The Walking Dead

2012, 2013… et les zombies courent toujours

J’avoue qu’il y a 3 semaines de cela  je n’en pouvais plus des allusions à tout va concernant ce fameux 21 décembre 2012.  Tout le monde y est allé de sa petite plaisanterie ou de son photomontage plus ou moins bien senti. Je n’ai jamais vu cette fameuse insciption Maya, et, à vrai dire, je m’en tamponne. Je me posai simplement la question : n’y a-t-il pas eu une erreur d’interprétation ? Et si l’oracle, croyant voir dans son miroir magique un monde ravagé par un chaos monstrueux, avait tout simplement eu comme vision un adolescent de 2012 en pleine partie sur un jeu rempli de morts-vivants ? Ou bien des gens terrorisés par un film de zombies sur grand écran ? Ou encore une famille en train d’apprécier un épisode de la géniale série The Walking Dead ? Il ne connaissait pas la télévision ou le cinéma, ce chaman, avouez que la confusion eût été possible. 2012 est tellement marquée par un flot continu de hordes zombies dans tous les sens, sur écran et en dehors, que la thèse tient, vous ne trouvez pas ?

Honnêtement, je vais planter le décor rapidement, car cette review n’a comme unique but que de vous obliger à jouer à The Walking Dead. Aucune personne susceptible de passer par ici n’ignore l’existence et le succès de cette série de comic books créée par les géniaux Robert Kirkman et Tony Moore. Nul en ces terres ne doute du succès de la série adaptée et produite par le non moins génial Franck Darabont, habituellement connu (et reconnu) pour les portages à l’écran d’histoires imaginées par le génialissime Stephen King  (The Green Mile – La ligne verte ou The Shawshank Redemption – Les évadés). Bref, tout cela est manifestement… génial. Pourquoi les zombies fonctionnent toujours autant, 40 ans après leur apogée dans le cinéma d’exploitation ? Vaste question, et le propos n’est pas ici d’avancer des réponses. Ce constat s’impose. Tout comme le fait que l’adaptation en jeu vidéo de la licence The Walking Dead par la boîte Telltale soit tout simplement une expérience… Oui j’allais bien dire « géniale »…

Merci Telltale, merci vraiment

Ce développeur est surtout connu pour produire, habituellement des point’n’clicks tout ce qu’il y a de plus classiques, qui brillent par leur côté déjanté. Les Sam&Max et consorts sont bien connus des amateurs. Il y a bien eu quelques expérimentations en terme de nouvelles formes d’intéractivité avec un Jurassic Park de triste mémoire récemment. Et voilà qu’ils s’attaquent à The Walking Dead. On aurait pu croire en un projet opportuniste. Il n’en est rien.

Sur la forme on a droit à une aventure hybride qui mixe des mécaniques de point’n’click traditionnel avec tout un panel de gameplays très circonstanciels et contextuels. Ne passons pas par quatre chemins : un jeu comme Heavy Rain  a beau avoir tenté sa chance dans le domaine, The Walking Dead emporte haut la main la palme de l’expérience intéractive-hybride la mieux branlée de tous les temps. Quel bonheur de suivre le destin de Lee, un repris de justice dont l’incarcération imminente est subitement ajournée par le chaos soudain à Atlanta. Il va très vite rencontrer Clementine, récemment orpheline, et tous deux vont se mêler à un groupe de survivants dont Kenny, un père de famille avec sa femme et son fils. Comme le groupe de la série d’AMC, celui-ci va devoir composer avec les caractères en présence, les forces hostiles qui rôdent et la volonté de survivre. L’histoire développée ici se déroule en marge et en parallèle de la série originelle. On croisera certains personnages connus, mais les deux expériences restent distinctes. Les développeurs ont même réussi à préserver l’histoire originale, et il est inutile de craindre des révélations concernant les comic books ou la série. De toutes façons, le jeu n’a nul besoin d’emprunter plus à l’œuvre de base, tant les mecs de Telltale ont as-su-ré.

