Alice : Retour au pays de la folie

Même si les différents univers présentés le long des six longs niveaux du jeu ne bénéficient pas tous de la même beauté visuelle, les plus réussis valent vraiment le détour et alimentent à eux seuls un argument plus que valable pour se mettre au jeu. Ça semble peut-être fort dit comme ça tant un jeu vidéo n’est pas sensé être un enchaînement de tableaux pourtant il en émane une fascination pour le joueur qui mérite d’être ressentie. Déambuler dans la Vallée des Larmes jusqu’à être confronté au splendide panorama de ses hautes falaises durant le crépuscule, révélant une immensité d’un côté majestueuse et de l’autre inquiétante. Avancer dans le Londres Victorien qu’un certain Tim Burton n’aurait pas renier, à mi-chemin entre le terne de la réalité et la fantaisie du fantastique. L’Est Mystérieux et ses montagnes japonisantes où le pittoresque côtoie le fantasme halluciné d’un drogué. Et puis, bien sûr, le Pont de Cartes qui nous voit marcher dans le ciel de façon plus que vertigineuse par le biais de cartes à jouer apparaissant sous nos pieds au fur-et-à mesure de notre avancée. Voilà là quelques étapes que vous passerez durant votre aventure et nul doute que ces décors enivrants vous laisseront bouche-bée, de la même manière que vous observerez la longue chevelure d’Alice s’ondoyer au gré du vent.

N’y voyez aucune connotation poétique de bas étage, ce fameux air dans la chevelure de la belle n’en contient pas plus que cela, même si on doit reconnaître que cet état de fait renforce à lui seul le côté majestueux du monde des Merveilles. Cela rend même les décors en extérieur plus magnétiques pour nos rétines. A moins que ce ne soit Alice elle-même qui est l’objet de fascination… C’est bien possible mais si l’on devait la compter dans l’équation, il faudrait également y inclure moult personnages secondaires. En plus d’avoir des passages de level-design frôlant le génie artistique, le character-design n’a pas à rougir à côté. Il émane de chez notre héroïne un certain charisme d’une force aigre-douce délicieuse. Une petite créature fragile dont notre seule envie de prime abord est de protéger à tout prix avant de se rendre compte de l’énorme force dont elle est pourvue. Il suffit de la voir combattre, c’est qu’elle n’a pas froid aux yeux cette petite. Notre guide, le fameux Chat du Cheshire n’a pas à rougir non plus de sa représentation vidéo-ludique. Celui apparaissant dans Alice : Retour au pays de la folie est certainement le plus classe qu’il ait été donné de mettre en scène, le moins mystérieux et philosophe certes, mais certainement le plus magnétique. Pour le reste du casting, chacun est soigné et se révèle marquant, non pas pour leur beauté mais pour leur laideur porteuse de fascination malsaine, que l’on soit confronté à des personnages pleinement tirés du le roman originel ou les autres, exclusifs à cette adaptation vidéo-ludique étant donné que cette dernière propose carrément une relecture personnelle du roman de Lewis Caroll.

Une lecture personnelle mais fidèle

Alice : Retour au pays de la folie prend place quelques années après la fin des événements du premier American McGee’s Alice. Sortie de sa torpeur post-traumatique suite à l’incendie qui a ravagé son foyer et sa famille, la jeune Alice Liddell vit désormais dans un orphelinat des bas-fonds londoniens. Du haut de ses quinze ans et avec l’aide d’un corps médical plus qu’avenant pour qu’elle reprenne une vie normale, la jeune fille tente tant bien que mal de reprendre pied même si le voile mystérieux quant à la tragédie survenue il y a des années n’est pas encore levé. Malgré tous ses efforts, la brunette en a encore gros sous la caboche et finit vite par replonger dans ses vieux démons. C’est ainsi qu’elle pose de nouveau le pied dans le monde des Merveilles, son profond subconscient halluciné. Univers parallèle qui a bien changé depuis sa première visite et ne tarde pas à se montrer aussi malade que l’esprit de la belle. Chapelier démembré, Lapin de Mars décapité, il semble bien que plus rien ne tourne rond là-bas, suite à l’apparition soudaine d’un train infernal qui prend un malin plaisir à rompre toute once d’équilibre sur son passage. En tant que nouvelle maîtresse du monde des Merveilles, place lui étant revenu de droit après sa victoire écrasante face à la Reine de Cœur, Alice se voit obligée de découvrir ce qu’il se passe vraiment, ce qui l’aidera à comprendre en parallèle les origines de ses maux et ainsi pourquoi elle ne peut pas vivre une existence normale malgré tous ses efforts.

