puissantes invocations. Bon, nous ne sommes pas dans l’impressionnant tel que vu dans Final Fantasy VIII, et vu comment ces pouvoirs bouffent le pot commun d’énergie, on préférera davantage utiliser les techniques de bases, tout aussi voire plus efficaces. Grossièrement pas révolutionnaires, ces affrontements se font sans la moindre surprise ou stratégie, hormis pour les bosses qui demanderont d’un peu étudier leur patterns. Notons que ces batailles heureusement ne sont pas aléatoires et qu’il sera possible de les esquiver pour le peu de pas tomber directement nez à nez avec un groupe d’adversaires. Un élément important du fait que franchement, ça manque un peu de punch et d’originalité, celle-ci n’étant pas non plus présente dans la gestion de l’équipement qui se résume à aller acheter le meilleur du meilleur à chaque nouvelle boutique rencontrée. Pour la partie exploration, rien de dingue : pas mal de villes à visiter, une carte du monde, et quelques quêtes annexes assez mystérieuses. Ah si ! Tout est entièrement jouable à la souris !

Le nombre d’heures de jeu théorique et la présence de pas mal de quêtes annexes permettent malheureusement de se rendre compte que l’œuvre de Valkyrie Studios accuse d’un manque cruel de mise en scène, avec une intrigue parfaitement linéaire qui ne réserve aucune surprise notable, doublé par l’absence notable et assez assommante d’une bande-son pour accompagner notre aventure durant les phases d’exploration, où nos oreilles n’entendront que des sons d’ambiance qui ne feront que plomber cette dernière. Et pourtant, les dialogues sont entièrement vocalisés par un doublage – du moins anglais – d’une excellente qualité, et la bande-son des combats, notamment composée par Martin O’Donnell de la (future) franchise Halo, est plutôt entraînante. En tant que telle, l’intrigue démarre bien, affiche des ambitions, mais finit, tout comme les combats qui deviennent redondant à recycler par différentes couleurs le même bestiaire, à devenir carrément poussive, avec une dernière partie qui traîne beaucoup trop en longueur. Bref, c’est rapidement morne, voire un tantinet agaçant.

Car il est intéressant de souligner qu’au bout d’une poignée d’heures, ce qui n’était qu’un RPG assez classique intègre de nouveaux éléments de gameplay de manière assez sournoise, pour le meilleur mais surtout pour le pire. En effet, si l’idée d’incruster un jeu d’aventure notamment des pointés cliqués, avec des objets à trouver ici pour les utiliser là, l’intégration est plus que discutable. Des indices sont bien donnés, mais ceux-ci sont noyés dans des dialogues à priori anodins et concernent des énigmes qui vont arriver bien plus tard dans l’aventure… Les objets de quête, au départ donnés « normalement » en progressant dans l’histoire, nécessiteront par la suite d’être trouvés dans les labyrinthiques donjons, planqués dans des coffres ou sur une table, sans indication visuelle aucune. Heureusement qu’une carte (touche Tab) aidera à la navigation, car il sera très facile de rater un chemin vu la lisibilité qui pêchera bien des fois. Et ce n’est que la première option, puisque d’autres acquisitions nécessaires à l’avancée dans l’histoire devront être achetées en boutiques, parce que pourquoi pas ! Et parfois, il faudra être en possession de tel équipement pour toute notre équipe afin de pouvoir accéder à certains endroits. Pire, sur la fin du jeu, on ne prendra même plus le temps de nous donner le moindre indice sur les prochaines actions à réaliser, nous invitant gentiment à aller revisiter chaque lieu exploré dix heures auparavant, parce que peut-être, quelque chose a bougé, un dialogue avec un PNJ a été débloqué, ou que l’on a obtenu un objet à utiliser dans un bidule niché au fin fond d’un ancien donjon. Tel est le constat que l’on fera lors de la consultation d’une aide de jeu, documentation rapidement indispensable tant une royale patience ne fera pas l’affaire pour boucler l’aventure, qui nous révèlera des choses que l’on aurait loupé ou jamais pu deviner sans avoir reparcouru tout le périple en sens inverse, airant ici et là avec hasard et agacement. On finira par ne plus suivre l’intrigue, ni même de se préoccuper des quêtes annexes, pourtant présentes mais franchement pas très engageantes. C’est d’ailleurs durant cette lecture que l’on s’apercevra que ce que l’on pensait être le dernier chapitre n’est en fait que le prologue d’une dizaine de longs et très frustrants donjons, avec une tonne d’allers retours en perspective. Chouette.

Septerra Core : Legacy of the Creator
Appréciation
Malgré un bon démarrage, Septerra Core : Legacy of the Creator s’enfonce tout doucement dans une monotonie qui va durer une cinquantaine d’heure. L'unique titre de Valkyrie Studios ne se hissera pas dans les classiques du genre avec une simple volonté, certes louable, de reprendre à sa sauce les codes du genre et de proposer davantage le genre au monde du PC, la faute à une histoire qui ne décolle finalement que trop peu, préférant enchaîner des donjons mornes, des combats pas révolutionnaires, et proposer une partie aventure poussive et incompréhensible, plutôt que de véritablement propulser son univers pourtant original et au fort potentiel. S’il y a bien pire en terme de RPG, il y en a des biens meilleurs.
Points forts
Univers sympathique et à fort potentiel
Visuellement plutôt réussi
Partie RPG classique mais efficasse
Points faibles
Partie Aventure incompréhensible
Ambiance morne voire ennuyeuse
Ultimes heures de jeu très poussives
Interminable sans soluce ?