Best Game Ever…

Oui je m’excite, et c’est parti pour la pluie de superlatifs. Vous voulez de la psychologie ? Des choix que vous aurez sur la conscience pour toute la durée de la saison 1 de The Walking Dead-le jeu ? Avez-vous déjà eu à choisir entre mentir à une petite fille lorsqu’elle vous demande « Lee, penses-tu que mes parents ont été dévorés par ces monstres ? » ? Lui diriez-vous la vérité sur la probabilité infime qu’ils soient encore en vie ? Ou mentiriez vous pour préserver son innocence quelques minutes de plus dans cet enfer ? La tension psychologique, les choix liés à la survie, à la sécurité des uns et des autres. Disons tout simplement que ce qui fonctionne et rend cette série et ces comics si marquants, est ici transcendé parce que le joueur est impliqué comme seul le jeu vidéo le permet. Et je vous promets, ça fait un choc. Après un premier épisode assez mou qui plante efficacement le décor, chacun des 4 chapitres suivants* m’aura laissé pensif et stupéfait. Incapable de retirer de mon esprit les quelques lignes de dialogues, les quelques choix que l’on m’aura demandé de faire, les répliques de la petite Clementine merveilleusement interprétée par une actrice dont j’ignore tout, mais dont la voix et la diction resteront dans ma tête jusqu’à la fin de mes jours.

Et tant pis si la finalité derrière les choix que l’on me propose n’altère que très peu le fil rouge de l’histoire. Telltale a résolu de manière magistrale l’épineux problème du scénario en arborescence avec lequel certains cadors fers de lance de la tendance « le joueur a le choix » se dépatouillent de manière parfois hasardeuse avec un scénario à trous souvent bancal. Ici l’enjeu des choix que l’on aura à faire sont imprimés dans notre tête jusqu’à la fin, et au-delà. Ce que The Walking Dead laisse comme marque à l’échelle d’une partie, c’est une morsure à la conscience du joueur qui va prendre plusieurs jours à cicatriser. Indélébile. Et il y a Clem. Cette petite fille et sa relation avec Lee sont ce que j’ai vu de plus touchant, de plus mature et de plus juste depuis… On s’en fout de ma vie, en fait. Ce genre de considérations apparaissent d’une futilité vertigineuse depuis que j’ai terminé ce jeu.

… and yes ! This is a game.

Je n’ai vraiment pas envie de détailler l’objet ni de débattre sur la question un peu gonflante de la frontière entre expérience intéractive et vrai jeu vidéo. Je donne en quelques lignes ma position sur le sujet. Les petits gars de Telltale ont su proposer un équilibre parfait entre jeu d’aventure classique, et apport en émotions via des systèmes d’actions contextuelles et de multi-gameplays qui s’adaptent aux situations. Et il faut voir comme c’est réussi. Certaines séquences sont cadrées de manière sublime, nous mettant au cœur d’un enjeu et d’une tension qui profite à merveille de cette synthèse entre un vocabulaire télévisuel, un univers de comics ultra-psychologique et un véritable jeu vidéo assez révolutionnaire. Je pèse mes mots. Certaines séquences avec angles de caméra mouvante en temps réels m’ont donné des frissons et m’ont arraché des exclamations subjuguées toutes les 5 secondes.

Et ceci est la preuve que même avec une réalisation minimaliste on peut faire ressentir des choses extrêmement fortes aux joueurs. Le look d’ensemble tire à la fois partie d’une esthétique comic book et de cadrages propres à une série dramatique : voilà une alchimie très opportune pour des considérations techniques, de rentabilité et d’accessibilité à un public plus large, moins susceptible d’être choqué par les images. Le pari est ici doublement réussi : produire un jeu qui n’aura pas coûté le PIB d’un pays à cause d’un pari technique superflu. Et en même temps quoi de mieux pour nous jeter à la face une écriture d’une puissance phénoménale qui brille d’autant plus qu’elle n’est pas camouflée derrière un graphisme de pointe ? Le scénario, les dialogues, les situations, la psychologie de ces personnages qu’on n’oubliera pas : tous ces détails survivent aisément à une représentation agréable, mais volontairement simpliste. Et ça fonctionne. Du tonnerre même.