Alice : Retour au pays de la folie étant le tout premier à sortir sur consoles, ce qui laisse à présager que ça attirera un tout nouveau public, on remerciera Spicy Horse d’avoir pris soin d’inclure assez d’éléments pour que le joueur n’ayant pas joué à American McGee’s Alice, uniquement sorti sur PC à l’époque, comprenne pleinement le background. Mieux encore, les développeurs ont en plus fait en sorte de ne pas trop en dire non plus sur le prédécesseur afin de ne pas biaiser celui qui aurait l’envie de s’attaquer au premier volet après une expérience réussie avec le second. Mais de toute manière, EA ayant eu la générosité d’inclure un code gratuit pour télécharger le premier épisode aux acheteurs de la suite en neuf (porté pour l’occasion de sa sortie sur consoles via PSN et Xbox Live Arcade), vous n’avez plus d’excuses pour ne pas vous y pencher. Ne serait-ce que par curiosité malsaine ou plus innocemment pour comprendre mieux les tenants et aboutissants du scénario du jeu.

Parce qu’Alice version McGee est certainement la lecture la plus personnelle, avec le film d’animation tchèque de 1989, qui a été faite du Alice In Wonderland de Lewis Caroll, tous supports culturels confondus. Il prend les éléments du roman pour les coller sur un contexte inédit, inventé de toutes pièces en commençant par délimiter des frontières temporelles là où le récit se veut à la base intemporel. Quant bien même l’originale et la version McGee se veulent totalement différentes de par leur approche, Alice : Retour au pays de la folie reste néanmoins, et contrairement au film de 1989, la lecture la plus fidèle à l’esprit du roman originel. On ne saurait que trop rappeler qu’Alice In Wonderland n’a rien d’un conte de fées pour enfants à la base et ce, quoiqu’en dise notre cher oncle Walt. Lewis Caroll se complaisait à apporter divers niveaux de lecture à son œuvre et on ne peut pas dire que chacune jouissait de la même innocence. En cela, McGee n’a fait que s’approprier les plus sombres en les mettant délibérément en avant sans même chercher à camoufler ou nuancer quoique ce soit.

On ne s’étonnera donc pas de trouver dans ce Alice : Retour au pays de la folie tout ce que la décadence humaine peut faire de pire : la manipulation, la violence, le sexe (dans son sens le plus malsain), la pédophilie… Le jeu nous mène vers un bad trip halluciné porteur d’une profonde abjection, le tout sans censure. Mais qui pourtant fascine… On aura beau utiliser une belle ribambelle de fantaisies pour détourner de la réalité, on ne s’y trompe pourtant pas : tous ces thèmes, en tant qu’être humains, on y est tous plus ou moins indirectement confrontés. Oui, c’est sûr, nous ne sommes pas non plus ces curés graveleux prenant un malin plaisir à enfoncer des cierges dans le rectum de ses enfants de chœur afin d’amener leur phallus vers la grâce divine, il n’empêche que ces sombres histoires ont toujours une forte portée émotionnelle pour le commun des mortels. Émotions à fleur de peau comme une bonne séance de massage sous fibre de verre certes, mais qui ont toujours été pourvues à nos yeux d’une fascination plus que malsaine. Après tout, malgré toute l’horreur que ça nous inspire, on est quand même bien content de voir ces scandales croustillants dans les faits divers (le dramatique fait vendre, c’est bien connu). Et on se fera d’ailleurs bien plaisir pour téléphoner à la première commère venue pour en discuter après avoir pris les journaux du mois précédent afin d’éplucher ces pages à la recherches d’autres faits croustillants afin d’alimenter d’autant plus son moulin. Eh bien, on rentre totalement dans ce cas de figure pour Alice : Retour au pays de la folie et toute l’effusion de monstruosité abjecte déployée se voit encaisser aussi sainement que le divertissement que pouvait apporter au petit peuple une pendaison d’une hérétique en place publique durant l’Inquisition.

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  1. Et bien en voilà un beau papier, bien dense ! Merci.

