[dropcaps style=’2′]En légère perte de vitesse, le J-RPG a semble-t-il trouvé un ambassadeur auto-revendiqué en Compile Heart et son label Galapagos RPG. Premier titre à dispenser la bonne parole et à montrer les ambitions de l’éditeur : Fairy Fencer F. Pour attirer un maximum de joueur dès ce premier essai – sans qu’il ne le soit réellement, explications plus bas – un casting plus qu’aguicheur : Nobuo Uematsu au thème principal et son groupe Earthbound papas à la bande son, Yoshitaka Amano aux ébauches des personnages, Toshiki Inoue (Chaos;Head) au scénario. La volonté de faire venir les joueurs de RPG est là. Mais, de grands noms pour forcément un grand jeu ?[/dropcaps]
Fairy Fencer F s’ouvre sur la détention du jeune Fang. Garçon oisif, sans réel but dans la vie, il a pour défaut une gourmandise exacerbée, un pêché qui l’a amené à prendre de la nourriture sans payer – se promenant toujours sans le sou – et donc un séjour en geôles. Il est accompagné de la fée Eryn. Le monde de Fairy Fencer F est actuellement en paix, notamment grâce à la victoire de la déesse sur le dieu du mal de nombreuses années auparavant. Tous deux scellés par des armes sacrées – nommées Furies – ils ne peuvent s’éveiller qu’à condition de retrouver l’intégralité des furies dispersées au travers du monde. Ces armes, à l’instar d’une Excalibur dans les légendes arthuriennes, choisissent leur possesseur. Ainsi, n’importe qui ne peut pas les brandir. Il se trouve que, malgré son statut plutôt détestable, Fang a réussi à en récupérer une et s’est donc vu affecter la fée l’habitant, Eryn. Un pacte/lien se noue alors entre eux, à vie. Eryn a d’ailleurs bien du mal à accepter son partenaire, elle rêvant de rencontrer un homme respectable. Autre rêve de la fée : retrouver la mémoire. Fait inédit : Eryn ne se souvient de rien avant son “union” avec Fang, si ce n’est les grandes lignes de la renaissance de la déesse. Cette dernière, une fois ranimée à l’aide des Furies dispersées un peu partout, exauce le voeu de l’être l’ayant appelée. Faute de mieux, Fang accepte de partir en quête des furies dans l’espoir, non pas de libérer la déesse mais d’aider Eryn à se souvenir de son passé, et accessoirement s’occuper.
A première vue, Fairy Fencer F aligne tous les poncifs du genre. A commencer par des protagonistes stéréotypés au possible. Entre le héros ringard-tête à claques mais beau gosse, la jeune fille indépendante mais au lourd secret, la scientifique timbrée participant activement au fan service, le jeune barbare immature et totalement décérébré, et autres personnages conditionnés à tuer à l’enfance bien triste, le titre de Compile Heart n’étonne pas vraiment. Le design des personnages encore moins, puisqu’il varie entre le quelconque et le classique typé anime/manga. Les scènes de discussion, semblant tout droit issues de Visual Novel, appuient fortement ce sentiment de déjà vu. Heureusement, le sentiment de vacuité des premières heures laisse place, au fil des scénettes parfaitement optionnelles, à un sentiment bien moins négatif. Le joueur qui se contentera de la quête principale ne découvrira pour ainsi dire pas grand chose du passé et de la psychologie des membres de son équipe. Fairy Fencer F demande réellement de s’arrêter discuter avec les héros et les PNJ pour étoffer son background, voire de partir dans un second run afin d’enrôler tous les personnages possibles – chose pas impossible mais extrêmement difficile dès la première partie.
Fairy Fencer F est de ces RPG dont il est possible de rater la substantifique moelle pour peu que nous soyons obnubilés par la quête principale. Or, réaliser les quêtes annexes de l’informatrice Lola permet de débloquer des Furies et surtout de récupérer un nouveau personnage. Compléter les missions du Pub – soit tuer des monstres, soit récupérer des objets bien précis – amène également son lot de bonus. Le tout permettant de débloquer un donjon optionnel, une tour aux quarante étages – et des boss cachés. Les trente cinq heures de quête se transforment alors aisément en soixante-dix. D’autant que de nombreux dialogues se débloquent à l’auberge du jeu, QG de nos héros, grande bâtisse façon hôtel. Le système de synthèse et la boutique amènent quant à eux à la création/obtention d’objets rares tels que des tenues ou des accessoires pour les héros, en combat. Beaucoup de choses pour ce RPG un peu lisse de premier abord. D’autant que très vite, son système de combat finit de parachever ce constat.
Les amateurs de la série des Neptunia navigueront en terrain connu : c’est du copier-coller ou presque. Trois personnages sont sur le terrain simultanément, d’autres peuvent intervenir au travers d’un système de switch. Chaque combattant dispose d’un certain nombre de coups à porter, jusqu’à 4 en fin de partie, 5 pour Fang. Ces combos se paramètrent en amont et sont à enchainer à chaque tour. Chaque coup est placé sur les touches principales, Carré, Croix et Rond – Triangle étant pour le menu. A chaque touche, il nous est demandé de choisir le coup suivant, amenant à une infinité de combinaisons. Le fin stratège passera un certain temps dans le combo edit pour planifier les meilleurs enchaînements. En plus de son arme principale, le personnage peut en utiliser d’autres le temps du combo. C’est ainsi que Fang peut être amené pour un coup de tirer un coup de feu ou trancher à la hâche plutôt que pourfendre de la pointe de l’épée. Etant donné qu’il est possible d’enchainer les coups très rapidement, les combats se veulent extrêmement dynamiques. Les correctifs apposés sur Neptunia premier du nom au travers de son remake, Re;Birth 1, ont bien été pris en compte ici. A tel point que les héros de FFF disposent eux aussi de transformations. En effet, en combat, après un certain nombre de coups reçus et/ou portés, la jauge de “Fairization” atteint un seuil minimum pour que la fée et son Fencer puissent fairizer, autrement dit la fée et la fury (l’arme) fusionnent pour donner une super arme généralement couplée à une armure pour le fencer. Cet état perdure tant que la jauge n’est pas revenue à zéro, elle descend à chaque coup ou soin reçu.