Voilà, vous l’aurez compris, je suis encore sous le choc. Et cela fait quasiment un mois que j’ai terminé la première saison de The Walking Dead, le jeu. Jouable sur toutes les machines possibles **, il serait presque criminel de passer à côté de ce chef d’œuvre. Surtout si on est amateur de cet univers qui est montré sous un jour fabuleux au niveau de l’implication et des émotions. Je pense sincèrement que cette première saison fera date, et qu’un genre poussiéreux comme le point’n’click/aventure en quête de narration dynamique et immersive trouve ici une sorte d’itération ultime. Cela aura pris du temps, mais maintenant les développeurs peuvent arrêter de chercher. La quête de l’aventure qui mêlerait à la perfection le gameplay du jeu vidéo à la narration cinématrographique et qui briserait cette frontière infranchissable selon certains entre l’intéractivité et la narration cinématique s’est achevée en cette superbe année 2012. On y est les enfants, les génies de Telltale ont trouvé le Graal et c’est auprès de The Walking Dead que ça se passe.

* le jeu est découpé comme une saison de 5 épisodes, et la seconde a été confirmée par l’éditeur

** PC, Xbox 360, PS3, Ipad –privilégiez la version PC qui rend possible une manipulation pour avoir les textes en français

 

  1. Bon… bah que dire. T’as utilisé un terme qu’on utilise très souvent à chaud : « Best game ever ». Et pourtant, objectivement, on n’a jamais vu ça dans un JV. Une telle narration, un tel casting… Non, c’est du jamais vu. On pourra chercher à rationaliser tout ça, essayer de calmer nos ardeurs, se dire que y’a peut-être mieux. Bah merde, j’y arrive pas en tout cas. Pourtant j’en ai fait des jeux qui prennent aux tripes, qui t’arrachent le coeur avec leurs fins, te laissent livide devant ton écran à rassembler tous les pièces du puzzle dans ta tête pour comprendre ce qu’il vient de t’arriver tellement c’était fort.

    L’épisode 2 et surtout sa fin m’ont foutu une claque comme jamais, c’est là que j’ai compris que j’avais affaire à un très, très gros poisson. Et le rythme ne ralentit jamais, pour terminer sur l’épisode le plus court de tous, mais tellement intense qu’il semble en être le plus long, et qui te laisse comme mort tellement toute cette aventure te revient à la gueule, avec ce final aussi puissant qu’il est humble.

    Comme tu l’as dit plus tôt, et je partage ton avis : plus qu’un grand jeu, c’est un cap qui vient d’être franchi. Et merci, gros merci Lced pour cet article, où tu n’as pas peur des grands mots, car ce putain de jeu le mérite.

  2. Great critique, on sent la passion, j’aime ça ! J’émettrai des réserves tout de même sur la toute puissance de l’expérience, bien que j’ai vraiment beaucoup aimé, TWD me semble perfectible sur pas mal de points. Et je crois même qu’un plus gros budget lui aurait fait le plus grand bien. Mais ouais, c’est un sacré jeu, faut s’y essayer !

  3. ** PC, Xbox 360, PS3, Ipad –privilégiez la version PC qui rend possible une manipulation pour avoir les textes en français

    -> Il faut quand même prévoir un pad pour la version PC. Les contrôles au clavier sont juste inhumains, en plus d’être incompréhensible et tout en QWERTY. Il est évidemment impossible de réassigner les touches. Bref, prenez un pad.