    Pour ma part voici l’un des jeux que j’ai préféré en 2011. Je trouve que tu est très très dure sur l’aspect technique.
    Voilà les conditions dans lesquelles je l’ai fait : version PC et mode difficile. Et bien je n’ai pas arrêté de m’exclamer sur le beauté du jeu. Je préfère 1000 fois un jeu qui a un moteur un peu vieillot mais une direction artistique aussi aboutie, qu’un jeu full Unreal Egine 3 avecc la direcion artistique d’un Gears of War ou Call of:p

    Ensuite je pense qu’il faut louer sa durée de vie. A notre époque, un jeu de platefome/aventure qui se boucle en 15 heures en moyenne (18 heures pour moi), ce n’est pas du luxe.
    Et enfin je trouve que ce jeu comporte des idées de gameplay lumineuses, dont on parle peu, à cause de cette foutue catégorisation des genres. J’ai trouvé les combats plutôt pêchus et stylés globalement, et le fait de pouvoir faire tanker les petits lapins, entre autres, donne une façon d’aborder les combats que personnellement je n’avais jamais vue ailleurs.

    Il ne faut pas oublier qu’American McGee a débuté en tant que level designer chez ID Software, sur des jeux précurseurs comme Doom ou d’autres monuments de ce genre. Son jeu comporte beaucoup plus d’idées de gamedesign, level design et gameplay que ce qu’on pourrait croire. Le genre « classique » auquel appartient le jeu, fait passer ses mécaniques comme du déjà vu. Mais éculés comme propres au jeu, ces mécanismes forment un tout d’un niveau conceptuel vraiment rarement atteint sur cette génération de consoles.

    Je pense que c’est typiquement le genre de jeu dont la réputation souffre de la catégorisation des genres. Moi je l’ai pris pour ce qu’il est, et j’ai passé 18 heures de rêves à traverser des univers, des décors, des niveaux différents, tout en prenant mon pied sur des combats pêchus, aussi agréables à jouer qu’à regarder.
    Dommage que tant de gens soient passés à côté, comme d’habitude.

  2. Je dois avouer que j’hésite toujours à me lancer dans ce jeu tant je me suis emmerdé sur le premier épisode.

    En tout cas, bon papier, même s’il ne m’encourage pas forcément à passer le pas.

  3. J’ai eu énormément de mal à rentrer dans la critique étant donné les fautes, oublis de mots ou encore les répétitions, mais je salue malgré tout l’effort d’avoir rédigé un aussi gros billet.

    De la même manière que Céd, je te trouve particulièrement dure au niveau de la technique de Madness Returns (dans le cas du premier opus c’est largement compréhensible, il était atrocement laid), car outre la patte artistique absolument sublime que je n’irai pas confondre, il y a aussi de très belles utilisations de l’Unreal Engine 3 pour le coup. Je pense notamment aux éclairages, lumières diffuses, effets de smoke ou encore de particules. La modélisation en elle même correspond a une utilisation assez basique de l’UE3, mais elle reste dans la moyenne des jeux de cette génération. Le seul aspect qui pêche peut-être un peu à mon sens concerne l’animation, mais ce n’est pas non plus particulièrement notable.

    Du reste je rejoins les paroles de Céd concernant le gameplay. Il y a bien plus à voir et à apprendre que ce que l’on pourrait croire, notamment en terme de Level Design et de rythmique des affrontements, sans parler de la balance puzzle/plateforme/combats très bien équilibrée.

    Enfin une chose à noter aussi et pour laquelle peu de joueurs sont au courant : L’histoire d’Alice et l’univers des jeux sont en réalité partiellement inspirés de l’histoire d’American Mcgee lui même. Lorsqu’il avait 13 ans, son père complètement ivre a tenté de le tuer en l’étranglant et en lui crevant les yeux, et par dessus le marché sa mère avait aussi plus ou moins un grain. Du côté la série n’a clairement pas volée son identité, et ça se ressent d’ailleurs très rapidement.

    > Mogfa : Sincèrement Madness Returns n’a juste rien à voir avec le premier d’un point de vu rythme, maniabilité, affrontements, et surtout artistiquement parlant. Du coup tu devrais plutôt le voir comme un nouveau jeu à part (ou presque).

  4. @ Altraum : Alors, quand j’ai vu ton commentaire, je suis restée perplexe et après avoir relu le billet, je le suis d’autant plus. Je suis peut-être aveugle mais je ne vois pas spécialement de fautes comme tu l’as dit, hormis un ou deux passages avec répétitions (que je vais corriger d’ici pas longtemps). Enfin, je me trompe peut-être, qu’on n’hésite pas à le dire si je me trompe et que la critique est truffée de fautes :sweat: Mais autrement, merci pour ces informations complémentaires que j’ignorais. Après, j’avoue que le côté « fidélité » avec l’esprit originel de l’œuvre, je le voyais beaucoup pour la pédophilie abordée, Lewis Caroll ayant été fréquemment pointé du doigt avec cette accusation à cause d’une certaine fascination pour les jeunes filles qui ont découlé sur des clichés lui ayant valu des rumeurs non-fondées de pédophilie.

