[dropcaps style=’2′]Schafer, il aime ne pas se prendre au sérieux et il aime le metal. Il est donc logique qu’il embringue son studio, Double Fine, dans une aventure mixant un peu tout ça, un jeu sur l’univers de son style fétiche – le metal étant un style déferlant tellement de passion qu’elle en devient une véritable façon de vivre pour beaucoup – avec tout l’humour et second degré décapant qui l’a fait connaître dans l’industrie vidéo-ludique. Pendant qu’Activision élevait des graines de rockers avec sa fameuse guitare en plastique de Guitar Hero, Double Fine sort Brütal Legend, véritable déclaration d’amour au heavy metal, pure, sincère et surtout pas niaise pour deux sous. Que voulez-vous, ce sont souvent les gens en internes les mieux placés pour rendre la vie dure aux clichés. Et en plus, la dérision est bien plus savoureuse que les yeux de vierges effarouchées de journaleux de TF1 s’étant paumés à Clisson en plein Hellfest. Mais Brütal Legend, ce n’est pas qu’une sérénade, c’est aussi un jeu. Et c’est justement de ça qu’on va parler aujourd’hui.[/dropcaps]
Tribute
[quote style=’1′ title=’Synopsis de The Pick Of Destiny’]« Pas de chance pour le jeune JB. Il est passionné de rock’n’roll dans une famille ultra religieuse qui considère cette musique comme l’œuvre du diable. Lorsque son père lui colle une raclée en arrachant tous les posters de ses idoles, JB s’enfuit et part pour Hollywood y chercher le secret du rock’n roll… »[/quote]
Sauf que le jeune, JB, il y découvre un truc fatal. Le rock’n roll, c’est plus ce que c’était. C’est devenu peuplé de petits cons frimeurs faisant une musique consensuelle pour faire fantasmer les petites adolescentes en fleur et passer ces jeunes trous du cul incapables d’esprit critique pour des rebelles cultivés («Fuck the systeeeeeem !!!!»). Faute de mieux pour pouvoir vivre, pas de projecteurs, il joue peut-être bien de la guitare mais il finit comme simple paire de bras de l’ombre. Celui qui est indispensable, se prend toutes les responsabilités et toutes les engueulades mais qui est totalement invisible aux yeux du monde. Le simple esclave des coulisses : le roadie.
Oh, oh, oh, stop… Mais merde, stop à la fin ! On rembobine et on reprend ! Et si ce roadie ressemblant curieusement à Jack Black n’était pas JB ? Et si son bide gras d’hamburgers et de surconsommation de kro étaient des tablettes de chocolat ? Et si ses bras faisaient la taille de mes chevilles ? Et si son nom était Eddie Riggs ? Si, si, Eddie, le même nom que la mascotte emblématique d’Iron Maiden, vous avez bien suivi.
Eddie, tristement incélèbre (oui, c’est le jour des inventions de mots, je l’ai décidé en me levant ce matin) roadie, la perle des perles des guerriers préparateurs de concerts de l’ombre. Celui qui pourra faire sonner n’importe quel groupe merdique comme de la balle (enfin, tout est relatif). Eddie Riggs qui est né un peu tard pour connaître la grande époque du rock/metal, obligé de subir ces railleries rap/rock gentillettes et anti-natures. Et ces petits cons insolents, gamins choyés, pourris, gâtés qui sont même pas foutus de bien traiter leurs guitares. Et même pas foutus de réussir leurs cascades «youngiestes» (référence au guitariste d’AC/DC pour les incultes) correctement. C’est ça le devoir d’un roadie. Supporter ces têtes à claques, monter leur scène pour qu’ils puissent partager leur daube auditive, réparer leurs guitares (parce que c’est vrai, il n’y a que ça à foutre) et en plus, il faut même venir les sauver de leur chute qui pourrait s’avérer mortelle (et avec la guitare s’il vous plaît !). Mais quand le fond du décor, ce monstre vintage et démodé commence à prendre vie et à blesser ce pauvre Eddie… Eh bien, ça fait mal. Le roadie est avant tout humain. Il tombe dans les vapes comme tout le monde et saigne comme tout le monde. Et quand ce sang se mêle à la boucle de ceinture, unique souvenir de son paternel décédé, ça part en live. Pouf ! Plus rien, Eddie se réveille dans un monde inconnu, archaïque, bourré de démons jusqu’à la moelle. Très vite, il croise la route dans ce temple en ruine où il a atterri d’une charmante demoiselle du nom d’Ophélia et la sombre vérité ne tarde à se dévoiler devant ses yeux. Le voilà arrivé dans un monde où les démons règnent en rois, l’infâme Doviculus en tête, et où les êtres humains ne sont que des esclaves sans valeur. L’heure est venue pour Eddie d’aller sous les projecteurs, lui qui a toujours vécu dans l’ombre. Le roadie devenu héros malgré lui, un comble…
Long Live Rock’n Roll !