    Sinon, j’ai bien kiffé The Walking Dead en jeu, pour toutes les raisons que tu cites, même si les phases de gameplay / point & click sont vraiment anecdotiques. J’ai attaqué la série TV en parallèle, qui est vraiment naze pour tout dire (même si la 3e saison remonte un peu la pente). Heureusement, le jeu est beaucoup mieux écrit et plus intense. Miam !

  4. Merci pour vos commentaires.

    @Ad : alors on est 2 à avoir été retournés par l’expérience.

    @Elincia : la formule mérité d’être améliorée et d’être appliquée à d’autres ambiances, d’autres type de situations,etc… Mais je pense que les bases sont maintenant solides et convaincantes je pense

    @Sylvain : Merci d’être passé. Tu entends quoi par anecdotique? Pourtant j’ai vraiment eu l’impression que dans ce jeu on passait plus de temps à se balader, à accomplir des actions et intéragir plutôt qu’à regarder filer des cinématiques en n’agissant pas sur ce qu’il se passe. C’est un à priori que beaucoup de joueurs n’ayant pas essayé ressentent, mais qui ne se vérifie pas selon moi.

  5. Disons que les phases de point & click (hors phases de dialogues, donc) sont ultra simplistes. A aucun moment tu dois allumer ton cerveau, fouiller partout et résoudre un problème autrement que par du dialogue. C’est le jeu qui veut ça hein, et le reste est excellent, mais pour moi ces phases « point & click » sont anecdotiques comparé au reste.

  6. C’est à dire que les dialogues sont en réalité le fer de lance du gameplay, et non les phases de point & click, il y a un renversement du schéma habituel, mais qui n’en est pas pour autant moins pertinent. Il faut simplement voir ça comme une nouvelle approche plutôt qu’un minimalisme des phases de pur point & click imo.

  7. Disons, Sylvain, que je ne vois pas très bien comment il aurait pu en être autrement.

    Je suis content qu’avec des jeux comme ça qui souhaitent nous immerger par la cohérence et la crédibilité, le restent de bout en bout. Personnellement j’aurais mal vu Lee devoir résoudre des énigmes du style : trouver ficelle, trouver bâton, trouver balle de tennis, combiner pour obtenir épouvantail, utiliser sur toit de la maison pour éloigner corbeaux-zombies:p

    Je charrie:p Mais c’est ça l’idée. DeadLight s’est aussi fait un peu défoncer pour ça : manque d’énigmes,etc… Alors que j’ai adoré devoir faire des choses terre-à-terre comme remettre une batterie en marche pour avoir du courant, ou attirer simplement les zombies derrière une grille pour les coincer.

    Je pense qu’on peut difficilement chercher de la crédibilité ou de la cohérence (voire du réalisme) dans les jeux vidéos sans remettre en question, le temps d’un jeu mettant en scène des survivants dans un univers fait de zombies par exemple:p, une certaine définition du « fun » ou en tout cas de ce qui est « ludiquement » acceptable dans un jeu vidéo. Pour moi c’est difficile à accepter, au contraire, quand un jeu souhaite aborder des thèmes sous un angle mature, réaliste, terre-à-terre ou cohérent et qui, sous prétexte qu’on est dans un jeu vidéo, en arrive à me faire faire un sudoku ou un puzzle électronique pour activer un ascenseur (Dead Space, je parle de toi :bye: )

  8. Non mais c’est exactement ce que j’ai dit dans mon premier commentaire xD
    Je cite : « même si les phases de gameplay / point & click sont vraiment anecdotiques ».

    D’ailleurs, le premier épisode est mieux foutu que les suivants sur ce point précis (la scène où l’on est planqué dans le parking du motel est un bon exemple).

  9. Ok ! Je n’avais pas bien saisi la vraie nature de ta critique:)
    Sinon au passage je voulais te féliciter pour ton article sur le background de Dark Souls qui est passionnant et prenant. J’ai découvert ce jeu en fin d’année, et c’est devenu l’un de mes meilleurs jeux de tous les temps:)

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