Cette transformation intervenant au départ essentiellement contre les boss devient très vite accessible, dès le second tour en fin de partie, car les dégâts infligés sont autrement plus intenses. Sans compter que si les personnages sont suffisamment regroupés sur le terrain – oui, nous pouvons les déplacer librement dans un périmètre – une Avalanche peut se déclencher amenant à réaliser des combos à plusieurs personnages. Extrêmement utile. La Fairization amène juste avec elle une scénette ne pouvant être coupée – heureusement de 4 secondes, rien d’aussi pénalisant qu’un Bahamut Zéro – et une nouvelle musique le temps du combat, plus dynamique et chantée. Le système de combat est un vrai petit bijou de simplicité et de fluidité, faisant adhérer le joueur à toute séance de leveling si nécessaire – 1 escape en plus de 1000 combats au compteur de votre serviteur. Si elles sont agréables, elles n’en sont pas pour autant indispensables tant la difficulté des combats reste au ras des pâquerettes tout au long du jeu. Il y a juste un petit gap lors de la seconde partie de l’aventure – après un immense twist, no spoiler – mais rien de très compliqué. Le jeu reste étonnamment simple, même le boss de fin ne posera aucun souci à des héros niveau 40. Les boss en général ne sont que des sacs de frappe à forte barre de vie. Seuls certains groupes d’ennemis peuvent amener le danger, et encore…
La boutique en ville voyant arriver de nouveaux objets après chaque donjon, il suffit de savoir s’approvisionner régulièrement. En parallèle, les niveaux montent assez vite, tout comme ceux des furies de soutien. En complément de la fury principale imposée par le jeu, chacun peut équiper une seconde permettant de booster les stats et d’amener à l’occasion de nouvelles capacités. Limitée au level 10, elles apportent un confort supplémentaire. Les héros n’apprennent pas spontanément de nouvelles techniques : ils gagnent des WP. Ceux-ci sont à distribuer au travers de statistiques (P-ATK, M-ATK, Range, etc…), de sorts, de capacités et de coups à intégrer à la liste des combos. Il est ainsi possible de créer des personnages radicalement différents d’une partie sur l’autre, selon le rôle que nous voulons lui donner. En parallèle à tout cela, les furies peuvent être plantées dans la carte du monde afin d’attribuer des effets/états à la zone adjacente. Pour exemple, planter une fury peut booster l’expérience de 50% dans les donjons avoisinant, mais empêcher les sorts de soin. Un bonus et un malus, toujours. La fury ainsi plantée ne peut alors plus être utilisée en soutien, ni utilisée pour libérer les deux dieux. Quête annexe de type fil rouge, la libération des deux dieux se fait en utilisant les Furies dessus : une même fury ne peut libérer qu’une seule lame du corps d’un des deux dieux. Pas question donc de les réutiliser à l’envie, et l’arme retirée doit être de niveau égal à la fury (de C à S). L’univers de Fairy Fencer F tourne autour des furies et reste cohérent là-dessus tout du long.
Les nombreux donjons ne comportent aucune énigme et ne posent pas de problème d’orientation tant la linéarité est ici le maître-mot. Quelques warps de-ci de-là, des plateformes inaccessibles à ceux n’ayant pas synthétisé le bon objet et des trésors cachés détectables au radar. Les développeurs ne se sont visiblement pas foulés sur ce point, très en deçà des attentes d’un joueur de RPG désireux de réfléchir un minimum. Nombreux, les donjons constituent l’essentiel des déplacements puisque le jeu ne comporte qu’une seule ville, accessible uniquement au travers d’un menu. Les seules phases en 3D sont donc bien ces donjons plus que dépouillés. Même si le jeu tourne sur Playstation 3, la puissance de la console est rarement sollicitée, au point que le frame rate chute de manière plutôt dramatique dans les derniers lieux visités dès lors que l’étage du donjon est un peu grand – les ennemis étant visibles sur le terrain de jeu. Heureusement, nos pérégrinations sont accompagnées de fort belle manière au travers des compositions du groupe Earthbound Papas. Seul le thème principal est une coréalisation de Nobuo Uematsu, les autres membres se partagent les partitions. Bon résultat mais peut mieux faire tout de même.
Ceci pourrait être la conclusion de ce texte tant Fairy Fancer F est sympathique mais pas marquant. Extrêmement agréable à parcourir grâce à un système de combat bien pensé et à un humour japonais comme on l’aime, il semble manquer d’ambition pour aller plus loin, plus fort. La faute à une plastique très classique et un scénario assez convenu à quelques rebondissements près. Un bon premier titre pour Galapagos RPG qui doit amener tout de même plus de risques. Le J-RPG c’est Fairy Fencer F, mais pas que.