Le monde du jeu vidéo indépendant est rempli de gens de talent. Terry Cavanagh est un jeune développeur dublinois qui en a énormément, il suffit de s’essayer à son excellent et déroutant Don’t Look Back pour en avoir la certitude. Ce n’est pas de ce titre dont nous disserterons aujourd’hui, mais plutôt sur sa nouvelle création issue de son cerveau décidément très imaginatif : VVVVVV.
Viridian et son équipage voguaient tranquillement dans l’espace quand leur vaisseau fût pris dans une interférence spatiotemporelle menaçant d’endommager gravement sa structure. Dans l’urgence, ils quittèrent le bâtiment via un téléporteur pour atteindre un endroit plus sécurisé. Malheureusement, suite à cette même interférence, chacun fût transporté aléatoirement dans différents endroits d’une dimension parallèle, sans aucune possibilité de se contacter les uns les autres ou de revenir en arrière. Viridian, que nous contrôlons dans cette quête, part alors à la recherche des cinq membres de son équipe.
Dès les premières minutes de jeu, on s’aperçoit bien vite, qu’en tant que joueur, on va souffrir. Beaucoup. Énormément. Peut être même plus que le héros. Mais quelques explications sur le gameplay s’imposent avant d’aller plus loin. On contrôle donc ce petit bonhomme souriant, qui ne peut que se déplacer et sauter. Mais le classique saut est ici remplacé par un « basculement » dans le sens où par simple pression du bouton dédié, le personnage se retrouvera catapulté vers le haut ou le bas de l’écran, sans possibilité aucune de s’arrêter tant qu’il n’aura pas rencontré un élément du décor. On pourra toujours contrôler sa trajectoire, le tout sera de bien gérer l’inertie et l’atterrissage. La conception globale du titre rentre dans le style d’un Metroidvania, qui permet au joueur de se balader librement (il n’y pas d’évolution du héros et peu de zones cachées par contre), l’idéal pour choisir dans quel ordre mou… Aborder les « niveaux » aux couleurs, musiques et designs différents.
Rien de bien compliqué jusque là, donc. Mais c’était sans compter sur l’intelligence sadique du développeur. La plupart des pièces, qui obligent le joueur de basculer son personnage en haut ou en bas de l’écran pour progresser, sont également truffés de pièges. Hormis le sol ferme et froid, n’importe quel élément présent à proximité du héros est un danger potentiel. Surtout les piquants. Viridian n’a aucun point d’énergie, et le moindre contact avec un objet coupant ou contondant lui est fatal. Le jeu impose une réflexion de tous les instants, un rythme frénétique d’enchainements millimétrés, et des réflexes bien aiguisés. Et ceci dès le début de l’aventure. Pas de place à la chance, ni à la pitié. On meurt beaucoup dans VVVVVV. Très souvent même. Le diabolique Monsieur Cavanagh aurait pu aller plus loin, du genre assommer le joueur d’un rapide et grinçant Game Over en imposant un nombre drastique d’essais par exemple, mais il a choisi, pour parfaitement équilibrer la difficulté, d’offrir à sa victime un nombre illimité de vies et une progression agrémentée de check-points bien disposés, où le héros sera instantanément ressuscité à chaque décès. Le titre reste tout de même un véritable chalenge, exigeant et parfois frustrant, mais terriblement addictif.
Autant le dire, l’architecture originale et audacieuse des niveaux, les pièges placés de manière malicieusement réfléchie, et les diverses idées de gamedesign font littéralement exploser le code du jeu de plateforme 2D. Le tout prend le joueur par surprise, met en déroute ses sens, et joue avec sa patience, sans la briser.
Bien que sorti début 2010, les graphismes de VVVVVV semblent tout droit venir des années 80, grande époque du 8-bit et des vêtements flashies. Du gros pixel qui tâche, des animations et décors simples et un affichage quatre couleurs… Bien carré de partout et bien entendu fier de l’être, le titre dégage un maximum de style qui rappelle un tantinet Tron, mélangé avec quelques jeux d’Atari 2800. La partie musicale n’est pas en reste, au contraire. Orchestrée par le suédois Magnus Pålsson (a.k.a. Souleye), la bande-son abattra d’un coup la moindre personne ne supportant pas la musique que produit les processeurs sonores de nos vieilles machines de jeux. Pour les autres, c’est de l’or en barre, du puissant chiptune, une association vibrante de gros beats et de mélodies électroniques, bien entrainantes et entêtantes (mentions spéciales pour « Potential for anything » et « Pressure Cooker »), qui forment, couplés aux graphismes, et une atmosphère étrange, travaillée et renversante. La durée de vie du titre suit également ce voyage un brin nostalgique du temps des grosses cartouches et de Bananarama. Et c’est son seul point faible. Bouclé en moins de trois heures pour les plus débrouillards, VVVVVV ne manque pourtant pas d’atouts pour remettre le couvert. Entre de nouveaux modes à débloquer, de nombreuses orbes très difficiles à récupérer, sans compter diverses récompenses à collectionner, le joueur a de quoi s’y replonger avec plaisir.