    @ Altraum et Lced : Le jour où mon avis sera irréprochable sous tout rapport hein :mrgreen: … A vrai dire, si j’ai commencé à parler de la technique, c’était dans le but qu’on n’y prête pas une importance capitale (le fait d’avoir tout le reste après noie quelque peu le poisson si je peux dire). D’ailleurs, mon appréciation au final ne s’en ressent pas spécialement, ce qui signifie que je n’étais pas si dure que ça par rapport à ce point. Après, j’admets que la demi-étoile qui l’éloigne de l’appréciation maximale provient bien d’un problème technique qui m’a gêné tout le long du jeu : cette foutue caméra durant les combats qui m’a vraiment tapé sur le système jusqu’à ne pas apprécier à leur juste valeur toutes ces phases d’affrontement. Pour les autres bémols techniques pointés du doigt, ils sont bien là mais n’obscurcissent à mon sens pas le jeu dans le sens où même si ça choque quelque peu au début, on finit néanmoins par faire avec et s’y habituer. Bref, j’ai peut-être dénoncé le plan technique, il ne faut tout de même pas en faire une telle fixette, je l’ai fait car on ne peut cacher que ça crève les yeux mais de mon côté, cela n’a pas eu autant de poids dans le constat final comme ça a pu l’être ailleurs (« c’est moche, c’est vieillot, le jeu est donc pourri » pour résumer grossièrement ce que j’avais pu voir parfois).

    Après, pour le reste de ce que vous dites, je n’irai pas vous contredire mais je vous l’avoue très franchement : ça m’importe peu. Je suis quelqu’un qui prête importance au feeling dès lors que j’ai la manette en main mais pas à toutes ces subtilités techniques et de gameplay que vous me citez là. Ce qui est d’autant plus vrai avec un tel jeu où je me suis laissée entraînée émotionnellement parlant très loin au point que mon attention s’est principalement porté là-dessus. Bon, après, vous pourrez aller dire que ça fait de moi une gameuse en carton mais j’assume cette perception du jeu vidéo un peu particulière que j’ai et qui est vraiment éloignée d’autres perceptions qu’ont les joueurs qui s’attardent bien plus sur ces domaines que vous traitez. Choses qui, je l’avoue d’emblée, me semblent bien abstraites contrairement à vous.

    Mais bon, il me semble Lced que tu avais prévu de faire toi-même une critique du jeu. Si c’est toujours d’actualité, c’est l’occasion de développer bien plus ton point de vue – et satisfaire sans doute Altraum 😉 – et t’en donner à cœur joie étant donné que je t’ai laissé des brèches béantes de points à aborder qui ne l’ont pas été ici (ou qui n’ont été que partiels).

  5. Ah ah, pour un peu tu me donnerais envie. Altraum nous avait déjà largement fait la publicité du jeu à l’époque de sa sortie mais je n’avais pas sauté le pas. Tant de choses à faire et si peu de temps, en somme.

    Le seul problème que je pourrais avoir, c’est avec les bugs et autres soucis de finition et d’affichage. Ensuite, être d’un niveau technique équivalent à celui de la PS2 n’a jamais empêché un jeu d’être une tuerie, j’en veux pour preuve d’innombrables jeux PS2 ou Deadly Premotion. Mais tout ce qui est tearing et compagnie, ça nuit sérieusement à mon immersion. Ca n’est pas trop prononcé ?

  6. Bonne relecture d’un conte que l’on pensait reconnaître! Le jeu n’est en soi pas si convivial que cela (un peu répétitif) mais l’ambiance est imbattable. Comme quoi, il est toujours possible de se réapproprier les contes pour enfants!
    Je me souviens qu’il y avait eu un film en projet réalisé par Wes Craven il y a quelques années. J’aimerais bien voir ce que cela pourrait donner même si le risque est d’en faire un film d’action sanglant stupide.

    A propos, un troisième jeu intitulé Alice in Otherland est en projet! Une pétition a été lancée : http://www.thepetitionsite.com/372/809/248/make-american-mcgees-alice-in-otherland-a-reality/

  7. Sincèrement, quand il est sorti, j’ai beaucoup hésité sur le fait que je devais le prendre ou non. En lisant ton article, je suis assez contente de ne pas l’avoir fait… Maintenant, je pense que ça dépend des goûts de chacun.

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