Et là, sous les yeux ébahis de Eddie se dresse un monde sauvage mais emprunt de tout ce qu’il faut pour revenir à la grande époque bénie du rock, les seventies. Des bonnes guitares, de la ferraille pour construire des scènes, des mecs à l’affût du bon son qui ont tellement remués du cou qu’ils en deviennent comme le chanteur de Cannibal Corpse, le côté bourrinos coup de boule en plus. Des vigiles sans cerveaux mais aux poings gros et solides comme des rocs, des belles nanas bien foutues qui manient les fusils comme des mecs, la sensualité en plus et même des roadies, des vrais, ceux qui peuvent être invisibles et porter des baffles de plus de trente kilos juste avec le petit doigt. Il y a même des guérisseurs en harley, c’est dire ! Et puis sans compter que les ruines oubliées et enfouies renferment du bon gros son. Bref, de quoi donner un pur show devant une humanité libérée et festive qui ont (enfin) des goûts décents. Mais bon, comme tout est quelque peu bordélique, la tâche revient à notre bon vieux Eddie de tout remettre en ordre pour préparer sa grosse tournée mondiale qui détruira les méchants de ce monde, allant des glamouzes aux démons en passant par les emos.
Bref, bien barré comme programme. On ne s’étonne donc pas de voir Double Fine et son emblématique Tim Schafer aux manettes. Mais ce cher Tim a été un brin audacieux cette fois-ci. Quitte à rendre hommage au style musical qu’il chérit tant, autant le faire en grand. Et pour ça, pour rassembler les fidèles et se faire entendre, rien ne vaut du bon son alliés à des invités solides, des figures dans le milieu rock/metal. Si la bande-son est franchement excellente pour n’importe quel sympathisant à la cause, à quelques fautes de goût près (Dragonforce mais quelle horreur!), les guests ne font pas non plus taches. Jugez plutôt : Lemmy Killmister, l’icône rock’n roll par excellence, Rob Halford, le dieu du metal (enfin, c’est la traduction littérale de son surnom, je ne partage pas cet avis mais passons…), Ozzy Osbourne, ce bon vieux fou furieux et Lita Ford, icône féminine rock un brin couillu de l’ombre (mais qu’est-ce qu’elle a donné comme bonne musique!). Et sans oublier l’irrésistible Jack Black, la personne évidente et la mieux placée pour donner la réplique au scénario bourré d’humour pondu par Schafer. Ce genre de scénario délirant typique du monsieur dont lui seul a le secret.
Pas convaincu ? Regardez simplement les modélisations de ces têtes qui nous sont pas si inconnues que cela. Modélisation flatteuse. Jeunesse emplie de chair et de muscles sans trace du temps qui a passé et les enveloppe cruellement aujourd’hui, ni traces de leurs excès passés (et présents). Et bien plus fortiches qu’ils ne l’ont jamais été. Et puis, défoncer à coup de hache et de guitare les tantouzes issus du milieu glam rock n’aura jamais été aussi fendard. De toute manière, ces mecs permanentés et peinturlés comme des prostituées vulgaires, ça a toujours été le mal, c’est bien connu.
Highway To Hell !
Il n’empêche, c’est bien gentil de s’extasier devant ces gueules classes, ce bon son et cet humour décapant mais il ne faudrait pas oublier le principal : le jeu. Allez, prenez une bière et écoutez attentivement car vous êtes là pour ça après tout. Pour libérer l’humanité, il faut reprendre le monde aux démons, vaincre les forces de Doviculus et son leader lui-même. Pour ça, il faudra d’abord passer par la case sous-fifres mais avant toute chose, il faudra d’abord se faire son armée. Pour cela, vous serez amenés à faire diverses missions où vous devrez poutrer des larbins pour en récupérer d’autres pour votre vaillante armée libératrice. Et puis, s’organiser et trouver tout le matos nécessaire pour préparer la tournée qui s’annonce. Pour cela, vous pourrez compter surtout sur votre hache et votre fidèle Clémentine (la guitare, pas votre greluche). Des bonnes vieilles phases de beat’em all très classiques au demeurant. Classiques mais surtout limitées. Le nombre de combos n’est pas très conséquent et il ne faudra pas compter sur les garages metal que vous trouverez en chemin, tenus par le Madman en personne, qui ira considérablement étoffer vos capacités. Petite subtilité : vous avez peut-être de gros bras mais vos jambes ont l’air moins costauds elles. La preuve, vous ne pouvez même pas sauter.
Le monde qui vous entoure est également plutôt vaste. Rien que la première région se révèle longue à fouiner de fond en comble (cette première région peut même être divisée en deux, c’est dire). Rassurez-vous, vous ne serez pas à pied pour vous déplacer, une belle caisse de fortune faite main s’il vous plaît, vous prêtera main forte. Et comme vous pouvez l’armer jusqu’aux dents et qu’elle est boostable, elle aussi de manière bien limitée, il y a de quoi en faire une sympathique machine de guerre qui permettra de mieux protéger votre tour bus dans la future tournée qui vous attend. Des phases de conduite bourrinistes en somme. Et comme vous aurez peut-être l’occasion (mission secondaire donc non obligatoire) de rencontrer un truc à tête de crapaud à l’esprit bien compétitif, on peut ajouter un léger côté course. Attention, c’est pas du Gran Turismo, que les as de la conduite se rhabillent et aillent voir ailleurs, ils seront déçus. Et ne vous attendez pas non plus à du pur arcade, à la vitesse pète-yeux à la Need For Speed, le véhicule est assez mou et peut même se trouver rigide à conduire par moments (ah cette mission où il fallait faire des cercles avec sa caisse !).